Matthew McCusker, vice-directeur international de Voice of the Family, a exposé à Rome vendredi les « erreurs doctrinales et ambiguïtés les plus importantes » de l’Exhortation apostolique Amoris laetitia. Il intervenait lors d’un colloque de deux jours organisé par la coalition mondiale de mouvements laïques provie et pro-famille fondée il y a deux ans à l’occasion de la préparation du synode extraordinaire sur la famille, pour veiller sur les poussées progressistes en faveur d’une modification de l’attitude de l’Eglise à l’égard des divorcés « remariés », et auquel sont intervenus le cardinal Raymond Burke et Mgr Athanasius Schneider.
McCusker a répondu d’emblée positivement à la question de savoir si Amoris laetitia « contient des assertions qui contredisent ou qui sapent l’enseignement immuable de l’Eglise ». Et ce d’abord dans un contexte de refus d’exposition claire et simple de cet enseignement par citation des documents du magistère antérieur.
“Voice of the Family” a soumis “Amoris laetitia” à une analyse serrée
Affirmant que le document de 250 pages contient de très nombreux exemples de contradictions du magistère et d’ambiguïtés qui le sapent, Matthew McCusker a limité son exposé aux plus graves, à commencer par l’affirmation que « nul ne peut être condamné pour toujours, car telle n’est pas la logique de l’Evangile ». Il suffit de citer l’Evangile pour faire comprendre que « Notre Seigneur lui-même parle très souvent de la possibilité que des hommes et des femmes soient condamnés pour toujours à cause du péché » : la « logique » de l’Evangile respecte la liberté de l’individu, y compris « son choix de rester dans un état de péché grave ».
C’est dans ce contexte erroné que l’Exhortation du pape François aborde la question des divorcés « remariés », appliquant même à leur nouveau couple un vocabulaire propre au mariage en affirmant qu’on peut y discerner avec le temps une « fidélité éprouvée, un généreux don de soi, un engagement chrétien », alors même qu’il s’agit d’une « relation adultère ». En outre, Amoris laetitia, évoquant les couples de cette sorte qui ayant conscience de l’irrégularité de leur situation ne peuvent abandonner les enfants éventuellement nés de la nouvelle union, suggère en citant de manière tronquée Jean-Paul II qu’ils peuvent se dispenser de vivre dans la continence parfaite. McCusker souligne que le texte va jusqu’à dire que cette continence « peut dans certains cas n’être pas possible ni même désirable », à travers la note 329 qui contient une citation – tronquée elle aussi puisque s’appliquant aux couples mariés et à la continence périodique – deGaudium et spes !
« Cela implique qu’il peut être parfois juste de tolérer, voire (…) d’encourager l’adultère », notait l’orateur.
Sur les « situations irrégulières », des erreurs doctrinales ouvertement exprimées
Il a souligné également que les passages d’Amoris laetitia relatifs aux « situations dites irrégulières », aboutissent à l’idée qu’il « existe certaines situations concrètes ou des personnes ne peuvent faire autrement que de commettre le péché ». Et même « qu’il existe certains cas où il se peut que Dieu demande à une personne, dans une situation particulière, de faire quelque chose d’objectivement mauvais » (c’est au paragraphe 303 de l’Exhortation).
Pour Matthew McCusker, cela pose de nombreuses questions : on s’oriente en effet vers une « éthique de situation », la prise en compte de l’« option fondamentale » qui justifierait des actes gravement immoraux d’une personne « fondamentalement orientée vers Dieu », et le « gradualisme » par lequel la « loi morale ne s’impose que de manière graduelle à la personne au fur et à mesure qu’elle arrive à maturité, se développe et devient capable d’observer la loi ». C’est l’inverse de « la loi de la gradualité » évoquée par Jean-Paul II pour décrire l’avancée progressive de celui qui cherche à dépasser les obstacles qui l’empêchent d’observer pleinement la loi divine, la même pour tous.
Les ambiguïtés d’“Amoris laetitia”, mais aussi les omissions
« Amoris laetitia, au contraire, contient une sous-section au chapitre 8 intitulée : “La gradualité dans la pastorale”. Cette section, et même l’ensemble du document, est envahie par l’idée que l’enseignement de l’Eglise sur le mariage présente un idéal vers lequel il faut tendre, plutôt qu’une réalité qui est contraignante pour tous », a commenté McCusker.
A cela s’ajoutent de nombreuses autres insuffisances, omissions, ambiguïtés, confusions, qu’il s’agisse de la culture de mort à peine évoquée alors que l’avortement est un fléau qui détruit non seulement la vie mais les familles, du chapitre sur « l’éducation sexuelle » qui n’affirme pas les droits premiers des parents dans ce domaine, ou de l’absence de « référence directe à la contraception, malgré les conséquences dévastatrices de l’utilisation des contraceptifs dans de nombreux domaines de la vie humaine »…
Tout cela a amené John Smeaton, directeur de la plus ancienne organisation provie au monde, la SPUC britannique, et membre de la coalition Voice of the Family, à demander samedi l’abrogation pure et simple de l’Exhortation post-synodale, par le pape François ou par un de ses successeurs.