Don Tullio Rotondo, “suspens a divinis” pour avoir critiqué “Amoris laetitia”

Tullio Rotondo critique Amoris
 

Un prêtre italien « coupable » d’avoir publié un livre, Trahison de la saine doctrine, qui critique divers enseignements du pape François, notamment dans l’exhortation post-synodale Amoris laetitia qui ouvre la voie à l’accès à la communion des « divorcés remariés », a été lourdement sanctionné d’une « suspens a divinis » par son évêque, Mgr Camillo Cibotti. Don Tullio Rotondo, incardiné jusqu’alors dans le diocèse d’Isernia-Venafro – mais n’y exerçant semble-t-il pas de tâche pastorale spécifique – a fait l’objet d’un décret de suspension le 2 février dernier, motivé par une « désobéissance à l’égard de l’ordinaire », et ce malgré un « avertissement » de l’évêque qui lui avait demandé de cesser la diffusion de son livre.

Le prêtre, qui a poursuivi des études poussées de théologie à Rome, est docteur en théologie et s’est spécialisé dans la théologie morale ; son apostolat s’est essentiellement exercé en ligne par le biais de son site et de ses chaînes YouTube, Facebook et Telegram où ses écrits sont mis à disposition gratuitement.

 

Tullio Rotondo veut être d’abord fidèle au Christ

Mais Don Tullio Rotondo s’est autorisé des pages qui ont déplu à Mgr Cibotti. Il y dénonce les mêmes erreurs et ambiguïtés qui ont poussé quatre cardinaux à présenter des « Dubia » au pape François sur plusieurs questions morales à la suite de la publication d’Amoris laetitia, sans jamais recevoir de réponse, et qui ont entraîné des universitaires et d’autres laïcs catholiques à publier des déclarations non moins critiques – parmi ces derniers, plusieurs ont perdu leur poste dans des universités catholiques.

La peine infligée à Don Tullio le prive d’un bien encore plus grand, puisqu’il ne peut exercer aucun ministère public, qu’il est privé de tout pouvoir d’ordination et de gouvernement, et qu’il lui est interdit de se faire reconnaître comme prêtre, que ce soit par l’appellation ou l’habit. Son celebret lui a été retiré et il ne peut célébrer aucun sacrement.

Que dire de cette « désobéissance » ? Le prêtre avait lui-même répondu sur ce point lors de la présentation de son livre en 2022 par le vaticaniste italien Aldo Maria Valli :

« Je précise à cet égard que certains chrétiens, manifestement incompétents, croient, également en raison d’une interprétation incorrecte des textes bibliques, que l’obéissance chrétienne consiste à toujours faire ce que dit le supérieur, surtout s’il s’agit du Pape, et ils désignent donc comme désobéissant quiconque s’oppose aux déclarations et aux décisions du Pontife ; il faut rappeler à ces chrétiens que leur conception de l’obéissance est en réalité “nazie” et non chrétienne. Le chrétien doit avant tout obéir au Supérieur suprême qui est Dieu et il ne doit donc se soumettre aux indications et aux ordres des autres supérieurs que dans la mesure où ces indications et ces ordres ne s’opposent pas aux indications et aux ordres divins. Saint Thomas est très clair sur ce point. »

 

Le pape François s’est servi d’“Amoris laetitia” pour édulcorer la doctrine

Dans un entretien accordé il y a quelques jours à LifeSiteNews, Don Tullio, qui récuse tout sédévacantisme, affirme que le pape François a travaillé à un « changement de paradigme » au sein de l’Eglise, allant de pair avec un « changement de la doctrine » (l’expression est celle de ses plus proches collaborateurs), facilité par le recours à des actions et à des mots « codés » et à des déclarations ambiguës.

Son livre s’attache à montrer comment cela a été accompli et quelles en sont les conséquences. Les accusations sont graves : Rotondo impute au pape et à ses proches d’avoir pratiquement « laissé de côté la loi divine révélée », en niant le caractère absolument obligatoire des préceptes négatifs du Décalogue, ce qui porte atteinte à la conception catholique de la conscience morale, le tout au moyen d’un « discernement » imprécis ou erroné au sujet de cas particuliers qui conduisent à présenter de manière trompeuse les « circonstances atténuantes » pouvant exister mais qui sont aujourd’hui élargies de manière indue. C’est le fameux « accompagnement » qui peut aboutir – et qui a déjà abouti dans des cas connus – à permettre l’accès aux sacrements de catholiques dont la vie contredit objectivement les préceptes sur la fidélité conjugale et qui n’ont aucune intention d’en changer.

Dans son entretien avec LifeSite, Don Tullio Rotondo commente : « En suivant ces voies (…), le Pape et certains de ses collaborateurs ont quasiment ouvert la voie à l’acceptabilité des actes homosexuels, des actes contraceptifs et des actes adultères – et donc, pratiquement, à l’absolution sacramentelle et à la communion eucharistique pour ceux qui pratiquent de tels actes et ne se repentent pas. Il n’est pas étonnant que le président américain Biden, un extrémiste de l’avortement, soit sorti de sa rencontre avec François en disant que, selon le pape, il est lui-même un “bon catholique” et qu’il peut recevoir l’Eucharistie. Le Saint-Siège ne l’a pas démenti ! »

L’erreur est ici liée à ce que « la contrition, et donc l’intention de ne plus pêcher, n’est plus absolument nécessaire dans le cadre de la confession sacramentelle » – au risque, d’ailleurs, de donner des absolutions invalides, souligne le prêtre.

 

Des critiques lourdement sanctionnées

Au-delà des problèmes doctrinaux et moraux posés par Amoris laetitia et par les pratiques qui en découlent au sein de l’Eglise, Don Tullio Rotondo dénonce également l’opposition radicale du pape François à la peine de mort : « La légitimité de la peine de mort, dans certains cas, est clairement affirmée par la loi naturelle et la loi révélée, et le pape est dans l’erreur lorsqu’il déclare la peine de mort “inadmissible” » affirme-t-il dans son entretien, renvoyant aux explications qu’il donne à ce sujet dans son livre.

Se disant « heureux de pouvoir souffrir avec le Christ et pour le Christ, pour sa Vérité », Don Tullio se dit « intérieurement en paix » : « J’ai l’impression d’avoir trouvé ma vocation » ; il continue notamment de « suivre le Christ et de répandre sa Parole », dit-il.

« Nous traversons la pire crise doctrinale que l’Église n’ait jamais connue, et ce à cause du pape. Cela semble impossible, et pourtant c’est ainsi. Dans cette situation, j’ai compris que je devais prier et parler pour que Dieu intervienne et que les gens comprennent et agissent pour arrêter cette avalanche d’erreurs qui, comme l’ont souligné de nombreux experts à différents niveaux (…), semblent dans certains cas être de véritables hérésies. Dieu déteste ces erreurs et interviendra pour nous en délivrer, mais nous devons coopérer avec lui pour que cela s’accomplisse. Dieu ne veut pas tout faire tout seul, il veut notre coopération pour nous délivrer de ces perversions doctrinales et morales. La saine doctrine nous fait comprendre cela, ainsi que l’histoire de l’Église », affirme Don Tullio.

D’où son appel à tous les prêtres et à tous les évêques de parler « haut et fort » afin que les erreurs qui se diffusent « à cause du pape » soit connues, au nom du « salut des âmes ». A tous, il adresse un appel « à la prière et à la pénitence » pour que cessent les erreurs et que « la lumière de la Vérité » puisse revenir grâce aux paroles du pape et de ses collaborateurs. « J’insiste ; je ne souhaite pas la mort du pape, mais qu’il se convertisse en renonçant à ces erreurs et qu’il aide les âmes à vivre dans la sainte vérité catholique », a-t-il ajouté.

 

Prier pour que les erreurs soient balayées : Don Tullio garde l’espérance

Sa conclusion est finalement pleine d’espérance :

« J’ai confié et je continue de confier ce travail à Notre-Dame, à son Cœur Immaculé. Puisse-t-il contribuer à faire triompher son Cœur Immaculé sur les erreurs répandues par le pape François. Je souligne que la situation que nous vivons est entre les mains de Dieu. Dieu a permis – et non voulu – ces erreurs, même hérétiques, du pape, comme on l’a dit, et nous savons que Dieu permet le mal pour un plus grand bien. Dans le Catéchisme de l’Église catholique (412), nous lisons un texte de saint Thomas d’Aquin qui affirme : “Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de saint Paul : ‘Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5, 20). Et le chant de l’’Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité un tel et si grand Rédempteur’.” Dieu, avec notre coopération, effacera ces perversions doctrinales et saura transformer ce mal en un bien plus grand, afin que sa Vérité puisse briller plus fortement pour le plus grand salut des âmes et la plus grande gloire de Dieu. »

 

Jeanne Smits