“Amoris Laetitia”, une « bombe atomique » à retardement qui menace l’ensemble de l’enseignement moral catholique (Josef Seifert)

Amoris Laetitia bombe atomique retardement menace enseignement moral catholique Seifert
 
Pour le Dr Josef Seifert, directeur et fondateur de l’Académie internationale de philosophie du Liechtenstein, il n’y a qu’une seule manière de désamorcer la « bombe atomique théologique » que constitue l’exhortation Amoris laetitia : c’est de rétracter au moins une erreur fondamentale dans ce texte qui selon le philosophe, menace l’ensemble de l’enseignement moral catholique.
 
Cette erreur peut se résumer ainsi : un passage de l’exhortation du pape François suggère que Dieu veut activement que des personnes, dans des situations données, commettent des actes qui ont toujours été considérés comme objectivement mauvais dans l’enseignement de l’Eglise catholique, résume le Pr Seifert.
 
Le passage en question se situe dans l’article 303 d’Amoris Laetitia (AL) où le pape François évoque des couples « dits irréguliers », pour reprendre le langage de l’Exhortation, en disant (nous reprenons ici verbatim la formulation boiteuse de la traduction officielle) : « Mais cette conscience peut reconnaître non seulement qu’une situation ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif. »
 

“Amoris Laetitia” en déclarant un acte immoral conforme à la volonté divine menace tout l’enseignement moral catholique

 
La formulation est doublement problématique, souligne Seifert : « Outre qu’elle qualifie par euphémisme un état objectif de péché grave comme ne constituant “pas encore pleinement l’idéal objectif”, AL infirme qu’on peut savoir “avec une certaine assurance morale” que Dieu lui-même nous demande de continuer de commettre des actes intrinsèquement mauvais, tels l’adultère ou l’homosexualité active. »
 
Il faut pousser cette logique dans ses conséquences ultimes : s’il est vrai que Dieu peut vouloir qu’un couple adultère vive dans l’adultère en contradiction avec le sixième commandement, alors rien n’empêche que ce principe soit appliqué à « tous les actes considérés comme “intrinsèquement mauvais” », raisonne Josef Seifert. Pourquoi ne pas justifier dans certains cas le meurtre, l’avortement, l’euthanasie, le suicide, mensonge, le vol, le parjure et la trahison au motif que Dieu lui-même les demande « parmi la complexité concrète des limites de la personne, quoique ne constituant pas l’idéal objectif » ?
 
« La logique pure n’exige-t-elle pas que nous tirions cette conséquence de la proposition du pape François ? », demande Seifert, montrant qu’une réponse positive à cette question entraîne logiquement ceci : « Alors la conséquence purement logique de cette seule assertion d’Amoris Laetitia semble détruire l’ensemble de l’enseignement moral de l’Eglise. »
 

Le philosophe catholique Jozef Seifert désigne le problème fondamental d’“Amoris laetitia”

 
« Si c’est bien cela qu’affirme AL, toute inquiétude concernant les affirmations directes d’AL en matière de changement de discipline sacramentelle ne vise que le sommet d’un iceberg, les débuts timides d’une avalanche ou encore les tout premiers édifices détruits par une bombe atomique en matière de théologie morale qui menace de détruire l’ensemble de l’édifice moral des Dix commandements et de l’enseignement moral catholique », avec pour conséquence « rien moins qu’une destruction totale de l’enseignement moral de l’Eglise catholique », a-t-il conclu.
 
L’article du Pr Seifert a été publié dans la revue scientifique AEAMET en anglais.
 
Il apporte une réponse opportune à l’analyse des points les plus controversés d’Amoris laetitia publiée il y a quelques jours par Mgr Victor Manuel Fernandez dans le sens de l’ouverture à la communion pour les divorcés « remariés », où ce très proche du pape François compare la poursuite de la relation charnelle de divorcés « remariés » dans certaines circonstances à l’excuse de légitime défense pour certains homicides ou à la possibilité de voler de la nourriture pour nourrir son enfant mourant de faim.
 

Une bombe théologique atomique à retardement menace toute l’Eglise

 
Or ce sont là des circonstances où l’on n’a réellement pas le choix de poser un acte qui en l’occurrence n’est d’ailleurs pas objectivement mauvais, même s’il a pour conséquence de causer la mort d’un homme ou de priver quelqu’un d’un bien matériel qui lui appartient. Au contraire, la « fornication » que Fernandez tente de justifier contrevient au principe selon lequel les relations sexuelles sont réservées au seul mariage légitime et que toute personne ne se trouvant pas dans cet état a le simple devoir de les éviter ; elle n’y a aucun « droit » en dehors de cet état.
 
(On pourrait ajouter que cette justification légitime en quelque sorte l’union irrégulière – c’est en effet le point de vue de certains canonistes, et il faudra y revenir.)
 
La réflexion du Pr Seifert montre très clairement que le problème d’Amoris laetitia réside dans la justification en soi d’un mal objectif que rien n’excuse jamais, et ce nonobstant toute protestation contraire.
 

Jeanne Smits