Ne parlons plus de « migrants », dit Al-Jazeera

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Dans un blog publié par la chaîne arabe Al-Jazeera, le journaliste Barry Malone dresse un portrait poignant des « migrants » qui décident de braver les éléments pour échapper à « la misère et aux dangers inimaginables » des pays comme la Syrie, l’Irak, la Libye, l’Erythrée, la Somalie. Ne parlons plus de « migrants », dit l’auteur. C’est devenu un « terme générique » qui ne rend pas compte de la complexité de la situation, de « l’horreur » qui se déploie en Méditerranée : un « outil qui déshumanise et distancie, un péjoratif évident ». C’est le mot « réfugié » qui sera retenu.
 
Le mot est médiatiquement récent. On ne parle plus d’immigrés – fussent-ils clandestins – mais il est vrai que les vagues de miséreux qui tentent de trouver un meilleur avenir de l’autre côté de la Méditerranée semblent être surtout en mouvement. On ne parle plus de clandestins : quoi de plus visible que ces masses humaines sur lesquelles toutes les chaînes de télévision s’attardent, comme pour mieux alimenter l’anxiété des uns et des autres ? On ne parle pas de réfugiés. On pouvait croire que le mot avait pour but de désamorcer un peu les craintes et les inquiétudes des autochtones européens : un migrant, c’est fait pour aller ailleurs.
 

Al-Jazeera préfère le mot « réfugié », moins stigmatisant que « migrant »

 
Al-Jazeera ne voit pas les choses ainsi. La chaîne ne parlera plus de « migrants » parce que le mot permet – dit-elle à travers son journaliste – de considérer toutes ces tragédies humaines qui se déploient sous nos yeux comme des chiffres, des statistiques. Le « migrant », c’est un « nuisible », la mort d’un migrant ne vaut pas la mort d’un homme, c’est un mot qui facilite le discours de haine, un « racisme » à peine voilé. Un mot qui sert aux gouvernements qui « ont des raisons politiques de ne pas désigner ceux qui se noient en Méditerranée comme des réfugiés, ce qu’ils sont pourtant ».
 
Le discours d’Al-Jazeera est révélateur. La chaîne sunnite, dont les téléspectateurs sont largement favorables à l’Etat islamique s’il faut en croire un sondage qu’elle avait elle-même commandé en mai, se lamente devant cette « discrimination » sans souligner que les déplacés qui cherchent refuge ou vie meilleure dans l’Eldorado européen fuient en général des pays où l’islamisme est aux commandes. Ils « fuient la guerre » comme l’écrit Barry Malone. Certes. Mais surtout, ils sont la preuve vivante de ce qu’un pays chrétien – même post-chrétien – est plus désirable qu’un pays aux mains de l’islam…
 

Le migrant est une menace, le réfugié une personne qui fuit le danger

 
L’article d’Al-Jazeera a trouvé un large écho, bénéficiant d’un nombre inhabituel de « like » sur Facebook. Le Washington Post a repris le thème pour renchérir : oui, c’est en terme d’« invasion » que les journaux populaires britanniques présentent l’actualité. Les mots qui reviennent ? « Siège », « horde », « zone de guerre », « maraude », « essaims »… De quoi alimenter « l’intolérance et la xénophobie », se lamente le quotidien américain.
 
Voilà les Européens une nouvelle fois culpabilisés. Rien de tout cela ne sert une solution à cet énorme problème qui soit à la fois humaine pour les personnes et juste pour les nations qui subissent la pression migratoire, dans un contexte de démission de l’Europe qui n’assume plus sa mission évangélisatrice…
 
Al-Jazeera, de son côté, minimise la gravité de la situation en notant que les quelques 340.000 personnes qui ont traversé les frontières européennes cette année ne représentent « que 0,045 % de la population européenne totale de 740 millions » (Russie et autres pays non membres de l’UE compris).
 
« Comparez cela avec la Turquie, qui accueille 1,8 millions de réfugiés en provenance de la seule Syrie. Avec le Liban, qui compte plus d’un million de Syriens. Et même l’Irak, aux prises avec sa propre guerre, accueille plus de 200.000 personnes ayant fui son voisin », écrit Al-Jazeera.
 
L’image est trompeuse : les pays de l’Union européenne accueillent déjà des millions d’immigrés, clandestins ou non. Et le choc culturel et religieux est plus grand.
 
En attendant, on voit que l’islam considère d’un bon œil les arrivées massives de musulmans sur le sol européen : faut-il s’en étonner ?
 

Anne Dolhein