Trente-neuf sénateurs américains – républicains et démocrates – emmenés par le Républicain John Barrasso ont adressé une lettre le 15 mars au secrétaire du Trésor Steven Mnuchin et au secrétaire d’Etat adjoint John J. Sullivan, pour exprimer leur opposition au projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit doubler la capacité de la liaison gazière directe, par la Baltique, entre la Russie et l’Allemagne. Les signataires de cette lettre demandent à l’administration du président Donald Trump d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour empêcher la construction de ce gazoduc, y compris les dispositions de la loi CAATSA autorisant le président américain à adopter des sanctions contre toute entreprise américaine ou étrangère impliquée dans des opérations visant à renforcer le quasi-monopole de Gazprom pour la fourniture de gaz à des pays alliés des Etats-Unis. Au Royaume-Uni, une vingtaine de députés de la Chambre des Communes ont eux aussi signé une lettre rédigée le 12 mars par le groupe parlementaire interpartis sur la Pologne, que dirige le député d’origine polonaise Daniel Kawczynski. Cette lettre, signée entre autres par l’ancien chef des conservateurs et ancien ministre Iain Duncan Smith, a été remise au ministre des Affaires étrangères Boris Johnson pour l’encourager à s’opposer au nouveau gazoduc.
Les sénateurs américains et les parlementaires britanniques avancent les mêmes arguments contre la construction du gazoduc Nord Stream 2
Ceux qui critiquent le projet Nord Stream 2 des deux côtés de l’Atlantique craignent que le doublement de la capacité existante par la Baltique ne permette au gouvernement russe, par le biais de sa compagnie gazière Gazprom, d’exercer des chantages sur les alliés centre-européens des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Pour les sénateurs américains, « Nord Stream 2, qui suit le tracé du gazoduc Nord Stream 1 de la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique, rendra les alliés et partenaires des Etats-Unis en Europe plus exposés aux contraintes et à l’influence pernicieuse de Moscou. Ce gazoduc serait un pas en arrière pour la diversification des sources d’énergie de l’Europe, de ses fournisseurs et de ses routes d’approvisionnement. (…) Nous souhaitons travailler avec l’administration présidentielle pour adopter de nouvelles mesures qui garantiront que le gazoduc Nord Stream 2 ne sera jamais construit et que nos alliés et partenaires européens pourront obtenir une indépendance énergétique sûre et durable. »
Si les sénateurs américains mettent en avant l’argument de l’indépendance énergétique de l’Europe dans son ensemble, les parlementaires britanniques soulignent la menace que représentera le doublement des capacités du gazoduc reliant directement la Russie à l’Allemagne pour les « alliés stratégiques en Europe centrale et dans les Pays baltes ». Les députés à la Chambre des Communes pointent l’Allemagne du doigt en ces termes : « La sécurité en termes d’énergie et de défense est mise en danger par la détermination de l’Allemagne à construire le gazoduc Nord Stream 2. Ce gazoduc (…) contournera nos alliés d’Europe centrale et les exposera au chantage et aux ingérences. »
Le risque de mettre les pays d’Europe centrale, les Pays baltes et l’Ukraine à la merci des chantages de Moscou exercés via sa compagnie Gazprom
Le contexte de la tentative d’assassinat d’un espion russe sur le sol britannique et de l’accroissement des tensions avec la Russie est aussi évoqué, de même que la nécessité pour le Royaume-Uni de continuer à jouer son rôle, y compris après le Brexit, dans la sécurité du continent. Les parlementaires britanniques et américains soulignent également les pertes économiques que subiraient les pays d’Europe centrale par lesquels transite aujourd’hui le gaz russe. Les sénateurs américains évoquent encore le fait que la fonction de transit de l’Ukraine a jusqu’ici empêché la Russie de mener une guerre ouverte dans l’est du pays, et qu’il est donc important de prévenir la construction d’un gazoduc qui permettrait à la Russie de livrer l’intégralité de ses clients d’Europe occidentale sans passer par l’Ukraine.
Ces deux lettres viennent accroître la pression sur le gouvernement d’Angela Merkel déjà critiqué de toutes parts pour son manque de solidarité européenne quand les intérêts économiques allemands sont en jeu. Faut-il également y voir une conséquence du passé d’Angela Markel aux Jeunesses Communistes ?