Cette presse qui s’enchante de la sologamie… le mariage pour soi-même, et contre les autres

Presse sologamie mariage
 
Les articles de presse fleurissent ici et là, en Europe et ailleurs, sur ce nouveau concept qui agite les déçus de l’union matrimoniale… Vous enchaînez les liaisons douloureuses ? Vous vous remettez difficilement de votre divorce ? Personne n’est jamais venu demander votre main ? Et bien, faites-ça toute seule ! Mariez-vous avec vous-même !
 
Cette nouveauté de la sologamie illustre bien la décomposition de notre société occidentale qui a profondément mis à mal le mariage, mais aussi le narcissisme, mode « épanouissement personnel », qui affecte et ronge ceux qui y cèdent. Le fait que la presse relaie autant ce phénomène, somme toute mineur, et le place même dans la continuité des revendications du mariage homosexuel est aussi très révélateur – adieu les codes.
 

Laura Mesi est partie en voyage de noces avec elle-même

 
Ce sont des femmes, pour la plupart, entre trente et quarante ans – et elles veulent médiatiser leur geste, évidemment non reconnu par les pouvoirs publics ou du moins pas encore. Il y a plus de vingt ans, en 1993, l’américaine Linda Baker en avait donné le tout premier exemple à Santa Monica – c’est l’acteur Ron Cummins qui avait reçu son consentement… Et depuis, la mayonnaise prend.
La dernière en date est une Italienne, Laura Mesi, qui a célébré la semaine dernière son union avec elle-même, entourée de ses amis et de sa famille. L’entraîneuse de fitness, 40 ans, a revêtu une belle robe blanche et claqué 10.000 € dans sa réception – elle est même partie en voyages de noces en Égypte. En mai 2015, la britannique Sophie Tanner avait carrément demandé à son père de l’emmener devant une Église unitarienne de Brighton, où elle s’était juré amour et fidélité. Qu’on se rappelle le personnage de Carrie Bradshaw dans « Sex and the City », où elle annonce dans un épisode qu’elle va se marier à elle-même, lassée de toujours célébrer les mariages des autres…
 

Le mariage même seul, ça rapporte – aux autres

 
Côté industrie, ça suit et plutôt bien. Des petites entreprises se sont bien vite montées pour occuper un créneau peut-être prometteur en subsides. À Vancouver au Canada, l’agence « Marry Yourself » existe depuis plus d’un an. En Californie, un bijoutier a créé des kits de « mariage sologame », avec anneau en or blanc, vœux tout préparés et instructions de cérémonie…
 
Mais la palme est détenue par la société japonaise Cerca qui promeut le concept du « Solo Wedding ». Pour environ 3.000 euros, vous pouvez vivre « le plus beau jour de votre vie » ! Le pack mariage deux jours vous emmène dans un somptueux hôtel à Kyoto. Vous choisissez votre robe, votre bouquet, vous allez dîner dans un restaurant chic (seule ou avec un membre du personnel de Cerca précise le site). Et puis le lendemain, c’est le grand jour : coiffeur, maquilleur, grande séance photo et … nuit de noces (le site ne précise pas si un membre du personnel est aussi disponible).
 
Le plus drôle, c’est que la société propose quand même un « marié », en option, pour les photos ! Entre 20 et 70 ans…
 

« Un acte de défi » ?!

 
Une option qui révèle à elle seule tout le vide de cette parade – et l’effroyable tristesse qui en ressort. Au Japon, les femmes font de plus en plus passer leur carrière avant leur projet marital. La même situation s’observe en Europe. Dans ces pays développés, les taux de mariage ont diminué de moitié depuis les années 1970, et les taux de divorce ont explosé.
 
Cela ne signifie pas que les personnes se retrouvent forcément seules : le concubinage devient davantage la norme. Mais l’instabilité prend le dessus. Et avec elle, les risques de déceptions, de souffrances et de solitude.
 
Et ces femmes ne voient qu’un moyen. Pour certaines, c’est le rêve de son enfance qu’on réalise à tout prix. Pour d’autres, c’est le pied de nez, la parade… du moins en apparence.
 

La presse se gargarise de cette « union » post-moderne qui concrétise l’absolu narcissisme

 
Car cette célébration du célibat soulève plusieurs paradoxes. D’abord, en « se mariant » avec elles-mêmes, elles promeuvent encore le mariage en tant qu’institution… Et puis, si elles sacralisent leur célibat, elles ne veulent pas pour autant s’empêcher d’avoir des relations avec des hommes, ni même de trouver un prince charmant éventuel, quitte à se tromper elles-mêmes. C’est donc un pis-aller en quelque sorte.
 
Néanmoins, elles veulent par-là affirmer que l’on peut « s’auto-suffire » – prendre son pied sans en baver. « Tu ne peux pas attendre de quelqu’un d’autre qu’il te comble. » « La recherche de la solitude est une bonne chose, affirme Sophie Tanner, vous n’avez plus de soucis à vous faire, vous n’attendez pas l’élue car vous êtes l’élue ».
 
La romancière suédoise Sara Starkström, « sologame », voulait « célébrer (s)on indépendance et (s)a force ». Une autre encore parlait de « jouir pour toujours de ma relation amoureuse avec mon beau moi »… Quel témoignage plus abouti de narcissisme… cette tare qui ronge les individus dans notre société moderne, sous le voile de « l’épanouissement personnel ». « S’aimer soi-même est le début d’une histoire d’amour qui durera toute une vie » déclamait déjà l’homosexuel et donc narcissique Oscar Wilde.
 

La sologamie : tout l’inverse du célibat chrétien

 
Et puis, il y a un côté terrible à cette réaction. Car c’est celle de victimes, à la base, qui ne se dressent pas contre les causes réelles de cet état de fait, mais le sacralisent ! Quelque part, elles acquiescent ce qui fait leur malheur et en font leur étendard pour ne pas perdre la face…
Rien d’étonnant à ce qu’on parle d’elles dans une société qui véhicule de plus en plus l’idée qu’autrui n’est pas nécessaire (les robots partenaires existent déjà en Chine) ou que tout est possible dans la relation sexuelle.
 
C’est faire enfin oublier la noblesse du (vrai) célibat. Dans la vision chrétienne, c’est l’apanage de ceux et de celles qui ont donné leur vie au Christ. Et, dans la société, ils ont aussi un rôle et une mission. Ce célibat est un choix et un don. La sologamie est tout l’inverse.
 

Clémentine Jallais