La Russie interdit les ONG « indésirables », l’Inde et la Chine n’en sont pas loin : une mise au pas des États-Unis et des « normes » occidentales ?

La Russie interdit les ONG indésirables, l'Inde et la Chine n'en sont pas loin une mise au pas des États-Unis et des normes occidentales
 
Samedi 23 mai, Vladimir Poutine a officiellement promulgué une loi qui interdit les organisations non gouvernementales (ONG) « indésirables » en Russie. Le texte, voté par les deux chambres du Parlement en moins d’une semaine n’a pas manqué de soulever la grogne des États-Unis, de l’Union européenne et des associations des droits de l’homme. Pourtant, la contagion se répand : l’Inde a gelé les comptes de Greenpeace et la Chine est aussi sur le point de serrer la vis.
 
Ainsi, il n’y aurait pas le droit de faire ce que les États-Unis font avec leur loi FARA depuis des décennies, il n’y aurait pas le droit de mettre son nez dans les financements étrangers de ces prodigieux agents d’infiltration et de propagande que peuvent représenter ces institutions inattaquables…
 

ONG : « des agents de l’étranger » interdits

 
Dans les faits, la loi permettra aux autorités d’interdire les ONG étrangères dont « l’activité ferait peser une menace sur les fondements constitutionnels de la Russie, la capacité de défense du pays ou la sécurité du gouvernement ». Ces organisations pourront être fermées sur simple décision du parquet, avec l’aval du ministère des Affaires étrangères, leurs comptes bancaires bloqués, ainsi que leur accès aux media, jusqu’à ce qu’elles rendent « compte de leur actes » au gouvernement. Les employés récalcitrants risqueront désormais la prison et surtout l’interdiction d’entrée sur le territoire russe.
 
Une mesure à visée « préventive » selon les législateurs, qui ont parlé de la nécessité d’arrêter les « organisations de destruction » qui font œuvre en Russie – ils n’ont pas hésité à donner en exemple les révolutions dites « de couleur »… dans lesquelles le rôle des États-Unis n’est plus à prouver.
 
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a réclamé, sans succès, le veto du président, disant s’inquiéter d’une « formulation vague et imprécise » qui « impose des restrictions sérieuses sur un large éventail de droits démocratiques importants, dont la liberté d’expression et la liberté de la presse ». Le texte parachève une loi russe de 2012 qui imposait un contrôle resserré sur certaines ONG.
 

La Russie critiquée par les États-Unis et l’Europe

 
Les critiques ont fusé. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme y voit « un outil de persécution des organisation sans but lucratif (…) isolant encore la Russie et encourageant la xénophobie et le nationalisme », Amnesty International, « le dernier chapitre de la répression sans précédent contre les organisations non gouvernementales »…
 
Les États-Unis se sont dits « préoccupés par l’augmentation des restrictions sur les médias indépendants, la société civile, des membres de groupes minoritaires et l’opposition politique ». Tout comme l’UE qui craint une restriction de « la liberté d’expression et de la presse, ainsi que du pluralisme d’opinions ».
 
Étonnant comme on ne parle que de politique… Les ONG étrangères, en particulier américaines, ne feraient-elle que cela ?! Le rapporteur de la loi russe ne prend pas de pincettes : « Cette loi est une mesure de dissuasion pour que les entreprises qui sont là pour faire des affaires ne fassent que des affaires, et ne se mêlent pas de politique »…
 

Mauvais donneur de leçons que les États-Unis

 
Et puis les États-Unis sont mauvais maîtres en la matière : eux aussi ont leur loi sur les agents étrangers s’occupant de politique sur leur sol grâce à des fonds étrangers… et cette loi FARA date, elle, de 1938 ! Elle a été renforcée en 2007 (effet « Patriot Act ») et ses exigences sont faramineuses. Les Américains sont souvent les premiers à mettre en place les systèmes qu’ils dénoncent chez les autres. Mais bien sûr, chez eux, c’est pour sauver la démocratie…
 
C’est tout le problème – et toute l’essence – des ONG. C’est une réelle lutte de pouvoir que celle de ces organisations qui sont, et d’une, d’excellents moyens d’infiltration sur des sols étrangers, et de deux, des vecteurs modernes d’idéologie à même de toucher la base, le peuple. Nées dans les années 70, elles sont devenues peu à peu l’apanage de la gouvernance globale, chassant à tort et à travers l’inadéquation aux normes occidentales, via des fonds propres à générer une influence d’opposition, une emprise à la fois politique et bien sûr économique – l’Afrique est l’exemple phare. La vulgate humanitaire, matrice idéologique, est l’arbre qui cache la forêt.
 

Fronde anti-ONG : l’Inde et la Chine

 
Et la contagion russe s’étend. En Inde, début avril, le gouvernement a révoqué les licences de 8.975 ONG qui n’auraient pas respecté la réglementation en matière de financement. Plusieurs grosses ONG sont visées, dont la Fondation Ford basée aux États-Unis et Greenpeace qui voit ses comptes gelés depuis plus d’un mois : ce serait la première filiale nationale de Greepeace à fermer ses portes…
 
Le pouvoir chinois est, lui, sur le point d’adopter une législation instaurant un contrôle drastique sur ces organisations, afin de « protéger la sécurité nationale et la stabilité sociale du pays ». En particulier ces ONG étrangères, qui, au nombre de 6.000, certes, contribuent au développement en apportant argent, savoir-faire et technologie, comme l’a dit la porte-parole de l’Assemblée nationale populaire. Mais, « il y a des failles dans leur gestion »…
 

Clémentine Jallais