Un journaliste du Telegraph de Londres a publié ces jours-ci une chronique sur la captation de pouvoir par l’Union européenne. Charles Orton-Jones accuse l’UE de s’emparer actuellement du système de taxation de ses pays membres et de créer sa propre armée. Sous le titre « Dieu merci, le Royaume-Uni s’en va », le journaliste propose aux vacanciers britanniques préparant un voyage vers le continent européen un argumentaire mi-goguenard, mi-sérieux, pour qu’ils sachent quoi dire du Brexit en sirotant leur demi avec des autochtones. Mais surtout sérieux : selon Orton-Jones, le Brexit est arrivé à point nommé au moment précis où Bruxelles s’apprête à passer à la vitesse supérieure, que ce soit sur le plan du fisc ou de la défense. On a bien fait de partir, en somme !
Notons au passage cette particularité de la presse britannique : la voix eurosceptique s’y exprime facilement dans les grands médias.
L’unification de l’Europe dépasse le cadre du traité de Lisbonne
Charles Orton-Jones pose le problème ainsi : « Au cours de ces derniers mois, l’UE a ouvert de nouveaux fronts. Pris ensemble, ils prouvent que le statu quo n’est pas une option. Soit nous partons, soit nous rejoignons la marche vers un Etat unifié ». Les autres pays membres de l’Union sont-ils au courant ? Quoi qu’il en soit, on ne leur laisse guère le choix…
Premier domaine : celui du fisc, théoriquement hors de la sphère de compétence de l’Union européenne. C’est aux pays membres de fixer les niveaux de taxation. « Néanmoins, un plan est en cours en vue d’harmoniser les taxes », souligne l’auteur.
« Première étape : harmoniser les règles fiscales de tous les pays européens. L’UE adore donner des noms ennuyeux aux idées révolutionnaires afin de détourner l’attention ; celui-ci est un vrai bijou : « Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés » ou ACCIS. Les codes des impôts des 28 Etats membres seront remplacés par un seul code. Les définitions juridiques seront les mêmes en Estonie et au Portugal. Les allocations imposables ou au contraire déductibles seront les mêmes en Italie et en Hongrie. Puis viendront les taux d’imposition harmonisés ».
Fisc, taxation, armée : vers une seule loi, une seule voix pour l’UE
Certes, l’ACCIS concerne l’impôt sur les sociétés. Et seulement celui-là. Mais le journaliste relève que l’objectif réel dépasse de loin ce seul domaine. Un tweet de Pierre Moscovici daté du 28 juin dit clairement l’objectif, sous le hashtag #FairTax2017 : « Les inégalités des revenus et des richesses ont atteint un sommet sans précédent. La taxation a un rôle de premier plan à jouer ». En marche vers le socialisme !
L’article souligne qu’Emmanuel Macron est à la tête de ce mouvement, lui qui a fait de l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés une de ses promesses de campagne et qui a irrité l’Irlande en dénonçant son taux à 12,5 %, moitié moins que le taux unifié rêvé par Macron pour l’Europe.
« Mercredi, s’il y avait jamais eu un doute, Pierre Moscovici, commissaire européen pour les affaires économiques et financières, y a mis fin. Il a déclaré que le contrôle de l’UE sur les taxes est indispensable à “notre mission”, faisant part de son soutien à une taxe pan-européenne sur les transactions financières relatives aux échanges d’actions et d’obligations. L’impôt sur le revenu et les aides sociales viennent ensuite, a-t-il déclaré », poursuit Charles Orton-Jones, qui commente : « L’argent, c’est évidemment le pouvoir. Quand l’UE se saisit du droit d’imposer, elle acquiert une emprise d’acier sur les Etats membres ».
L’armée unifiée ? L’UE s’en défend, mais elle procède comme le Japon
Dans cette marche forcée vers un super-Etat européen, la deuxième percée est celle de la création d’une armée de l’UE. Si Bruxelles refuse d’avouer l’existence d’un tel plan, repeignant les décisions déjà prises au moyen d’un vocabulaire trompeur et truffé d’euphémismes, la réalité ne peut cependant être totalement occultée.
La commissaire pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, évoque certes la force européenne déjà existante sous les termes de simple « groupement de combat ». Alors même que, début juin, le Conseil de l’union européenne a décidé de créer une « Capacité militaire de planification et de conduite » (MPCC), contrôlée par Bruxelles ; alors même que Mme Mogherini a parlé de sa visite à « nos hommes et à nos femmes en uniforme au Mali » portant des badges de l’UE, elle continue de faire comme si l’idée de la mise en place d’une armée européenne était saugrenue.
Mais on s’y dirige très sûrement. Bientôt sera mise en place la « coopération structurée permanente » connue sous l’acronyme PESCO. Celle-ci doit permettre à un noyau dur de pays européens de mettre en place une politique cohérente de sécurité et de défense sur le fondement de l’article 42(6) du traité de Lisbonne. Elle aura tout d’une armée sauf le nom, assure le journaliste.
Jean-Claude Juncker l’a ouvertement déclaré au journal allemand “Welt am Sonntag” il y a deux ans : « Une telle armée nous aiderait également un établir des politiques étrangères et de sécurité communes, permettant à l’Europe de prendre sa responsabilité dans le monde ».
Le Japon, observe Charles Orton-Jones, est passé maître dans l’art de dissimuler la réalité sous des mots lénifiants, lui dont la constitution lui interdit d’avoir une armée : au Japon, il y a donc une « force d’autodéfense », les chasseurs ont été baptisés « intercepteurs », les chars sont des « véhicules spéciaux ». Avec un budget de 42 milliards de dollars annuels, cela fait cher la garde côtière améliorée.
L’UE est en train de s’engager sur la même voie.