Le Billet : Ukraine, Israël, Iran : Trump, c’est Tintin

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Donald Trump est un personnage de bande dessinée. Il a de la gueule, du verbe, et une activité débordante. Il est où on l’attend et où on ne l’attend pas, il a dix idées par jour. Et son modèle, on ne le voit pas tout de suite parce qu’il est grand et gros, c’est Tintin. Si. Regardez-bien. Sa houppe rouquine. Son toupet, aussi. Sa façon de n’avoir peur de personne. Sa manie de regarder le dessous des choses. De ne jamais écouter les conseils qu’on lui donne et de n’en faire qu’à sa tête. Sa forfanterie aussi, si caractéristique, décelable dès Tintin chez les Soviets. Trump chez Poutine. Mon ami Vladimir. L’affaire d’Ukraine, on va vous régler en cinq secs. Vous allez voir ce que vous allez voir. Et Israël, l’Iran ? Je m’en occupe. Salut les Boys, je dois quitter le G7 pour préparer la paix à Washington. Non, Macron n’a pas la moindre idée de ce que j’ai en tête ! Le propre du héros est de ne jamais s’arrêter.

 

Ukraine, Iran, Israël, la Chine et Panama en prime

Le lecteur aura compris que ce petit papier n’a pas pour ambition de porter un jugement politique sur un homme aussi difficile à cerner qu’il est adulé par les uns et décrié jusqu’à la haine par les autres. Mais seulement de noter un style, et peut-être aussi une nouvelle manière politique. Le style, c’est ce que certains ont nommé la « submersion ». Dès le début de son second mandat, Donald Trump a inondé les médias d’une foule d’images et d’informations, de décrets présidentiels (executive orders), de déclarations mirobolantes sur Panama, le Groenland, ou alors d’un grand bon sens (« dans le sport les filles concourent avec les filles et les garçons avec les garçons »). L’essentiel est qu’il y en ait toujours trop pour trier, mâcher, digérer, c’est l’initiative stratégique par l’excès. J’ai deux jours pour régler le cas de l’Ukraine et si vous me décevez, je laisse tout tomber, j’ai Afrique du Sud à seize heures et je traite Israël et l’Iran cette nuit. Ce n’est pas vingt-trois albums comme Tintin qu’il faudrait pour recueillir la vie de Trump, c’est deux cent trente.

 

Trump est journaliste comme Tintin politique

Et puis il y a la manière. Tintin est un justicier. Hergé l’a créé reporter, mais on ne le voit écrire qu’un article, dans un seul album. Son vrai boulot est globe-trotter redresseur de torts. Pareil pour Trump. Vous le croyez président, mais, déjà, il ne perçoit pas un sou pour le job (comme Tintin, qui refuse des cachets somptueux) : il redresse tous les torts de la terre, et il construirait bien en prime une Riviera à Gaza. Surtout, comme Tintin, il fait le métier des autres : journaliste, Tintin fait de la politique, politique, Trump fait le métier de journaliste. Il est tout le temps sur Truth Social pour dire la vérité sur l’actualité. Et quand il s’agit de prendre une décision capitale, dois-je bombarder ou non l’usine nucléaire Tartempion, au lieu de cogiter dans le secret, comme un politique, il fait fuiter les discussions d’Etat Major, à quelle profondeur pénètrent nos bombes, avons-nous les moyens, oui, non, si… Le monde entier assiste à la discussion technique et au dilemme moral. Cela gagne du temps pour la négociation. Espérons que, comme les histoires de Tintin, tout cela se termine bien.

 

Pauline Mille