Ne pas déplaire aux clients musulmans : en décidant de permettre la modification de son blason qui figure désormais sur les cartes de crédit de la Banque nationale d’Abou Dhabi, le club de football emblématique de la capitale espagnole a montré à quel point le « dialogue interreligieux » est souvent à sens unique. Son bailleur de fonds n’a fait qu’imposer sa volonté : en « échange » de l’accord de partenariat de trois ans signé début septembre entre la banque et le Real Madrid, la BNAD a exigé que la croix surmontant la couronne royale au-dessus des couleurs du club disparaisse.
S’agissant d’une « alliance stratégique avec l’une des entités les plus prestigieuses au monde », pour reprendre les paroles du président du Real, Florentino Pérez, il faut bien faire quelques efforts. Le montant des sommes promises par la banque au club de football n’est pas public. La banque d’Abou Dhabi devrait en tout cas prendre à sa charge le projet de complexe immobilier à thème à la marque du club sur la côté, chiffré à 1.000 millions de dollars.
Pas de croix sur le blason pour les musulmans
Il faut donc éviter de froisser la majorité musulmane de l’Etat du Golfe, qui pourrait à son tour « éviter » l’établissement bancaire si ce minuscule symbole du christianisme devait continuer d’être visible sur ses cartes de paiement. Symbole qui risquerait également de compromettre la place de premier plan de la banque aux Emirats arabes. Pour ce qui est de froisser le sens historique et religieux des aficionados du Real Madrid, tout le monde s’en moque ! Puisque c’est pour de l’argent…
Pérez, flanqué du directeur de la banque, Alex Thursby (les relents occidentaux de son nom ne semblent pas poser problème) et d’Abdulla Al Otaiba, directeur exécutif de la division « consommateurs » de la banque, Gareth Bale, Karim Benzema, Toni Kroos et Dani Carvajal a présenté à la presse une version géante de la carte bancaire, avec le blason débarrassé de sa croix. Musulman : 1 – Reste du monde : 0.
Le vainqueur de la Supercoupe d’Europe et la Banque nationale d’Abou Dhabi « partagent un ensemble de valeurs et d’objectifs communs », a déclaré Florentino Pérez.
Le Real Madrid renonce aussi à saint Jacques pour l’argent d’Abou Dhabi
La presse sportive espagnole souligne qu’il n’en est pas à son premier renoncement.
Avant le blason et la croix, l’argent a déjà eu raison du nom de Saint Jacques. Il y a deux semaines, le même Florentino Pérez confiait devant des caméras indiscrètes à une conseillère de la municipalité de Madrid que le nom du stade du Real Madrid allait changer : ce sera « IPIC Bernabeu, Cepsa Bernabeu ou ce qu’ils voudront, eux ». Eux, ce sont les responsables d’IPIC, compagnie pétrolière d’Abou Dhabi qui s’est engagé, en tant que nouveau « parrain » du club, à lui verser 400 millions d’euros au club au cours des 20 années à venir.
Il est vrai que « Santiago Bernabeu », le nom actuel du stade qui honore son président le plus connu, doit paraître un peu fort de café à ces richissimes exploitants émiratis : saint Jacques n’est-il pas surnommé « Matamoros », celui qui tue les Maures ?