Quand la laïcité interdit la crèche du Conseil général de Vendée, les cloches se réveillent

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Scandale dans le bocage. La justice a ordonné de démonter la crèche installée dans le hall du Conseil général de la Vendée, au nom de la laïcité. Aussitôt son président, Bruno Retailleau, a fait appel d’une décision jugée « totalitaire » par Philippe de Villiers, l’ancien patron du département. Elle est pourtant conforme à la lettre de la loi, et à la stratégie constante de la république maçonne contre le catholicisme. Les cloches se réveillent alors que la guerre est commencée depuis longtemps et que tout laissait prévoir une nouvelle offensive de ce type.
 
C’est à la suite d’une action intentée par Jean Regourd, président de la Fédération de la libre pensée de Vendée que le tribunal administratif a rendu son jugement. La crèche présente dans le hall du Conseil général de Vendée choquait depuis plusieurs années la laïcité très sensible de l’humaniste Jean Regourd. Il a donc pris sa plume en 2012 pour demander à Bruno Letailleau de ne plus la faire installer, puis, en l’absence de réponse, il a saisi le tribunal, qui lui a donné raison. Le silence de Retailleau constitue pour les juges une « décision implicite du président du Conseil général de la Vendée refusant d’exercer ses pouvoirs pour interdire l’installation d’une crèche ».
 
Naturellement, c’est le tollé dans le Landernau vendéen. Pour une fois Villiers et Retailleau tombent d’accord pour s’indigner. Le dernier fut longtemps un fidèle du premier avant de trouver des accommodements avec le système, de prendre sa place à la tête du Conseil général de Vendée et même celle du groupe UMP au Sénat. Il a écrit une lettre ouverte dans le Figaro pour justifier le sursis à exécution qu’il demande devant la cour administrative d’appel, clamant que si toutes les voies de recours étaient épuisées en France il irait s’il le faut jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.
 

Duel d’experts autour de la laïcité

 
Il estime la décision qui frappe la Crèche du conseil général de la Vendée « grotesque », « inéquitable », et « désespérante ». Et il a fait valoir contre elle deux arguments. D’abord, la « justice de notre pays » utiliserait à son avis « deux poids deux mesures ». Quelques mois après « qu’Anne Hidalgo a revendiqué l’organisation, par la mairie de Paris, du repas officiel d’ouverture du ramadan », un tribunal interdit une crèche. Moralement, on ne saurait lui donner tort, mais les juges auront beau jeu de lui répondre que, dans le cas de Paris, certes répréhensible, personne n’a porté plainte. Sa deuxième raison se fonde sur la civilisation française. Il est à ce sujet inépuisable. Il rappelle que « la laïcité, c’est la mise à distance de l’espace public du fait religieux. Pas du fait culturel. Il faut être aveuglé pour ne pas voir que nos institutions s’enracinent dans une réalité culturelle. Je ne crois pas aux institutions désincarnées. L’identité est constitutive de la citoyenneté, l’échec de la construction politique de l’Europe le démontre. » Et d’ajouter un peu plus loin : « le symbole de la crèche dépasse le symbole religieux. Elle fait partie d’un patrimoine commun qui nous rassemble, bien au-delà des convictions des uns et des autres. Les racines chrétiennes de la France ne sont pas un postulat de la foi. »
 
Sans doute est-il difficile de lui donner tort. Mais cela ne change pas d’un iota la lettre de la loi, que lui rappelle Jean Regourd, dans sa réponse du Nouvel Observateur en citant l’article 28 de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. »
 

La Révolution contre la Vendée

 
On comprend bien que c’est pour essayer de contourner ce texte que le président du Conseil général de la Vendée s’est placé sur le terrain culturel, de la même manière que les constructeurs de mosquées lorsqu’ils demandent des subventions à l’Etat ou aux communes. Cette habileté est-elle vraiment habile ? Elle prétend se porter sur le seul terrain juridique, alors que celui-ci est miné, sans se préoccuper du terrain politique. Or, en Vendéen qu’il est, Bruneau Retailleau devrait en connaître l’histoire. A la suite de la guerre de 1914, la république maçonne a passé un armistice avec l’Eglise de France et les catholiques, qui a duré jusqu’au début des années quatre-vingt, quand le ministre de l’éducation nationale Savary a relancé la guerre scolaire. Pendant soixante ans, les menées anticatholiques de l’Etat et des associations spécialisées ont mis la pédale douce. C’était alors le régime que le grand politologue catholique traditionnel Jean Madiran a qualifié de « catholaïque ». Mais il faut se souvenir de ce qui l’a précédée, des années 1880-1914 et de ce qu’ont dit et fait alors les grands ténors de la laïcité, Waldeck-Rousseau, Clemenceau, Viviani, Ferdinand Buisson, Jaurès, sans parler bien sûr d’Emile Combes. Religieux et religieuses chassés, biens spoliés, porte des églises forcées, monastères investis par la troupe, magistrats limogés par centaines, et même un mort pendant les inventaires. L’anticléricalisme allégué ne fut que le cache-sexe d’une lutte à mort contre l’Eglise catholique et ses fidèles. Depuis François Mitterrand, la république maçonne revient progressivement à ses rêves d’avant quatorze, en s’aidant notamment du changement de populations qui affecte la France et de la déchristianisation. Les déclarations d’un Vincent Peillon, qui fut récemment ministre de l’Education nationale, « il faut terminer la révolution française », ne laissent nul doute à ce sujet.
 

La Libre pensée contre le Conseil général

 
C’est dans cette logique que se situe tout naturellement Jean Regourd, puisqu’il est président de la Fédération de la libre pensée en Vendée. Pour lui, une collectivité territoriale ne saurait « imposer à l’ensemble des citoyens sa vision du monde », ce serait violer leur « liberté de conscience » et risquer de « tomber dans le communautarisme ». Et il se félicite que le juge administratif s’y oppose. C’est avec gourmandise qu’il rappelle l’affaire des Ostensions limousines en 2013, autre « victoire des laïque et de la Libre Pensée » obtenue après quatre ans de procédures. Voici ce dont il s’agit : en 994, le Limousin était ravagé par une « pestilence » à laquelle on donna le nom de « mal des ardents ». Il fut cependant guéri et l’on attribua le mérite de cette guérison aux reliques de Saint Martial : depuis, tous les sept ans a lieu là-bas une procession spectaculaire qui est aujourd’hui récupéré par le tourisme régional et qui percevait donc, une fois tous les sept ans, des subventions de diverses collectivités locales. Heureusement la Libre Pensée veillait, elle a porté l’affaire en justice, et l’association qui gère ces Ostensions limousines a été condamnée en février 2013 : non seulement elle ne touche plus rien, mais elle a dû rembourser les sommes versées. On voit donc que la maçonnerie et ses courroies de transmission ont repris leur combat séculaire contre l’Eglise catholique en France.
 

La laïcité admet les boules de Noël, pas la crèche

 
Mais cela s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus vaste, national et international. En France, il y a une forte poussée de l’islam, communautariste et conquérant. Nourriture hallal dans les cantines, scolaires ou non, à bord des avions, prescriptions de la charia sur la tenue de sport dans les écoles et les piscines, modification des programmes d’histoire en fonction des désidératas de certaines populations nouvellement françaises, etc. Sur ces questions les maçons se divisent : les uns tiennent pour une stricte application de la laïcité et s’opposent au phénomène, au risque de passer pour « islamophobes », d’autres laissent faire au contraire, au nom de « l’accueil », visant une plus prompte désintégration de l’identité française. On retrouve la même répartition dans les loges que face à la « laïcité positive » prônée par l’ancien président Sarkozy.
 
Outre cette poussée de l’islam communautaire, il y a, en Europe et dans le monde, un mouvement général pour promouvoir la « diversité ». Et donc pour rétrograder la place du christianisme dans les pays chrétiens. C’est sensible depuis des décennies maintenant, c’est devenu tout à fait officiel quand l’Europe a refusé d’inscrire les racines chrétiennes dans sa constitution, et quand Laurent Fabius, pourtant catholique, a signifié une fois pour toute aux opposants que l’Union ne devait pas être « un club chrétien ». On en voit tous les jours les conséquences. Le président du Conseil général de la Vendée déplore aujourd’hui que les agendas édités par la Commission Européenne en 2011 ne mentionnent plus les fêtes chrétiennes. Il a raison. Mais cela fait plus de vingt-cinq ans que les vacances de Pâques sont devenues « de printemps » pour notre éducation nationale et que nos municipalités souhaitent à leurs administrés de « joyeuses fêtes de fin d’années ». C’est l’aboutissement naturel d’une société diverse, multiculturelle et laïque à la recherche d’un dénominateur commun : oui au sapin, à l’étoile à la rigueur, non à la crèche.
 

Du travail pour les cloches : le tocsin, sinon le glas

 
Année après année, un fait divers ajoute à ce processus de longue haleine et l’accentue. Cette année, c’est la crèche de la grand place à Bruxelles qui est vandalisée, à bon entendeur, salut, l’autre année, c’est le marché de Noël à Strasbourg qui n’était plus de Noël. La Libre pensée, la maçonnerie et leurs alliés ont d’abord procédé suivant la tactique du voleur chinois, par des changements insensibles. Ils ont maintenant changé de vitesse et de tactique : une franche avancée, comme l’affaire de la crèche du conseil général de la Vendée, permet de tester la réaction de la société. Si elle est trop forte, si l’aide de la justice n’est pas suffisante, il y aura un pas en arrière, quitte à y revenir plus tard. Sinon, il y aura un acquis, qui fera jurisprudence.
 
Philippe de Villiers a raison, le processus est totalitaire. Mais il est toujours si légal, si naturel, si conforme aux évolutions de la société. Il étrangle la France et l’Eglise, mais avec le sourire. Quand les cloches se réveillent, il est bien tard. Bruno Retailleau juge absurde et grotesque la décision du tribunal administratif contre la crèche du Conseil général de Vendée et se demande dans ce cas pourquoi ne pas « interdire la galette des rois à l’Elysée et la croix occitane sur le logo de la mairie de Toulouse ». Cela viendra et cela n’a rien d’absurde, c’est l’objectif visé, c’est inscrit dans la logique des faits. Et cela ira beaucoup plus loin que ça. Un jour, le célibat des prêtres et la masculinité de leur sacerdoce seront interdites et condamnées en justice au nom des droits de l’homme. Pardon, des droits humains. Si les cloches se réveillent, il leur reste très peu de temps pour sonner le tocsin, sinon ce sera le glas.