Changer le rêve européen

Federica Mogherini Changer le rêve européen
 
Au lendemain d’une série d’élections – en Espagne, au Royaume-Uni, en Pologne, etc. – qui marquent un désamour de plus en plus grand des européens pour la construction européenne, Federica Mogherini, Haut Représentant pour les Affaires étrangères de l’Union européenne, a estimé que, pour conserver le rêve européen, il paraissait nécessaire, urgent de le changer.
 
L’heure n’est plus où l’on pouvait se moquer, du haut des immeubles de verre où siège, à Bruxelles, la Commission européenne, des eurosceptiques et de leur message. Dans nombre d’Etats-membres, en effet, ceux-ci ont accumulé les bulletins de vote, au point que les plus ardents sectateurs de l’Union européenne craignent pour son avenir. Comment envisager encore de la développer, au moyen de nouveaux élargissements (d’ailleurs problématiques sur bien des points) si certains pays déjà membres, et parfois parmi les plus anciens, manifestent une pareille suspicion à l’endroit de l’Europe telle qu’elle est construite depuis soixante-cinq ans ?
 

Un « rêve » européen

 
Face à ce constat, Federica Mogherini, Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, n’a pas hésité à déclarer : « Ce que nous indiquent les résultats des élections en Pologne et en Espagne, bien que très différents, ainsi que l’actualité grecque et britannique, c’est qu’il existe une nécessité de repenser notre façon d’être Européens si nous voulons sauver le projet de nos pères fondateurs (…) une nécessité de changer notre rêve européen si nous voulons le sauver. »
 
Le message est clair. Et il est partagé. Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, le dit quasiment dans les mêmes termes : « Le vent de la Grèce, le vent de l’Espagne, le vent de la Pologne ne soufflent pas dans la même direction, mais tous ces vents nous disent que l’Europe doit changer. »
 
Cependant, ce n’est pas parce que les politiques européens ouvrent les yeux qu’ils ont nécessairement compris le message. Il n’est, pour se convaincre du contraire, que de relire le discours que la même Federica Mogherini tenait, il y a quelques jours, à Rome, et dans lequel, commentant ces élections et l’évolution de l’Europe, elle affirmait : « La diversité ne nous fait pas peur. Nous sommes la diversité. La diversité est dans notre ADN. Nous ne resterons fidèles au projet de nos pères que si nous acceptons les enfants de pères différents du nôtre. Ce ne sera plus l’Europe si nous la remplissons de nouveaux ghettos, de nouveaux marginaux, si nous la faisons vivre dans la peur de l’autre. Notre Histoire, l’Histoire européenne nous a appris que l’autre, c’est nous. »
 

Changer les européens

 
Un message qui prouve que Bruxelles n’a rien compris – ne veut rien comprendre. Admettre la diversité, pourquoi pas ? L’Evangile nous a appris, depuis deux millénaires, à accepter l’autre. Mais il ne suffit pas d’inverser le discours mensonger de Sartre pour produire le paradis. La diversité n’est pas, ne peut être l’identité. C’est justement parce que nous savons reconnaître l’autre pour ce qu’il est, ne pas le confondre avec nous-mêmes, que nous pouvons l’accueillir. La confusion portée, avouée par les Européistes souligne aujourd’hui très clairement que, pour constater les difficultés actuelles, ils n’ont pas pour autant supprimer leurs œillères. Prétendre aujourd’hui assimiler des gens qui s’opposent à l’assimilation, c’est très clairement accélérer le moment où se produira l’explosion politique et civile qu’ils prétendent ainsi éviter…
 

François le Luc