Cette lettre est signée d’un professeur d’histoire agrégé, Jean-Michel Lambin. Un habitué de l’Éducation nationale, blasé des réformes, qui a traversé déjà un bon bout de ce fleuve pas vraiment tranquille. Professeur d’histoire durant 38 ans, dont 16 en hypokhâgne et en khâgne, directeur de collection de manuels scolaires d’histoire de 1981 à 2011 (environ 40 manuels parus, du Cours élémentaire à la Terminale), en bref, quelqu’un du sérail – c’est là l’intérêt. Cet énième mais fondamental remodelage de programme est la goutte de trop qui fait déborder le vase de ses remontrances.
Et il les adresse au Président du Conseil supérieur des programmes, Michel Lussault (ami du baron socialiste tourangeau, franc-maçon et social-démocrate, Jean Germain). Celui-là même qui déclarait doctement après les attentats de janvier, annonçant une révision des programmes de l’enseignement moral et civique : « Il faut inventer une laïcité ouverte, compréhensive ». La réforme complète, à son initiative, des programmes d’histoire, nous propose ou plutôt nous impose bien plus que ça : la laïcité peut, comme la discrimination, être « positive ». Il s’en défend bien sûr, parlant de « polémiques politiciennes », d’« agenda idéologique », mais ses arguments sont absents, y compris dans son interview du Monde du 14 mai. Ceux du professeur Jean-Michel Lambin ont davantage de poids…
Une « proportion » grandissante de l’islam qui « suinte le moralisme et la repentance » (Jean-Michel Lambin)
« Ce qui est révélateur dans la question de l’islam dans votre programme, c’est l’association obligatoire/facultatif. L’islamolâtrie du programme se dévoile en un Mahomet obligatoire et en des Clovis et Charlemagne facultatifs. (…)
Dans un enseignement qui veut se centrer sur la France et l’Europe (le continent), les civilisations majeures du Haut Moyen Age sont d’abord Byzance et la Chrétienté naissante, les musulmans ne jouant qu’un rôle prédateur à la marge, dans les invasions des VIII° et IX° s., au même titre que les Vikings et les Hongrois. Il aurait d’ailleurs été, toujours dans un cadre européen, mais cette fois –ci dans celui de l’Europe de 28 États de mettre davantage l’accent sur la Byzance orthodoxe, matrice totale ou partielle de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Grèce, que sur l’islam qui n’est pas la matrice d’un seul des États de l’Union européenne, sauf à considérer que la France serait déjà islamisée…
Mais cela aurait été de la vraie histoire et votre programme fait davantage d’idéologie et de prosélytisme que d’histoire, hélas ! » (…)
Là où il est question de « morale politique » dans l’Éducation nationale…
« Vous politisez vous – même. C’est VOTRE propos qui trahit l’histoire en la pervertissant par votre morale orientée. Oubliant que l’histoire est a-morale, oubliant aussi que ce qui était « moral » pour certains hier, par exemple glorifier Staline ou, serrer la pince du dictateur Castro aujourd’hui, peut devenir « immoral » demain, oubliant par exemple que durant un siècle la gauche a encensé la colonisation (« Dieu a donné l’Afrique à la France » disait Victor Hugo , icône de la gauche) alors que la droite libérale y fut longtemps opposée.
Vous introduisez cette morale politique à propos des traites négrières. Mais pourquoi vous limiter à la traite atlantique ? Il y aurait aussi une belle indignation à soulever à l’évocation du thème « Esclaves chrétiens, maîtres musulmans » ».(…)
Vous restez dans la morale avec le caractère « scandaleux » des lois antisémites de Pétain. Avant d’entrer dans le champ de la morale, il faudrait expliquer «pourquoi Vichy» mais on entrerait là dans le domaine de la réflexion, de l’effort intellectuel et cela ne convient pas à vos ayatollahs de la pédagogie qui prônent l’indignation et l’émotion – le pathos – plutôt que la réflexion – le logos.
« C’est là que gît le cœur battant qui irrigue votre programme; décerveler, jouer de l’émotion et surtout pas de la raison car il faudrait introduire le savoir et cela risque d’ennuyer, comme dit votre ministre. Ce savoir est jugé inutile puisque l’élève doit « se chercher, se construire», «développer des capacités métacognitives » et, sans rire, «proposer des explications et des solutions à des problèmes d’ordre scientifique ».
Histoire : des réformes de nivellement par le bas
« Vous êtes – provisoirement – le dernier maillon d’une longue chaîne de destructeurs du savoir remontant, sans aller jusqu’à Descartes et Rousseau au moins à Bourdieu, Baudelot et Establet Legrand, sans oublier Mérieux, l’infâme Mérieux , inspirateurs des prédécesseurs de votre ministre.(…)
Au lieu de redresser la barre vers plus d’exigences, ce qu’on aurait été en droit d’attendre d’un universitaire honnête, lucide et responsable, vous allez encore plus loin dans ce «combat » vers plus de médiocrité, vers le nivellement par le bas, pour des élèves dont vous estimez a priori et à tort qu’ils n’ont pas le désir de comprendre, des élèves qu’au fond vous méprisez.(…)
La nation française mythique n’a jamais existé » poursuivez- vous. De là où ils sont, les morts de Valmy – même s’ils furent peu nombreux – apprécieront. Avez- vous seulement une fois dans votre vie, lu un ouvrage sérieux sur la Révolution française ? (…) Avez – vous seulement lu une fois la phrase de Marc Bloch dans « L’Étrange défaite » : « il existe deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ».
Le programme de la honte
« Qu’offrez-vous à la place du « roman national » ? Un roman «républicain», terme tout aussi mythique? Avec bons et méchants inversé par rapport au « roman national » ? Une mythologie multiculturaliste ou vivrensembliste (ou « plurielle » pour jargonner en novlangue chère à votre ministre) ? Un délire reposant sur des mensonges caractérisés par la haine de la France et des Français, catholiques encadrés par un clergé obscurantiste au Moyen Age, descendants des Francs qui ont osé stigmatiser l’islam en se défendant de l’invasion arabo-hispano-berbère à Poitiers, négriers européens atlantiques (mais ni Africains ni Arabes parmi eux), une France de brutes – ou de beaufs -, croisés, négriers , colonialistes, vichystes ( incluant Mitterrand titulaire de la francisque n° 2202 ???), kollabos, légionnaires ayant fait l’Indo, paras accros à la gégène et nostalgiques de l’Algérie, électeurs de droite tentés par le FN et qui ont le tort d’oser s’opposer à la gauche terranoviste chère à votre ministre ?
Le scandale de ce programme c’est, d’abord qu’il accentue la déchéance de l’enseignement de l’histoire en collège et au lycée après les coups de hache portés par Haby, Jospin, Allègre, Chatel. (…)
C’est ensuite le fait que ce programme impose Mahomet et une forme d’islamolâtrie, suinte le moralisme et la repentance d’être ce que nous sommes et qu’il permet, par le système des questions facultatives, d’enseigner une France sans Clovis, Charlemagne, François d’Assise, Robert de Sorbon, une France sans le « blanc manteau d’églises » cher au moine Raoul Glaber, une France sans cathédrale, un Occident sans Christophe Colomb et sans Vasco de Gama puisque la découverte du monde est réduite à son exploitation coloniale, une France où Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Diderot, Franklin, Washington, La Fayette sont facultatifs mais pas les hommes de «l‘expansion de l’islam » Abou Bakr, Omar, Othman et Ali, les 4 califes rashidun.
Ce programme respire bien la haine de la France, l’incapacité à dire où va le pays et donc, « à dire d’où il vient » ( Pierre Nora, JDD) ainsi que la «honte d’être Français » ( Jacques Julliard dans Marianne). »