Le système de surveillance anti-terroriste Channel, dont le ministre de l’intérieur Theresa May a fait son cheval de bataille, a détecté 3.995 radicalisés dans les écoles anglaises en 2015, contre 1.681 en 2014. Une augmentation inquiétante qui révèle l’impuissance des autorités.
Theresa May attendait beaucoup du renforcement de Channel, ce système de surveillance scolaire qui permet aux autorités de repérer tout élève, quel que soit son âge, qui donne des signes de « radicalisation » et, une fois qu’il est détecté, de le signaler à l’autorité anti-terroriste. Et il n’a certainement pas été inutile. On a dénoncé plus de deux fois plus de radicalisés dans les écoles anglaises en 2015 qu’en 2014. Reste à savoir pourquoi. Les adversaires de Channel assurent que cette augmentation mesure surtout une montée de la peur, avec les attentats de Paris ou d’ailleurs.
3.995 radicalisés : une véritable explosion en 2015
Et ils signalent les excès du système de surveillance : un gamin de 4 ans a été compté parmi les radicalisés pour un dessin où il aurait dessiné son père fabriquant une bombe – mais d’après sa mère, ledit géniteur se contentait de couper un concombre : l’institutrice avait entendu « cooker bomb » (bombe de cuisinier) pour cucumber (concombre) D’autres, tel Erin Salman, chercheur anti-terroriste à l’Institut du dialogue stratégique, estiment que l’augmentation est due au fait que « les gens font plus attention » au phénomène des radicalisés.
On ne saurait toutefois exclure une troisième explication : que le nombre de radicalisés soit en train de croître, et même d’exploser. Plusieurs données sont tout de même inquiétantes. Sur 3.995 enfants soupçonnés d’être radicalisés, 415 ont dix ans ou moins, 1.424 sont au collège. Et l’on ne sait pas si ces données sont surévaluées ou sous-évaluées, car les instructions donnés aux professeurs dans le cadre de Channel sont relativement vagues et qu’il est très difficile de savoir quand un élève se trouve en voie de radicalisation. Erin Salman donne un exemple tout simple :
Pas de système de surveillance anti-terroriste satisfaisant
« Vous avez devant vous des adolescents. Comment savoir s’ils sont radicalisés ? Certains signes de radicalisation sont aussi des signes d’adolescence, comme le fait de changer radicalement de façon de s’habiller, de ne plus parler aux parents ou aux enseignants. »
En somme, les enseignants des écoles anglaises collaborent au système de surveillance scolaire avec bonne volonté, pour eux Channel est mieux que rien, mais ce n’est pas cela qui leur fait mieux comprendre la radicalisation ni l’empêcher. Marc Keary, le proviseur de Bethnal Gree Academy d’où quatre jeunes filles ont fugué en 2015 pour aller épouser des djihadistes en Syrie, a reconnu son découragement devant la commission parlementaire qui l’interrogeait :
« On ne sait toujours pas pourquoi elles sont parties. Vous êtes attentif, vous avez le nez sur les signes de radicalisation, il n’y en a pas, et un beau jour elles sont parties ».
Avec ou sans Channel les écoles anglaises sont dépassées
Pour lui les choses vont si vite que toute loi, tout programme, tout système de surveillance scolaire, Channel ou un autre, se trouve forcément dépassé, « leur façon de recruter change tout le temps ». En somme les autorités sont dépassées par un système qui croît et se transforme sans arrêt.
Un détail qui n’a rien à voir : les West Midlands ont fourni, et eux seuls, des résultats détaillés par origine religieuse : seul 37 % des « radicalisés » étaient musulmans. Est-ce à dire que, pas très efficace contre Daesh, Channel servirait à détecter d’autres catégories visées par l’autorité anti-terroriste, par exemple à l’extrême droite ?