On en apprend un peu plus sur la conférence donnée par le cardinal Schönborn en Irlande lors de la réunion de préparation de la prochaine Rencontre mondiale des familles qui se déroulera à Dublin en 2018. Selon Austen Ivereigh, un inconditionnel du pape François, celui-ci aurait demandé à Schönborn si celui-ci jugeait l’exhortation post-synodale Amoris laetitia « orthodoxe ». Comme si le pape lui-même avait des doutes, à la manière des « Dubia » des quatre cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et feu Joachim Meisner… Mais le pape, à la différence de Schönborn, n’a jamais répondu à leurs questions.
Selon Austen Ivereigh, c’est donc Christoph Schönborn lui-même qui a révélé son échange avec le Saint-Père :
« Schönborn a révéle que lorsqu’il a rencontré le pape peu après la présentation d’Amoris, François l’a remercié, et lui a demandé si le document était orthodoxe.
« « J’ai dit : ‘Saint-Père, il est pleinement orthodoxe’, » voilà les propos que Schönborn nous a affirmé avoir tenus en répondant au pape, ajoutant que quelques jours plus tard, il avait reçu une petit mot de François disant simplement : « Merci pour ces paroles. Elles m’ont réconforté ».
Le pape François a exprimé ses dubia sur « Amoris laetitia »
Cela est proprement ahurissant, et ce d’autant que le pape François a désigné explicitement le cardinal Schönborn comme « interprète faisant autorité » de l’exhortation Amoris laetitia. On sait que le cardinal de Vienne a plusieurs fois plaidé pour une ouverture de la communion aux divorcés « remariés » notamment.
C’est tellement ahurissant qu’on pourrait être tenté de ne pas y croire, mais quelle raison y aurait-il de mettre en doute l’anecdote dès lors qu’elle est racontée par l’un des deux protagonistes de la conversation ? Il faut donc s’y résoudre : « Le successeur de saint Pierre – l’homme chargé du devoir sacré de garder le dépôt de la foi – a demandé à un autre prélat si son propre enseignement était orthodoxe. Et il était réconforté d’entendre une réponse positive », commente Phil Lawler sur catholicculture.org.
Il relève également ce qui saute aux yeux : le pape, qui semble avoir eu des doutes, a exposé ces « Dubia » au cardinal Schönborn, un de ses proches conseillers, après la publication du document. On peut imaginer en effet que même un souverain pontife puisse hésiter sur tel ou tel point. Mais sa position l’oblige alors à consulter avant de publier ! Ici, le nihil obstat et l’imprimatur – auxquels le pape n’est évidemment pas soumis – ne sont pas seulement sollicités, fût-ce de manière informelle, mais sollicités après la diffusion d’un enseignement que le pape a imaginé pouvoir être hérétique… Et qui plus est, son proche collaborateur s’autorise à étaler cela sur la place publique…
La consultation du cardinal Schönborn a eu lieu après la publication d' »Amoris laetitia »
Que le texte d’Amoris laetitia ait été soumis à la relecture avant publication eût été parfaitement normal, et d’ailleurs cela a été fait. On sait même que la Congrégation pour la Doctrine de la foi a fait des dizaines d’observations et d’amendements dont il n’a été tenu aucun compte.
Aujourd’hui, il semblerait donc que le pape François ait pu « aller de l’avant » (c’est l’une de ses expressions favorites) en pensant très sérieusement que son texte était problématique, comme cela avait d’ailleurs été signalé par la Congrégation pour la Doctrine de la foi. A croire qu’il prévoyait les Dubia.
Le pape François a choisi son maître en orthodoxie à dessein
A-t-il vraiment été « soulagé » par la réponse de Schönborn ? Cela me laisse dubitative, car la véritable révolution pastorale et donc doctrinale introduite par les ouvertures d’Amoris laetitia aux divorcés « remariés » et aux autres couples en « situation dite irrégulière » a été manifestement préparée de très longue date, et que l’avis de Schönborn sur la question ne devait pas précisément être un secret pour le pape. Si doutes il y avait, ils ne portaient sûrement pas sur la réponse du cardinal.
Mais l’échange prouve pour le moins que l’orthodoxie d’Amoris laetitia est discutable même du point de vue de ceux qui l’ont écrit.