Le site LifeSiteNews vient de publier une traduction intégrale – pour la première fois semble-t-il, en langue vernaculaire – des trois schémas condamnant le communisme préparés en vue du concile Vatican II, qui ont été mis de côté, puis oubliés. Les traductions vers l’anglais ont été réalisées par Matthew Cullinan Hoffman depuis les textes latins qui « prennent la poussière », comme il le dit, parmi les documents officiels du concile conservés dans diverses bibliothèques de recherche à travers le monde.
On peut y voir l’intention première de mettre en évidence l’horreur du marxisme et du communisme athée mis en œuvre dans le marxisme-léninisme ; et la volonté de les combattre. Par contraste, comme l’ont déjà montré Ralph Wiltgen, Jean Madiran, le Pr Roberto de Mattei dans divers ouvrages fondamentaux… Vatican II a finalement produit quelques lignes de condamnation sibylline de « doctrines funestes ». La condamnation claire réclamée par de nombreux Pères du concile (et notamment le cardinal Ottaviani et Mgr Lefebvre) s’est retrouvée dans les oubliettes.
En ce centième anniversaire de la Révolution d’octobre, les schémas oubliés méritent qu’on les mette en évidence. En attendant de pouvoir vous en proposer une traduction française depuis l’anglais, ce que reinformation.tv essaiera de faire très prochainement, nous vous proposons la traduction intégrale du texte de présentation publié mercredi soir par Matthew Cullinan Hoffman. On y voit déjà très bien quel était l’objectif premier de l’Eglise catholique, abandonné au terme d’un accord secret par lequel elle s’est engagée à ne pas attaquer frontalement le concile afin d’obtenir que l’URSS y laisse venir des représentants de l’Eglise orthodoxe russe.
Cet événement a été décrit et analysé par Jean Madiran dans son livre de 2007, L’accord de Metz, ou pourquoi notre mère fut muette, toujours disponible chez Via Romana.
Voici pour le moment la traduction de l’article de Cullinan Hoffman. – J.S.
Les schémas « oubliés » de condamnation du communisme de Vatican II présentés par Matthew Cullinan Hoffmann de LifeSiteNews
En 1962, tandis que des millions de catholiques croupissaient derrière le rideau de fer et que l’Union soviétique travaillait à la diffusion du communisme athée à travers le monde, le concile Vatican II se préparait à prononcer une condamnation historique de l’idéologie marxiste et communiste, une condamnation qui devait inclure une stratégie globale en vue de sa défaite.
Les commissions préparatoires de Vatican II avaient établi trois déclarations différentes visant à condamner le marxisme en tant que « danger excessivement grave et universel », et le communisme en tant que « fausse religion sans Dieu » qui « cherche à subvertir les fondements de la civilisation chrétienne ». Ils envisageaient également la mise en place d’une campagne massive et très coordonnée afin de délivrer l’humanité du communisme et de « faire voler en éclats son audace ».
Ce devait être une contre-attaque de grande échelle face à ce que la voyante de Fatima, Lucia dos Santos, avait appelé « la plus grande hérésie de tous les temps dans le monde », qui « portait ses erreurs jusqu’aux confins de la terre ».
Cependant, les documents furent écartés dans les tout premiers mois du concile lorsque les évêques progressistes allemands, français et néerlandophones du « groupe du Rhin » ont su habilement contourner la majorité conservatrice pour prendre le contrôle des commissions qui avaient la haute main sur les documents conciliaires. Ils ont alors rejeté la plupart des schémas préparatoires qui avaient été remis aux Pères conciliaires, en les remplaçant par des schémas qui de manière générale, évitaient de condamner les erreurs de l’époque. Les schémas condamnant le communisme et le marxisme n’ont jamais été pris en compte. Ce qui est resté n’est qu’une timide critique de l’athéisme dans le document Gaudium et Spes, qui comporte une référence indirecte aux condamnations antérieures du communisme par les papes dans une note en bas de page.
Les plans du concile en vue de combattre le marxisme ont été presque entièrement oubliés, archivés et pour être finalement publiés dans leur version latine d’origine dans les actes officiels du concile, où ils prennent la poussière dans des bibliothèques de recherche à travers le monde.
Au cours des années qui ont suivi le concile, des formes de « théologie de la libération » d’inspiration marxiste se sont installées parmi de nombreux clercs et théologiens catholiques, particulièrement en Amérique latine. L’un de ces prêtres, le Jésuite argentin Jorge Bergoglio, devait au départ résister face à ces influences, mais il a commencé à s’allier avec les théologiens de la libération d’inspiration marxiste avant d’être élu en 2013.
Dans une interview récente avec le pape François, le journaliste athée de gauche Eugenio Scalfari rapporte qu’il a posé cette question au souverain pontife : « Donc, vous aspirez à une société où domine l’égalité. C’est, comme vous le savez, le programme du socialisme marxiste, puis du communisme. Pensez-vous à un type de société marxiste ? » A quoi le pape François a répondu, affirme-t-il : « Il a été souvent dit, et ma réponse a toujours été que ce sont plutôt les communistes qui pensent comme les chrétiens. » Le pape n’a jamais démenti ni désavoué cette déclaration.
François s’est livré à d’autres gestes exprimant de la sympathie pour le marxisme, notamment en acceptant un crucifix orné d’une faucille et d’un marteau offert par le président marxiste de Bolivie, Evo Morales – un geste qui a beaucoup consterné en Amérique latine. Il se dit qu’il a demandé de l’aide à des théologiens de la libération d’inspiration marxiste, tel Léonardo Boff, pour la rédaction de sa lettre encyclique Laudato si’. Récemment, l’ordre des Jésuites a élu un nouveau supérieur général, le Vénézuélien Arturo Sosa Abascal, qui a ouvertement cherché à réconcilier le christianisme avec le marxisme.
A d’autres occasions cependant, François a exprimé son désaccord par rapport au marxisme, tout en exprimant du respect pour les marxistes. « L’idéologie marxiste est erronée. Mais dans ma vie, j’ai connu beaucoup de marxistes qui sont de bonnes personnes, alors je ne me considère pas comme offensé », déclarait-il à des journalistes en 2013 après avoir été accusé de promouvoir le marxisme dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium.
Pour la première fois en vernaculaire
Aujourd’hui, LifeSite présente les traductions intégrales des condamnations écartées du communisme et du marxisme par Vatican II. Nous croyons que c’est la première fois que ces documents ont été traduits en quelque langue vernaculaire. Il y a trois documents en tout : deux schémas complets avec leur système indépendant de notes de bas de page, et un troisième texte qui fait partie d’un schéma plus important. L’ensemble des traductions représente vingt pages de texte.
Les membres des commissions préparatoires de Vatican II, répondant à des demandes faites par les théologiens avant la phase préparatoire, étaient déterminés à condamner clairement le communisme ainsi que l’idéologie marxiste qui le sous-tend, et à élaborer une stratégie globale visant à obtenir son effondrement.
Le document le plus complet formulé par les commissions préparatoires avait pour titre : « Du soin des âmes par rapport aux chrétiens infectés par le communisme » (De cura animarum pro Christianis communismo infectis), préparé par la commission sur les évêques et le gouvernement des diocèses. Il préconisait la mise en place d’une approche triple visant à contrer la propagande communiste parmi ceux qui étaient sous son influence dans le monde libre, à aider les catholiques ayant réussi à s’échapper de pays communistes, et à offrir une aide cachée à l’Eglise du silence souffrant sous la tyrannie communiste.
Mettant en garde contre le fait que les communistes cherchent à « renverser radicalement l’ordre social et à subvertir les fondements de la civilisation chrétienne », De cura animarum déclarait que le communisme était l’équivalent d’une fausse religion fondée sur le matérialisme, avec ses propres doctrines, sacrements et promesses de rédemption. C’était, en somme, un rejeton du véritable christianisme, cherchant à supplanter ces derniers par une idéologie qui remplace Dieu par l’État.
Citant Pie XI, le document note que le communisme est « imprégné, de manière pseudo mystique, d’une certaine idée fausse de la justice, de l’égalité et de la fraternité » qui a pour effet « d’enflammer les masses en les attirant au moyen de promesses trompeuses », et ajoute qu’il « offre une fausse idée de la Rédemption », une « religion fausse sans Dieu », qui fonctionne tel un « nouvel évangile et comme une sorte de rédemption salvifique ». Le résultat, met en garde le schéma, c’est « le saccage de la liberté de l’homme… et de même le renversement de la dignité humaine ainsi que la désacralisation de la vie humaine, tout comme la spoliation de l’autorité des parents vis-à-vis de l’éducation de leurs enfants. »
« A l’Eglise appartient le droit et le devoir de se battre contre le communisme athée pour ce qui est de la doctrine comme pour ce qui est de l’action ou des méthodes d’action », affirme le document. Il ajoute plus loin qu’un « combat spirituel contre le communisme athée, “cette invention si pleine d’erreurs et d’illusions trompeuses”, doit être mis en œuvre afin que les fidèles chrétiens puissent être fortifiés. »
De cura animarum envisageait une stratégie générale comprenant une commission internationale d’évêques et d’experts laïques qui serait chargé de superviser le combat global pour « défendre et libérer l’humanité des erreurs de l’athéisme et du communisme » et qui assurerait « la promotion et la coordination des études, des travaux, des ordonnances et des lois qui affaiblissent le communisme et ferait voler en éclats son audace ».
Le document se faisait aussi l’avocat de programmes visant à éduquer pleinement les fidèles par rapport aux doctrines de l’Eglise catholique en matière de justice sociale, fournir une contre-réponse systématique à la propagande communiste, et lancer un effort évangélique en vue de convertir les communistes au christianisme. Tout cela serait au service d’un projet visant à christianiser la société moderne ; le schéma exhortait les prêtres à avoir « un cœur qui brûle d’établir un ordre social chrétien ».
Remarquablement, De cura animarum insistait pour dire que les catholiques qui s’impliquent dans le « progressisme » en résistant aux combats de l’Eglise contre le communisme devaient être « publiquement réduits au silence par l’autorité ecclésiastique », tandis que les prêtres coupables de ces faits devaient être « sévèrement réprimandés et, le cas échéant, se voir infliger des peines ».
Les deux autres schémas, « Du soin des âmes et du communisme » (De cura animarum et communismo), et « Sur l’apostolat des laïcs dans des environnements imprégnés de matérialisme, particulièrement le marxisme » (De laicorum apostolatu in ambitibus materialismo, praesertim Marxismo, imbutis), répétaient de nombreux éléments présents dans De cura animarum pro Christianis communismo infectis.
Bien que condamnant également le communisme et le marxisme en des termes non équivoques, les deux documents se focalisaient surtout sur l’éducation des catholiques en matière d’enseignement de l’Eglise sur la justice sociale, les exhortant à donner un bon exemple dans leur conduite de manière à attirer les travailleurs et les autres à l’Eglise, loin des idéologies athées et extrémistes.
Alors même que les documents finals ont généralement plu aux membres de la commission, le cardinal Alfredo Ottaviani, pro-préfet du Saint-Office, a voté contre De cura animarum et communismo du fait que ce document ne proposait pas un programme pratique pour contrer la menace communiste. D’autres, y compris Mgr Marcel Lefebvre, étaient favorables à son incorporation dans le texte plus long et plus complet, De cura animarum pro Christianis communismo infectis, où un tel programme était bien présent.
Si le cardinal Ottaviani a bien voté pour De cura animarum pro Christianis communismo infectis, il a exprimé le désir d’y ajouter davantage d’éléments concernant les maux du communisme d’un point de vue purement naturel, en tant que contraire à la dignité fondamentale de l’être humain. Le document contenait des déclarations à cet effet mais elles étaient brèves et quelque peu vagues.
Bien que les schémas dénonçant le communisme ont été écartés et oubliés à la suite de l’ouverture de Vatican II, un grand nombre d’évêques devaient exprimer leur déception devant cette omission et ils ont de manière répétée cherché à la corriger, comme l’affirmait Ralph Wiltgen, auteur de Le Rhin se jette dans le Tibre, un compte-rendu très estimé de l’histoire du concile.
Au début de décembre 1963, l’archevêque Geraldo Sigaud de Diamantina, au Brésil, a présenté une pétition adressée au pape Paul VI demandant la création d’un schéma où « la doctrine serait exposée avec une grande clarté, et où les erreurs du marxisme, du socialisme et du communisme serait réfutées sur le plan philosophique, sociologique et économique ». La pétition fut signée par plus de 200 Pères conciliaires de 46 pays. Dans ce qui a constitué peut-être une réponse à cette pétition, le pape Paul VI a publié la lettre encyclique Ecclesiam Suam huit mois plus tard, où il dénonçait le communisme et protestait contre ces sévices tyranniques à l’égard des chrétiens, tout en exprimant un désir de dialogue avec les leaders des régimes communistes. Mais aucun schéma sur le communisme n’a fait son apparition.
La « sourde oreille » face à la demande de condamnation du communisme lors de Vatican II
A la fin d’octobre 1964, Paul Yu Pin, évêque exilé de Nankin en Chine, parlant au nom de 70 Pères conciliaires, demanda qu’un chapitre dénonçant le communisme athée soit ajouté au schéma Gaudium et Spes dans la mesure où il s’agit « d’un des phénomènes modernes les plus importants, les plus évidents et les plus malheureux ». Yu Pin, s’exprimant au nom des catholiques chinois, rappelait au concile le sort de tout ceux qui « gémissent sous le joug du communisme et sont obligés d’endurer injustement des douleurs indescriptibles ». On fit la sourde oreille face à sa complainte.
Pour finir, à la fin septembre en 1965, une nouvelle mouture de Gaudium et Spes ayant de nouveau omis toute mention du communisme, une lettre signée par 25 évêques a été distribuée aux Pères conciliaires, donnant dix raisons pour lesquelles le communisme marxiste devait être traité par le concile. Elle déclarait que si le concile manquait à condamner le communisme, ce serait « l’équivalent d’un désaveu de tout ce qui a été fait et dit jusqu’à présent » à ce sujet, et avertissait : « (Plus tard) le concile sera blâmé – fort justement – pour son silence à propos du communisme, qui sera considéré comme un signe de lâcheté et de connivence. »
La lettre s’accompagnait d’une pétition que les évêques étaient invités à signer, et qui a été diffusée par les Pères du groupe conservateur Coetus internationalis patrum. 450 évêques de 86 pays, soit environ un cinquième des Pères conciliaires, ont signé la pétition, demandant que Gaudium et Spes traite de la question. Selon les règles du concile, la requête aurait dû être soumise au vote du concile dans son ensemble, mais la commission mixte chargée de rédiger le document ne s’y est pas du tout référée dans son rapport suivant, et devait une nouvelle fois omettre de mentionner le communisme dans la mouture suivante.
A ce moment-là, les signataires, sous la conduite de Mgr Luigi Carli de Segni en Italie, ont protesté auprès de la présidence du concile, commençant à accuser la commission mixte de négation des droits de vote des pères conciliaires. Un membre de la commission mixte a déclaré à la presse que la pétition ne leur était jamais parvenue, et une autre source anonyme a déclaré à la presse qu’elle avait été soumise trop tard – des allégations vigoureusement démenties par les évêques qui l’avaient remise. Wiltgen affirme qu’un rapport confidentiel remis au pape Paul VI par le président du concile, le cardinal Eugène Tisserant, avait conclu que le secrétaire de la commission mixte, Mgr Achille Glorieux, l’avait bien reçue mais ne l’avait pas fait suivre aux autres membres de la commission ; ce fait reçut un large écho dans la presse italienne.
Les schémas de condamnation du communisme remplacés par un texte vague et une note de bas de page dans “Gaudium et Spes”
C’est à ce moment précis que le pape Paul VI a cherché à remédier au problème. Lors d’une audience avec les évêques latino-américains, il a condamné le « marxisme athée » et son influence sur la société latino-américaine, notant que celle-ci considérait « la révolution violente comme seul moyen de résoudre les problèmes ». Le lendemain, selon Wiltgen, le pape a envoyé un ordre direct à la commission l’enjoignant d’inclure dans Gaudium et Spes une référence aux documents magistériaux antérieurs condamnant le communisme. La commission a répondu en faisant figurer dans le document un paragraphe qui condamne de manière vague « ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison et l’expérience commune », assorti d’une note de bas de page citant plusieurs encycliques pontificales contenant des condamnations du communisme, mais sans référence spécifique aucune. Dans son rapport à l’assemblée générale du concile, la commission mixte déclarait que la phrase faisait référence aux « condamnations du communisme et du marxisme par le souverain pontife ».
Cette référence vague, quasi indécelable, au communisme dans Gaudium et Spes n’a pas suffi aux signataires de la pétition, qui ont demandé aux Pères conciliaires de voter contre le schéma dans son ensemble. Cependant, lors du vote final du 7 décembre 1965, seuls 75 pères devaient voter contre, et le schéma fut adopté. Gaudium et Spes a été promulgué par le pape Paul VI le même jour. La condamnation du communisme qui devait être réalisée par Vatican avait été réduite à un texte sibyllin et à une vague note en bas de page.
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