Le remaniement ministériel annoncé pour après le 6 janvier lors du remplacement il y a un mois du premier ministre Beata Szydło par son ministre des Finances et du Développement Mateusz Morawiecki a bien eu lieu hier. Selon les médias internationaux, il s’agirait pour la Pologne d’apaiser le conflit avec Bruxelles en se débarrassant des ministres « idéologiques » : Witold Waszczykowski remplacé par Jacek Czaputowicz aux Affaires étrangères, Jan Szyszko remplacé par Henryk Kowalczyk à l’Environnement, et Antoni Macierewicz remplacé à la Défense par le ministre de l’Intérieur Mariusz Błaszczak, lui-même remplacé à l’Intérieur par Joachim Brudziński.
Un remaniement ministériel placé sous le signe de la poursuite des politiques menées jusqu’ici
La nomination de Brudziński à l’Intérieur est un signe de continuité, car il a comme Błaszczak la pleine confiance de Kaczyński, le leader du PiS. Aux Affaires étrangères, Czaputowicz est un second couteau. Il était jusqu’ici sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Sa nomination laisse penser que le président Andrzej Duda pourrait vouloir s’impliquer davantage dans la politique étrangère polonaise, qui est un domaine de compétence partagée entre le président et le gouvernement.
Duda était par ailleurs en conflit avec Macierewicz, le ministre de la Défense sortant qui est un proche de Kaczyński. Le remplacement de Macierewicz par un autre homme fort du PiS, Błaszczak, moins individualiste, est une marque de la volonté du chef du PiS, Jarosław Kaczyński, de mettre fin à ce conflit suicidaire pour l’union des droites et de soutenir la candidature d’Andrzej Duda aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu en 2020. Il faut sans doute aussi y voir la volonté de Mateusz Morawiecki d’asseoir son autorité sur son conseil des ministres.
Sur le front intérieur comme sur le front extérieur, le PiS joue l’apaisement à l’approche des échéances électorales
C’est ce changement qui a suscité le plus de commentaires négatifs dans les médias proches de l’aile droite du PiS (Gazeta Polska) et le plus de commentaires positifs dans ceux plus proches de son aile gauche (wPolityce, Do Rzeczy…). Selon Łukasz Warzecha, qui commente le remaniement pour Do Rzeczy, le départ de Macierewicz et de Szyszko, en conflit avec Bruxelles sur la question de la Forêt de Białowieża, montre aussi que Kaczyński n’a plus autant besoin du soutien des médias catholiques liés à Radio Maryja et Telewizja Trwam. Ces deux ministres étaient en effet très soutenus par le groupe médiatique des pères rédemptoristes. Les ministres de la Défense, des Affaires étrangères et de l’Environnement étaient en outre les trois ministres les plus violemment critiqués par l’opposition.
Le remaniement d’hier a sans doute aussi pour but d’obliger l’opposition qui se disait « totale » à devenir un peu plus raisonnable après une vague d’agressions contre les bureaux de députés du PiS en Pologne engendrées par la violence des attaques des médias liés à l’opposition libérale-libertaire. Alors que le PiS jouit selon tous les sondages d’une popularité record, sa direction semble vouloir élargir encore sa base et peut-être même s’assurer une future majorité constitutionnelle en commençant dès aujourd’hui à attirer les électeurs conservateurs du centre à l’approche des élections locales et régionales qui auront lieu à l’automne et à l’approche des élections législatives de l’année prochaine. Le PiS n’a jamais fait mystère de ce qu’il lui fallait absolument deux mandats de suite pour mener à bien ses réformes en profondeur de la Pologne post-communiste.
Pour les partenaires européens de la Pologne, une occasion pour mettre fin aux tentatives d’ingérence de Bruxelles ?
Car sur les questions de fond, le gouvernement Morawiecki ne cède rien. La Commission européenne avait voulu le mettre sous pression juste avant Noël en lançant la procédure de sanction de l’article 7 pour amener le président Duda à opposer une nouvelle fois son veto aux deux lois de réformes de la justice, mais cela n’a fait que pousser Duda à ratifier encore plus vite ces lois qui ont été publiées au journal officiel le 2 janvier. Mardi, lors d’une rencontre à Bruxelles avec le premier ministre polonais, le président de la Commission Jean-Claude Juncker s’est voulu rassurant, affirmant que la Commission n’était pas en guerre avec la Pologne.
Quelques jours plus tôt, il s’était dit opposé à l’idée de lier les subventions européennes à l’acceptation par les pays du Groupe de Visegrád des quotas d’immigrants que Berlin, Paris et Rome voudraient leur imposer.
Le remaniement ministériel polonais peut être vu à la fois comme une main tendue à la Commission pour qu’elle change de ton et comme la marque de la volonté de la Pologne de s’acquérir des soutiens lorsque le Conseil européen décidera en février ou en mars s’il souhaite oui ou non poursuivre la procédure de sanction engagée par la Commission. Pour bloquer la procédure dès cette étape, il suffira à la Pologne d’obtenir le vote en sa faveur de 6 pays sur 27.