Theresa May a eu la mauvaise surprise le 2 mai d’être mise en minorité au sein de son « cabinet de guerre » qui réunit 11 ministres chargés de décider de la stratégie de négociation du Royaume-Uni pour le Brexit. C’est le nouveau secrétaire d’Etat à l’Intérieur Sajid Javid qui a fait pencher la balance en sa défaveur quand Mme May a voulu obtenir le soutien de son cabinet pour un projet de partenariat douanier avec l’UE après le Brexit. Ce « nouveau partenariat douanier » permettrait au Royaume-Uni de rester dans une forme d’union douanière avec l’Union européenne en collectant à ses frontières les taxes douanières pour lui-même et pour l’UE en fonction de la destination des marchandises. Cela permettrait notamment de ne pas avoir à mettre en place des contrôles à la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Les ministres pro-Brexit préféreraient toutefois un simple système de caméras « intelligentes » et de pré-enregistrement pour gérer le passage des marchandises en préservant la liberté de circulation entre les deux Irlande sans union douanière.
Une union douanière avec l’UE empêcherait le Royaume-Uni de récupérer sa pleine souveraineté après le Brexit
Si Bruxelles a rejeté l’idée de ce « nouveau partenariat douanier » comme étant irréaliste, la question de la frontière irlandaise est instrumentalisée depuis le début des négociations pour empêcher un vrai Brexit, c’est-à-dire pour maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière qui l’empêcherait de recouvrer toute sa souveraineté. Le Premier ministre Theresa May a promis à ses concitoyens qu’il n’y aurait pas de contrôles à la frontière de l’Irlande du Nord, mais elle leur a aussi promis que Londres recouvrerait sa pleine capacité à signer des accords commerciaux. La tentative de Mme May de faire accepter un partenariat constituant une forme d’union douanière a donc soulevé l’ire des partisans du Brexit. Boris Johnson, le secrétaire d’Etat des Affaires étrangères et du Commonwealth, a parlé d’un « système fou » avec lequel il serait « très difficile de signer librement des accords commerciaux ». Pendant le week-end, Downing Street a en outre été accusé de chercher à faire taire les eurosceptiques tout en autorisant le secrétaire d’État aux Affaires, à l’Energie et à l’Industrie Greg Clark à faire renaître le « Project Fear » (« Projet Peur ») pour imposer un Brexit incomplet. Greg Clark a en effet utilisé comme argument en faveur d’une forme d’union douanière le risque, en cas de Brexit complet, de provoquer le transfert de milliers d’emplois vers le continent.
Sajid Javid et Boris Johnson ne sont pas les seuls à se montrer critiques. La proposition de Mme May en faveur d’un « nouveau partenariat douanier » soulève l’hostilité d’autres poids lourds du gouvernement britannique comme le secrétaire d’Etat à l’Environnement Michael Gove, le secrétaire d’Etat au Commerce international Liam Fox et le secrétaire d’Etat à la Défense Gavin Williamson. Les principaux soutiens du projet de partenariat douanier avec l’UE sont, en dehors de Theresa May elle-même, le chancelier de l’Echiquier (ministre des Finances et du Trésor) Philip Hammond, le secrétaire d’Etat aux Affaires, à l’Énergie et à l’Industrie Greg Clark et le secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord Karen Bradley.
Soixante députés conservateurs menacent de faire tomber le gouvernement de Theresa May
Depuis le Parlement, soixante députés conservateurs du European Research Group dirigé par Jacob Rees-Mogg ont envoyé au Premier ministre un rapport de 30 pages pour expliquer leur opposition au projet de partenariat douanier avec l’UE. Le groupe a clairement fait savoir qu’il pourrait faire chuter le gouvernement de Mme May en cas de Brexit partiel. Le Premier ministre pourrait aussi voir sa position à la tête du parti conservateur remise en cause. Si les pro-Brexit espèrent avoir tué dans l’œuf le projet de « nouveau partenariat douanier », Jacob Rees-Mogg reste prudent car il estime que le chancelier de l’Échiquier n’a toujours pas renoncé à maintenir le Royaume-Uni dans l’union douanière européenne en dépit du résultat du référendum de 2016.