Le président turc Recept Tayyip Erdogan réagissait samedi à la décision annoncée la veille par l’Autriche concernant la fermeture de sept mosquées et l’expulsion de plusieurs dizaines d’imams financés par la Turquie en violation de la loi autrichienne. Pour le gouvernement de Sebastian Kurz, il s’agit de lutter contre l’islam politique et l’islam radical. Pour le Turc Erdogan, c’est une politique « anti-islam », « raciste » et « discriminatoire » et « le chancelier autrichien est en train de pousser le monde vers une guerre entre la croix et le croissant ».
La fermeture de mosquées et l’expulsion d’imams vise l’islam turc et plus généralement l’islam radical
« Nous ne faisons que commencer », a prévenu le vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache (FPÖ). Les mesures annoncées vendredi en conférence de presse par lui-même ainsi que le chancelier Kurz (ÖVP), le ministre de l’Intérieur Herbert Kickl (FPÖ) et le ministre de la Culture et des médias Gernot Blümel (ÖVP) sont la conséquence d’une étude du ministère de l’Intérieur sur tous les clubs et organisations sous l’influence des autorités religieuses turques. Parmi les sept mosquées frappées d’une décision de fermeture du ministère de la Culture et des médias (quatre à Vienne, deux en Haute-Autriche et une en Carinthie), une serait liée aux Loups gris, une organisation terroriste d’extrême droite turque. En ce qui concerne les imams qui vont être expulsés avec leur famille, une quarantaine appartiennent à l’Union des associations culturelles islamiques turques en Europe (ATIB) et sont soupçonnés de bénéficier de financements de la part de la Turquie, l’ATIB étant elle-même sous le contrôle de la direction des affaires religieuses (Diyanet) de l’Etat turc. Une association islamique arabe baptisée « association cultuelle arabe » a en outre été dissoute du fait de sa propagande, dans les mosquées qu’elle gère, contre la société et l’Etat autrichien.
La décision prise par Vienne intervient deux mois après un scandale lié à la reconstitution dans une mosquée de l’ATIB de la bataille des Dardanelles de 1915, avec des enfants d’école maternelle jouant le rôle de soldats turcs morts enveloppés dans des drapeaux turcs. Les images divulguées sur les réseaux sociaux montraient également des enfants en train de prêter allégeance à la Turquie dans une mosquée de Vienne. En avril, le FPÖ a dénoncé au parquet autrichien les messages haineux et faisant l’apologie du terrorisme diffusés dans cette mosquée de l’ATIB, une organisation qui compte 100.000 membres en Autriche. Sur les 8,7 millions d’habitants qui peuplent l’Autriche, environ 360.000 sont d’origine turque, dont 117.000 ont la nationalité turque.
La Turquie d’Erdogan semble vouloir réussir par la démographie ce que l’Empire ottoman n’a pu faire par la force militaire : islamiser toute l’Europe
En janvier 2017, une opération menée par 800 policiers à Vienne et à Graz avait permis de déjouer un complot islamiste visant à instaurer un califat dans le pays. Pas plus tard qu’en mai dernier, le sultan d’Ankara prononçait à Sarajevo un discours par lequel il appelait la diaspora turque en Europe à partir à la conquête du pouvoir dans leur pays d’accueil. L’année dernière, pendant la campagne avant le référendum sur la constitution qui devait lui donner des pouvoirs accrus, il déclarait lors d’un meeting à Eskisehir, en Anatolie centrale : « J’en appelle à mes citoyens, mes frères et sœurs en Europe […] Allez vivre dans de meilleurs quartiers. Conduisez les meilleures voitures. Vivez dans les meilleures maisons. Ne faites pas trois mais cinq enfants. Car vous êtes l’avenir de l’Europe. Ce sera la meilleure réponse aux injustices contre vous. » Encore seulement maire d’Istanbul, le même Erdogan avait dit dans un discours en 1998, citant les vers d’un poète nationaliste turc écrits peu avant le génocide contre les Arméniens et autres chrétiens d’Anatolie : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats ».
L’Autriche désormais sur la même longueur d’ondes que la Hongrie
Gouvernée par une coalition des droites ÖVP-FPÖ depuis décembre dernier, l’Autriche semble avoir pris conscience du danger contrairement à d’autres pays européens – comme la France – qui autorisent toujours les financements des associations islamiques depuis l’étranger. C’est en février 2015 que le parlement autrichien a adopté une loi pour encadrer l’islam sur son territoire, avec entre autres pour effet d’interdire de tels financements.
Parallèlement à sa lutte contre l’islam radical sous influence étrangère, Vienne se prépare avec la Hongrie et les pays des Balkans à une éventuelle répétition de l’assaut migratoire à grande échelle lancé en 2015 par la route des Balkans, la Turquie menaçant régulièrement d’ouvrir à nouveau les vannes.