Le Billet : L’Europe Déroulède plante son drapeau sur les mairies

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Par 130 voix contre 109, l’Assemblée nationale a voté l’obligation pour les mairies de plus de mille cinq cents habitants d’arborer le drapeau de l’Europe. On sait depuis la révolution de 1848 et Lamartine combien la question du drapeau est importante. Le nationalisme radical et républicain d’un Paul Déroulède s’exprimait dans son journal Le Drapeau à l’orée du vingtième siècle. Il voulait en pavoiser l’Alsace-Lorraine. Aujourd’hui c’est d’une autre guerre qu’il s’agit. Le pouvoir plante symboliquement un nouveau décor : celui du supra-nationalisme.

 

Pendant l’Apocalypse, on parle du drapeau sur les mairies

A première vue, c’est une diversion. La France est endettée par-dessus les oreilles, son déficit commercial atteint des records, ses grandes entreprises sont menacées, son appauvrissement systématique par la farce du climat se poursuit à grande vitesse, la sécurité n’est plus assurée dans de nombreuses villes, les agriculteurs se suicident, des femmes épousent des femmes, des hommes des hommes, et l’on ne sait plus très bien ce qu’est un homme ou une femme, l’invasion du pays a pris une ampleur telle que le capital génétique de la nation et son capital culturel n’ont jamais changé à ce point, même bien sûr aux quatrième et cinquième siècles, et l’on nous cause drapeau au fronton des mairies ! Pourquoi pas pelote basque et bureaux de tabac ?

 

Un symbole, du royaume, de la République, de l’Europe

Mais à y bien réfléchir, en connaissant le bougre qui occupe l’Elysée, cela peut très bien être une diversion et en même temps la chose la plus importante. Le drapeau, c’est capital. Il n’y a pas si longtemps, on mourait pour lui. Des soldats épuisés, blessés, s’exposaient au pire pour le ramener avec eux : on disait ramener, non rapporter, preuve que c’était plus qu’une chose, un être, l’être le plus précieux peut-être, qui symbolisait un groupe d’hommes, un pays, une nation. La République se moquait de Paul Déroulède, qui voulait une guerre pour planter le drapeau bleu-blanc-rouge à Strasbourg, et du comte de Chambord, qui, à ce qu’elle prétendait, avait gâché l’occasion de prendre le pouvoir après 1871 en exigeant le drapeau blanc.

 

L’armée des princes de Bruxelles plante son drapeau sur nos communes

Mais elle apprenait aux collégiens l’amour du drapeau bleu-blanc-rouge en citant la tirade de Lamartine, ministre des affaires étrangères du gouvernement provisoire, à la fin de la Révolution de 1848, face aux émeutiers qui l’avaient fait ministre et réclamaient le drapeau rouge : « le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec la République et l’Empire, avec vos libertés et vos gloires, et le drapeau rouge n’a fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple. » C’était l’époque où la République brandissait haut le drapeau du patriotisme, avec une emphase un peu pompeuse qui ne manquait pas d’allure. Aujourd’hui, face au peuple qui ne demande rien, qui s’est habitué à nourrir pour la France et son drapeau un amour tranquille, l’armée des princes que dirige Bruxelles plante brutalement son drapeau sur les communes, incarnation traditionnelle du pouvoir populaire, exigeant leur soumission. C’est le symbole d’une nouvelle ère : Paris n’est plus vraiment la capitale de la France. Cependant aucun tribun ne s’est dressé pour écarter le drapeau bleu étoilé, qui n’a pourtant fait que le tour des institutions européennes.

 

Pauline Mille