L’immigration illégale vers l’Allemagne s’intensifie et s’accélère actuellement depuis le Bélarus, au point que le Bundestag accuse le régime d’Alexandre Loukachenko de favoriser cette nouvelle poussée migratoire en facilitant l’entrée des clandestins sur le territoire de l’Union européenne via sa frontière avec la Pologne. Pour les Allemands hostiles à l’immigration de masse c’est bien la Russie qui est à la manœuvre grâce à sa complicité avec le « frère » biélorusse. La vice-présidente du groupe conservateur-chrétien démocrate CDU-CSU, Andrea Lindholz, appelait mardi à des efforts conjoints du gouvernement fédéral allemand et de la Pologne, passant notamment par la mise en place de « contrôles stationnaires et flexibles à la frontière » entre les deux pays.
« Apparemment, environ la moitié des personnes qui entrent illégalement dans l’UE par la frontière germano-polonaise chaque mois arrivent dans l’UE via la Biélorussie », a déclaré Mme Lindholz : « Dans un Etat autocratique comme la Biélorussie, les passages frontaliers à cette échelle ne sont pas une coïncidence. Il va de soi que ces entrées illégales font partie d’une stratégie visant à déstabiliser l’UE. »
Près de 9.000 migrants répertoriés en Allemagne en provenance du Bélarus de juillet 2022 à mars 2023
Mardi, le ministre fédéral de l’Intérieur, Nancy Faeser (SPD) a annoncé un renforcement des contrôles frontaliers, mais sans donner de précisions quant à sa nature.
Cette vague de migrants venus notamment d’Egypte et d’autres pays extra-européens ne peut certes être passée inaperçue en Biélorussie, où ils arrivent par avion avant de se diriger vers la frontière polonaise, puis l’Allemagne. Selon un reportage publié ce mercredi par le quotidien allemand Die Welt, la police fédérale allemande a relevé au cours des seuls neuf mois de juillet 2022 à mars 2023 l’identité de 8.687 clandestins (dont environ 3.000 Syriens, 1.632 Afghans et 1.330 Egyptiens) ayant un lien quelconque avec le Bélarus, ainsi que l’a confirmé le ministère fédéral de l’Intérieur sur interpellation d’Andrea Lindholz.
Celle-ci a déclaré à Die Welt : « Apparemment, tous les mois, environ la moitié des personnes qui entrent illégalement en Allemagne par la frontière polonaise arrivent dans l’Union européenne par la Biélorussie. » Pour lutter contre ce flux, elle demande que le gouvernement fédéral allemand révoque les permis d’atterrissage des compagnies aériennes qui par ailleurs facilitent l’immigration illégale par le biais de la Russie et du Bélarus, ce dernier octroyant des visas aux ressortissants venus du Moyen Orient pour beaucoup, mais aussi d’Afrique.
Encore ces chiffres officiels – qui évoquent 2.500 tentatives d’entrée illégale par mois depuis la Pologne – ne peuvent-ils rendre compte de la totalité des cas, puisqu’on ne compte que ceux qui se font prendre.
Le Bélarus, habitué de l’utilisation de l’« arme » des clandestins
Ce n’est pas la première fois que le Bélarus se trouve dans le collimateur au sujet des migrations clandestines. En 2021, des milliers de clandestins avaient pu y entrer pour poursuivre leur route vers l’Europe occidentale, bénéficiant même souvent de l’assistance de l’armée ou des gardes-frontières biélorusse pour se faire conduire vers la frontière, à tel point que la Pologne avait craint une incursion massive et demandé la fermeture des frontières. A l’époque déjà, le président polonais accusait Vladimir Poutine d’être le « principal commanditaire » de cette vague d’arrivées – le Kremlin avait qualifié ces déclarations d’« irresponsables » et « inacceptables ». Dans le même temps, les migrants évoquaient des brutalités de la part des forces de l’ordre biélorusses qui les empêchaient violemment de revenir en arrière. Le renforcement des contrôles par la Pologne et des mesures visant les compagnies aériennes avaient alors permis de tarir le flux.
Tout est reparti de plus belle quelques mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Aujourd’hui, selon Hannelore Crolly et Ricarda Breyton dans Die Welt, les arrivées de ressortissants non européens à Minsk sont particulièrement nombreuses, avec chaque jour des vols en provenance de Charm el-Cheikh et d’Hurghada, ainsi que de la Russie et de la Turquie, cette dernière étant connue elle aussi pour utiliser l’« arme » de la pression migratoire contre les pays chrétiens (malgré tout !) d’Europe occidentale.
Bélarus et Russie, l’entente complice
Selon Jakob Wöllenstein, l’un des responsables de la Fondation Adenauer, proche du CDU, de nombreux migrants interceptés ces derniers mois sont porteurs de nouveaux visas russes. Il a déclaré prudemment à Die Welt : « Cela ne suffit pas à prouver que l’Etat russe amène délibérément des personnes dans le pays en tant que “migrants en transit” vers l’UE, mais les dirigeants russes savent que la question de la migration dans l’UE est une fracture très clivante. » Dialectique – toujours – portée chez « l’ennemi » ?
Ou serait-ce plutôt une manœuvre de Loukachenko pour faire lever les sanctions européennes visant le Bélarus pour son soutien à l’invasion de l’Ukraine, comme le suggère un autre interlocuteur du journal ? On peine à la croire, puisque la Russie et son voisin occidental viennent tout juste de signer un document sur le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus – le premier de son genre depuis la chute de l’URSS en 1991. Alexandre Loukachenko assurait le 25 mai dernier que les armes avaient déjà commencé leur transit alors que le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, était encore à Minsk pour la signature de l’accord.