La Route de la soie (BRI) de la Chine : des investissements-piège aux enlèvements

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« La Route de nulle part », c’est le titre d’un grand article paru dans The Telegraph. La Belt and Road Initiative (BRI), ou « Nouvelle route de la soie » lancée en 2013 par la Chine, devait et doit toujours, officiellement, engendrer des investissements faramineux, accroître les échanges commerciaux et développer économiquement les régions via de nouvelles infrastructures. Dans les faits, les résultats sont plus qu’en demi-teinte, et surtout, la politique chinoise qui s’y montre est à l’image du totalitarisme qui la fonde : les enlèvements sont monnaie courante, la corruption plurielle, les promesses rarement tenues.

De partenaire, la Chine se révèle un concurrent, voire un opposant. Qui pourrait s’en étonner ?

 

Khorgos, ville vitrine du succès chinois ou de la réalité communiste ?

Direction la petite ville sino-kazakhe de Khorgos, sur la frontière. En plein dans cette région du Xinjiang dont les minorités ethniques subissent une répression violente et quasi systématique de la part du gouvernement chinois. Khorgos, devenu port sec d’une valeur de 250 millions de dollars, est le point de passage vers le pays phare de l’Asie Centrale pour la BRI, le Kazakhstan, lui-même porte d’entrée vers l’Europe.

D’où l’importance capitale de ce premier maillon de la BRI et la nécessité d’un contrôle éperdu et draconien, surtout quand on a la fibre communiste.

Le kazakh Asqar Azatbek, nous raconte The Telegraph, se trouvait à Khorgos côté kazakh, lorsque des hommes sont descendus d’une voiture, l’ont mis face contre terre et lui ont ordonné de leur remettre son passeport avant de l’emmener sans explications. Violemment kidnappé – comme tant d’autres. Sa famille l’attend toujours.

Les populations sont surveillées. Les éléments susceptibles de d’attribuer aux hommes des droits et des libertés, sont traqués, régulièrement emprisonnés, quand ce n’est pas envoyés dans ces fameux camps de rééducation dont on ne ressort jamais le même. La répression du régime de Xi Jinping s’abat tant sur les populations locales que sur celles qui ont émigré à l’étranger : elle ne se prive pas de passer les frontières.

 

Enlèvements sur la Route de la Soie

La Belt and Road Initiative est donc aussi, pour la Chine, une occasion d’exporter sans vergogne ses méthodes et de violer les droits des personnes sur des sols étrangers, empiétant ainsi sur la souveraineté des pays partenaires. The Telegraph raconte cette femme d’origine kazakhe qui a fui la Chine en mai 2019 avec sa famille et à qui la police conseille d’organiser une réunion à Khorgos pour qu’elle puisse voir ses frères et ses sœurs… « un piège », selon elle.

Comme cela le fut pour cette interprète sino-kazakhe de 35 ans qui s’est retrouvée derrière les barreaux, enchaînée, soumise à un endoctrinement politique, contrainte de faire l’éloge du Parti communiste au pouvoir. Tout ça parce qu’elle avait vu d’autres musulmans prier au Kazakhstan. D’autres anciens détenus interrogés par The Telegraph ont décrit avoir été battus et violés et obligés de scander : « Vive Xi Jinping ! »

Rappelons que plus d’un million de personnes ont été arbitrairement détenues dans ces camps dits de « rééducation » dans la région chinoise du Xinjiang, entre 2017 et 2020. Il faut tout particulièrement « mater » cette région, maillon crucial de la BRI, car les trains de marchandises pour aller à Khorgos passent par cette zone, habitée par des Ouïghours, des Kazakhs et d’autres groupes musulmans. Trop de velléités d’indépendance, au vu des ethnies et des religions différentes, s’y sont fait jour par le passé. Et la Chine n’entend pas la lâcher.

 

La BRI : beaucoup d’échecs et « le piège de la dette »

A tous les pays tentés de rejoindre la BRI (plus de 150 pays inscrits), la Chine a promis des projets de développement sans conditions et sans concessions. Les vidéos de propagande parlaient d’« inclusivité » à tout bout de champ. Force est de constater qu’il y a tromperie sur la marchandise… Le système communiste ne concède jamais qu’à lui-même : l’initiative était déjà unilatérale au départ.

A sa création, la BRI fut un moyen de soutenir l’économie chinoise en rendant davantage de pays dépendants de ses biens, de ses machines et de son expertise technique. Dix ans plus tard, nombre de projets sont restés en l’état : un tiers des projets de la BRI ont été en proie à des scandales de corruption, à des violations du droit du travail, à des risques environnementaux ou à des manifestations publiques, selon AidData, un laboratoire de recherche américain. Et les pays bénéficiaires, rappelle l’article du Telegraph, sont aux prises avec au moins 385 milliards de dollars de dette cachée ou sous-estimée en 2021, tenue hors des bilans officiels grâce au recours par la Chine à des prêts à des entités non gouvernementales. Rappelons le cas du Sri Lanka qui, incapable de rembourser ses 1,3 milliard de dollars de prêts chinois, a été contraint de céder le contrôle de son port de Hambantota…

Et demeurent aussi les craintes selon lesquelles la BRI pourrait ouvrir la voie à l’expansion régionale et militaire de la Chine. On le voit au Kazakhstan, mais aussi au Tadjikistan où la Chine a construit une base militaire secrète près de la frontière avec la Chine et l’Afghanistan.

Des nations repensent désormais leur implication avec la BRI : l’Italie, qui a signé en 2019 – le seul pays du G7 à l’avoir fait – envisage de se retirer.

Dix ans plus tard, où est le rêve promis par Xi au Kazakhstan et au monde ? Une relation d’égal à égal, fondée sur la liberté, la dignité et le respect de la parole donnée ? Comment la Chine pourra-t-elle continuer à prouver sa bonne foi… ? De communiste, ça elle y est déjà parvenue.

 

Clémentine Jallais