Le Pakistan réduit la voilure de la Nouvelle route de la soie sur son territoire, pour éviter l’endettement excessif à l’égard de la Chine

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De 8,2 milliards de dollars à 6,2 milliards : le budget pakistanais d’investissement en infrastructures pour la construction de la Nouvelle route de la soie vient d’être réduit de près d’un tiers parce que les autorités du pays cherchent à éviter un endettement excessif à l’égard de la Chine. Le nouveau Premier ministre Imran Khan et son équipe semblent affolés par la proportion prise par les engagements de leurs prédécesseurs, la construction des ouvrages étant très largement financée par des emprunts consentis par Pékin, par ailleurs grand bénéficiaire des nouvelles voies de communication qui permettront avant tout de faciliter les exportations chinoises.
 
Au premier rang de ces projets pharaoniques, la construction d’un nouveau chemin de fer devait permettre de relier Karachi et Peshawar en remplaçant les voies ferrées plus que centenaires et qui ont certes fait leur temps. Le rétablissement d’une voie de communication inspirée par l’antique Route de la soie se fait au Pakistan, sous le regard chinois, par le biais de l’organisation CPEC (China-Pakistan Economic Corridor) qui était en l’occurrence le bailleur de fonds.
 

Le Pakistan veut réduire son endettement vis-à-vis de la Chine

 
Mais l’ampleur des dettes explique l’actuelle nervosité de la nouvelle administration pakistanaise. Le ministre des voies ferroviaires, Sheikh Rasheed, a expliqué lundi que le Pakistan est « un pays pauvre qui ne peut pas supporter l’énorme charge de ces emprunts ». Ce n’est pas pour autant qu’Islamabad entend renoncer à la modernisation de ses voies de communication, mais l’idée est bien d’en réduire le coût.
 
« Le CPEC est comme une colonne vertébrale pour le Pakistan, mais nos yeux et nos oreilles sont ouverts », a encore averti Rasheed.
 
D’autres partenaires du projet de la Nouvelle route de la soie (« One Belt, one Road ») ont déjà appris à leurs dépens ce qu’il en coûte de se laisser piéger par des emprunts qu’il est impossible de rembourser. C’est ce qui s’est passé pour le Sri Lanka, endetté bien au-delà de sa capacité auprès de Pékin : incapable de rembourser, le pays a dû céder le contrôle d’actifs stratégiques à la Chine pour s’en sortir.
 
Opération au fond fort juteuse pour l’Empire du Milieu, qui s’assure ainsi progressivement le contrôle sur ces voies de communication qui l’intéressent au plus haut point en créant le réseau de sa domination commerciale mondiale. Commerciale tant que tout va bien, militaire, pourquoi pas ?
 

La Nouvelle Route de la soie, outil de domination de la Chine

 
Sheikh Rasheed s’est contenté d’aligner des constats. Il a montré que le projet de chemin de fer renouvelé ne pourra guère s’autofinancer, les revenus attendus étant insuffisants pour couvrir les coûts de construction, et ce d’autant que celle-ci a déjà pris du retard et que son budget a été revu à la hausse. La vraie question aujourd’hui est de savoir comment la nouvelle ligne Karachi-Peshawar, même construite à moindres frais, pourra néanmoins attirer un trafic suffisant pour engendrer des bénéfices, dans un contexte où l’industrie du rail, qu’il s’agisse de transport de passagers ou de marchandises, s’est effondrée ces dernières années. Les investissements, quels qu’ils soient, s’annoncent à hauts risques.
 
La Chine voit d’un mauvais œil les réticences pakistanaises. La semaine dernière, Pékin a essayé d’éviter ce début de rupture en faisant des concessions commerciales unilatérales au Pakistan, histoire de permettre à cette République islamique de renforcer quelque peu son économie et de la rendre moins craintive par rapport à son endettement.
 
Le Pakistan n’est d’ailleurs pas seul à afficher son irritation à l’égard de Pékin : le Sri Lanka, la Malaisie, les Maldives sont tous dotés de nouvelles équipes gouvernementales inquiètes du degré d’endettement accepté par leurs prédécesseurs. Un endettement qui s’accompagne d’un certain blocage des fonds publics, embourbés dans les projets d’infrastructures alors que les politiques aimeraient en disposer pour leurs dépenses sociales notamment, de manière à honorer des promesses électorales auxquelles ils doivent leur accession au pouvoir.
 

L’endettement des pays de la Nouvelle route de la soie assure un double profit à la Chine

 
Le Pakistan souhaiterait par exemple revoir l’ensemble des contrats existants liés à la Nouvelle route de la soie, chose que Pékin refuse absolument : la renégociation consentie par la Chine ne visera que les projets dont la construction n’a pas encore commencé. C’est là aussi le signe d’une domination chinoise à laquelle il est à l’évidence difficile de se soustraire.
 
Sur place, la presse assure que la Chine elle-même n’a pas confiance en la rentabilité de la voie ferrée CPEC : des analystes économiques du Straits Times font remarquer que Pékin est disposé à bailler des fonds pour la construction du chemin de fer, mais refuse d’investir un centime dans la société ferroviaire elle-même. Le mécanisme, qu’on retrouve ailleurs dans le monde, consiste à prêter des milliards moyennant des intérêts bien sûrs, utilisés pour engager des sociétés chinoises qui s’occupent de la construction elle-même. Ainsi, l’argent revient deux fois au bercail, sans prise de risque ultérieure.
 
L’ensemble du projet CPEC représente la somme colossale de 60 milliards de dollars d’investissements sur les 15 années à venir. A ce titre, c’est bien Pékin qui a la haute main, le Pakistan d’Imran Khan ne pouvant manœuvrer qu’à la marge. Comment tout cela ça se terminera-t-il à l’échelle mondiale ? C’est la vraie question.
 

Anne Dolhein