Hausse des taux d’intérêt par la Fed : Janet Yellen a-t-elle annoncé une accélération ?

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Comme cela avait été anticipé, Janet Yellen, présidente de la Réserve fédérale des Etats-Unis, a annoncé mercredi la remontée du taux de base de la Banque centrale américaine de 0,75 % à 1 %. Les commentateurs s’attendent à de nouvelles remontées d’ici à la fin de l’année – plus rapides, même, que prévues puisque la conférence de presse tenue par Yellen, quasi identique à celle de décembre, a de manière significative omis le mot « seulement » de cette phrase ; « Le comité s’attend à ce que les conditions économiques évoluent de manière à justifier seulement des remontées graduelles du taux des fonds fédéraux. » Ou alors, souligne Joe Chidley du Financial Post, la Fed se réserve-t-elle de nouvelles interventions sur les taux pour encore et toujours empêcher l’inflation de se développer ? En tout cas, on va vers une accélération des mesures.
 
Le même journaliste pense en effet que l’inflation devrait naturellement augmenter. Une inflation « hors de contrôle » provoquée par Donald Trump soi-même, dont on devine qu’il n’a pas les faveurs de l’auteur de l’article. « Les promesses de Donald Trump de faire monter en puissance les dépenses publiques, assorties de réductions d’impôts mais aussi d’une forme ou une autre de droits de douane sur les importations (au moins celles en provenance de pays qu’il n’aime pas) ne feraient qu’ajouter aux forces inflationnistes déjà à l’œuvre. S’il parvient à appliquer sa politique – ce qui n’est pas du tout certain – la Fed pourrait ne pas pouvoir se limiter à des « remontées graduelles seulement », observe le Financial Post.
 

Janet Yellen annonce une nouvelle hausse des taux pour combattre l’inflation

 
Comme d’autres, Chidley envisage que la Réserve fédérale puisse ne pas se limiter à une politique de manipulation des taux, pour avoir recours à des mesures plus directes afin de réduire la quantité d’argent disponible – « une sorte d’assouplissement quantitatif à l’envers » – en réduisant le volume gigantesque de 4.500 milliards de dollars d’obligations et autres titres hypothécaires qu’elle a émis dans la foulée de la crise de 2008, en réduisant son exposition à mesure qu’ils arrivent à maturation. Jusqu’à présent elle s’était contentée de les réinvestir aussitôt. Janet Yellen a en tout cas déclaré mercredi que le bilan de la Fed doit être normalisé « graduellement, avec le temps ». Cela ne se fera pas tout de suite mais l’idée est bien dans l’air.
 
Pendant ce temps, la Fed continue de jouer son rôle dirigiste non seulement pour l’économie américaine mais dans le monde entier par la répercussion de ces mesures. Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph souligne qu’elle a dû faire marche arrière plusieurs fois avant de commencer à remonter les taux par crainte des ondes de choc que cela pouvait déclencher dans le système financier mondial. Cette fois, souligne-t-il, la hausse était tellement attendue que les investisseurs ont pu se préparer.
 

La Fed entame une accélération de ses actions pour contenir l’expansion économique

 
Il décrit la Réserve fédérale comme une instance nationale qui assume à regret son statut de « superpuissance monétaire qui ne peut fixer les conditions de la liquidité pour les seuls Etats-Unis ». Cela se discute. Dans un monde globalisé, elle est au contraire investie d’un rôle exorbitant qui lui donne un pouvoir politique faramineux, et pourquoi pas désirable du point de vue mondialiste, pour jouer sur le cours des choses.
 
Soulignant que pour l’heure, tant la Chine que l’Europe que les pays émergents semblent tout à fait prêts à absorber l’onde de choc, s’il y en avait une, Evans-Pritchard tempère cela en observant que nul ne sait ce qu’il en sera lorsque les remontées d’intérêt auront encore davantage progressé. Or la Fed prévoit six remontées d’ici à la fin 2018.
 
Il concède que le taux d’1 % est « ridiculement bas » en période d’expansion économique, et contribue à faire baisser la valeur de l’épargne. Mais le journaliste souligne que les taux ne sont pas le tout de la politique monétaire : l’absence de stimulus joue aussi un rôle et il prévoit des conséquences « déflationnistes » en termes réels. Y contribuent selon lui la surcapacité en Chine, la sous-consommation en Europe, l’excès d’épargne et le manque de demande. Ainsi l’ancien secrétaire au Trésor des Etats-Unis, Larry Summers, pensent-ils que le taux « naturel » est tombé à – 3 %, signe d’une stagnation économique impressionnante.
 

La Réserve fédérale des Etats-Unis pèse sur l’économie mondiale

 
La situation reflète « le rétrécissement de la population et de la croissance de la productivité », soulignait de son côté Janet Yellen : conséquence d’une politique économique malthusienne délibérée, comme nous le disions hier ?
 
A cela s’ajoute, comme le rappelle Evans-Pritchard, la dépendance économique à l’égard du dollar dont le poids est aujourd’hui sans précédent, ce qui rend le monde entier vulnérable lorsque le coût de l’argent augmente aux Etats-Unis. La dette étrangère libellée en dollars US a triplé depuis 2002, pour atteindre 10.000 milliards.
 
« C’est le fruit de la globalisation et des politiques de la Fed du taux zéro et de l’assouplissement quantitatif : cela a déclenché un tsunami de liquidités en dollars, bon marché et irrésistibles, qui ont inondé les marchés émergents et les ont conduits à se laisser tenter par l’expérience de la dette mise en place en Occident. Ce pacte faustien se referme désormais sur la Fed et elle ne peut facilement s’en extraire », note-t-il.
 
A la différence de ce qui s’est passé en 2008, la Chine et d’autres pays émergents ne sont plus en état de résister à un tel choc, arrivant au bout les possibilités du crédit. Le rapport dette-PIB a crû de 41 % dans les pays en développement depuis 2008 et de 33 % dans les pays riches.
 

L’accélération des taux d’intérêt dans un contexte de contraction

 
« C’est un accident qui ne manquera pas de se produire », note Evans-Pritchard. La Banque centrale des banques centrales, la Bank of International Settlements redoute plus que tout une remontée du dollar capable de déclencher une nouvelle crise.
 
Le journaliste note enfin que la hausse du taux de la Fed intervient en réalité –contrairement d’ailleurs, à ce qu’a dit Yellen – alors que l’économie américaine ralentit déjà. Les prêts commerciaux concédés par les banques sont en repli depuis trois mois. Les prévisions de croissance sont à la baisse. Il paraît que Janet Yellen a réagi de manière irritée lorsqu’on lui a soumis ce point. Loin de croire à une inflation qui augmente, et l’analyste du Telegraph est persuadé que la seule inflation en cours aux États-Unis actuellement est la « stagflation » : la stagnation des prix.
 
On peut supposer que la banque centrale américaine est au courant.
 

Anne Dolhein