Alfie Evans est mort vendredi des suites d’une terrible maladie, mais aussi par le refus de juges, de médecins et de l’ensemble de la puissance de l’Etat britannique d’accéder aux demandes de son propre père qui au nom de son autorité parentale réclamait de pouvoir le changer d’hôpital, de l’emmener là où on était prêt à approfondir son diagnostic, et de lui assurer certains soins qui auraient facilité son maintien en vie. Ou, au pire, de le ramener chez lui pour qu’il meure entourée des siens, et non dans une chambre d’hôpital gardée par des policiers. Peut-être le nouveau diagnostic réclamé eût-il été plus noir que ce qu’auraient voulu ses parents, Tom Evans et Kate James. Mais cela est en réalité sans objet. Ce qui compte, c’est le traitement totalitaire qui leur a été réservé, le mépris total de leur volonté. Comme si, au nom du totalitarisme mondial, il fallait que la petite victime, Alfie Evans, fût sacrifiée à la révolte contre Dieu que représente fondamentalement cette affaire.
Soulignons d’emblée que le petit Alfie, 23 mois, souffrait d’une maladie neuro-dégénérative non « étiquetée » : on ne savait pas, ou on ne s’était pas donné la peine à l’hôpital Alder Hey de Liverpool, en Angleterre, de déterminer la nature exacte de son mal. Pour autant que l’on puisse en juger – me dit une spécialiste des soins palliatifs connue pour son combat pour le respect de la vie jusqu’au bout – Alfie avait besoin d’un respirateur artificiel pour compenser son incapacité croissante à respirer de manière autonome du fait des lésions croissantes qui affectaient son cerveau. Celui-ci commandait semble-t-il de plus en plus mal les fonctions vitales et sans cette ventilation extérieure l’enfant ne pouvait survivre longtemps, sans aucun espoir – semble-t-il toujours, faute d’avoir accès au dossier médical – de voir sa situation s’améliorer.
Alfie Evans, victime du totalitarisme mondial
Sur ce dernier point, le père d’Alfie, Tom Evans, n’était au demeurant pas d’accord, puisqu’il estimait qu’avec un diagnostic plus précis et d’autres traitements, il y avait un réel espoir pour son fils. Issue d’une famille working class (de cette classe laborieuse pour laquelle un mépris bien ancré n’a pas franchement disparu de la société britannique), Tom a quitté l’école à 16 ans pour devenir plâtrier. Mais tout montre qu’il est d’une intelligence et d’une volonté remarquables. Même le juge qui a prononcé l’arrêt de mort d’Alfie a salué la compétence avec laquelle Tom Evans a écumé la littérature médicale pour venir au secours de son fils. Il ne faut donc pas balayer cet espoir d’un revers de main, comme cela a été fait par la justice et les services socialisés de la santé en Angleterre au nom des « intérêts bien compris » de l’enfant (nous reviendrons sur cette phrase dans un article ultérieur).
Dans le cas de patients ayant subi une telle dégénérescence cérébrale, dont les fonctions vitales principales ne peuvent être soutenues et maintenues que par une machine, et dont le sort naturel serait de mourir du fait de leur maladie, la mise en place et le maintien d’une respiration artificielle ne s’impose pas absolument et il peut bien s’agir alors d’un de ces « soins extraordinaires » (pour reprendre les notions classiques mises en avant par Pie XII) que l’on peut raisonnablement arrêter. Reste cependant le fait que les soins extraordinaires, s’ils ne sont pas dus systématiquement, n’ont pas non plus à être retirés systématiquement, ce qui a été en quelque sorte le cas ici contre la volonté de l’ensemble des proches du petit garçon.
Et il est certain qu’Alfie, intubé, ne souffrait pas pour autant : il ne s’agissait pas en lui retirant son assistance de le soulager d’une douleur insupportable et sans espoir.
Ce totalitarisme mondial qui nie les droits des parents et des familles
Une fois le respirateur retiré, Alfie a continué de respirer naturellement, difficilement du fait de sa condition, mais en s’éteignant peu à peu, comme cela se passe dans ces situations lorsqu’on laisse faire la nature. De manière paisible ? Nous le saurons peut-être un jour : la presse anglaise vient de révéler que les pauvres parents du petit garçon ont essayé de le ranimer et de lui faire du bouche-à-bouche pendant une dizaine de minutes avant son décès. Puis ils se sont écroulés, épuisés, dormant à ses côtés. L’histoire ne dit pas s’il a reçu les soins palliatifs, les médicaments qui pouvaient lui éviter la sensation d’étouffement lors sa fin de vie sans pour autant abréger celle-ci. On sait que Tom en Kate ont dû se battre pour obtenir qu’Alfie reçoive de l’oxygène pour le soulager et un peu de nourriture…
On sait en revanche que l’ordre judiciaire de « débranchement » d’Alfie était assorti d’une injonction de lui injecter des produits sédatifs et analgésiques dont l’effet est de déprimer la fonction respiratoire, ce qui aurait objectivement hâté sa mort, constituant dans les faits une euthanasie à part entière. C’est la pratique qui est imposée aujourd’hui en France par la loi Leonetti-Claeys (en son article trois) qui prévoit une sédation continue et profonde jusqu’au décès au mépris de la pratique des soins palliatifs orientés vers un maintien de la conscience et le soulagement de souffrances présentes. En France, il faut le dire clairement, le petit Alfie n’aurait pas vécu bien longtemps : sous le régime actuel et comme cela se constate de manière de plus en plus courante, les patients se trouvant dans son état, qu’ils soient adultes ou enfants, reçoivent une telle sédation et meurent au plus tard dans les 24 ou 48 heures.
Dans quelle mesure Tom Evans s’est-il battu pour que cette sédation ne soit pas administrée à son fils, à la fois pour éviter que sa mise à mort ne compromette ses éventuelles chances de survie et pour lui assurer le cas échéant la grâce d’une mort naturelle, peut-être le saurons-nous un jour. Pour l’heure, il suffit de constater que la sédation terminale faisait partie intégrante du plan initial.
La révolte contre Dieu à la racine du refus de la vie d’Alfie
Pourquoi parler de totalitarisme mondial à propos d’Alfie ? Tout simplement parce que sa mort, décidée par l’autorité publique, et non sa mort naturelle acceptée ou accueillie comme inévitable par ses parents – ce qui n’eût pas été un crime, comme nous l’avons vu – est venue signifier de manière particulièrement violente et manifeste à la face du monde que dans ces cas particulièrement dramatiques, l’Etat – ou les organismes d’Etat que sont l’hôpital public ou le pouvoir judiciaire – est prêt à spolier les droits des proches lorsqu’il aura décidé qu’une vie est inutile, non productive, trop coûteuse à maintenir. Bien sûr, et en tout cas pour le moment, cela se fait sous les apparences d’une bienveillance altruiste.
Mais les masques tombent. Il en va ainsi de l’avortement et de l’euthanasie qui au cours de ces dernières décennies ont permis l’élimination d’un certain nombre de « vies futiles » par la volonté même, disait-on, des parents, des proches, ou des patients eux-mêmes : ainsi la responsabilité du crime était supposée laissée à la mère de l’enfant porteur d’une malformation génétique ou au cancéreux qui ne supportait plus sa douleur. Cela permettait d’échapper à l’accusation d’eugénisme d’Etat ou de suppression des plus faibles par la collectivité.
Cette étape est désormais franchie, avec une candeur effrayante : du côté de l’avortement, ce sont tous les efforts déployés pour dépister les non conformes dans le cadre des services sanitaires nationaux, avec en outre la forte pression sociale et médicale pour ne pas faire naître des handicapés. Du côté de l’euthanasie, c’est l’affaire Alfie (il y en a eu d’autres avant lui au Royaume-Uni), l’affaire Vincent Lambert, et bien d’autres cas semblables dans le monde qui souvent font beaucoup moins de bruit parce que les proches des patients ne se révoltent pas.
Alfie Evans, baptisé et confirmé
Il me semble qu’il n’est pas indifférent que le petit Alfie soit né de père catholique (sa mère Kate est baptisée elle aussi, mais semble-t-il au sein d’une Eglise protestante). Voilà un couple bien dans l’air du temps. Ils se fréquentent depuis un bon moment déjà sans être mariés lorsque Kate, probablement encore mineure à l’époque, apprend qu’elle est enceinte de son petit ami, 18 ans à peine. Folle de joie (à ce que raconte une de ses amies de toujours) elle apporte le résultat du test de grossesse. Ce qui dans notre monde d’aujourd’hui ce serait neuf fois sur dix soldé par un avortement est accueilli comme un événement heureux. Tous deux issus de familles très nombreuses, Tom et Kate reçoivent l’entier soutien des leurs : c’est un nouveau petit cousin qui arrive, tout le monde est dans la joie et on trouve de quoi loger et accueillir l’enfant. Ils sont aux antipodes de la nouvelle (et fausse) moralité qui refuse de considérer tout nouvel être humain comme un bien en soi, et la vie comme un don inestimable dont l’homme n’est pas maître.
Cela fait sans aucun doute partie des raisons pour lesquelles Tom et Kate ont encouru la haine de « l’établissement ». Ils n’étaient pas seulement les petits, les sans-grades qu’il fallait briser, ils sont dans leur être même un signe de contradiction. Et le message est d’autant plus clair qu’il est adressé à des croyants convaincus : » Votre enfant ne vous appartient pas, nous n’avons que faire de vos croyances et de vos droits. Il est à l’Etat. Vous ne décidez pour lui que pour autant que vous respectez son diktat. »
C’est exactement la même chose qui se met en place de plus en plus visiblement dans le domaine de l’éducation des enfants, que ce soit à travers les écoles d’Etat, la surveillance de celles qui ne le sont pas et la mise en place de programmes obligatoires d’endoctrinement dans les domaines de l’éducation sexuelle, de l’idéologie du genre ou de la lutte contre le changement climatique.
La victime sacrifiée par la négation de son humanité
Il faut dire en outre que le petit Alfie était un « client » idéal. Décrit par la presse comme étant en état « semi-végétatif » (c’est-à-dire ayant au moins un minimum de conscience), on a aussi entendu dire qu’il était en état de « mort cérébrale ». C’est cette dernière description qui a été favorisée par l’hôpital, le juge et les médecins dans la mesure où ils ont soutenu qu’Alfie n’avait aucune perception du monde extérieur. Ses parents étaient d’un avis contraire, tout comme leurs proches et l’incroyable « Alfie’s Army » qui regardaient les vidéos du petit et observaient ses mouvements, ses mimiques, et ce qui ressemblait fort à des réactions délibérées de sa part. Comme les parents de Vincent Lambert, ils ont toujours affirmé qu’ils percevaient des communications de la part de leur enfant. Mais dans notre triste XXIe siècle, cela est aussi niés par les médecins.
Mais pas tous. Des médecins étrangers ont estimé qu’il y avait encore quelque chose à faire pour Alfie – et pas seulement à la clinique du Bambino Gesù qui était prête à l’accueillir. Le Dr Izabela Pałgan, pédiatre et spécialiste en oncologie à Bydgoszcz en Pologne, a ainsi publiquement déclaré, quelques jours avant le décès d’Alfie, qu’au moment où était prise la décision de le débrancher il n’était certainement pas « mourant ». Sur l’échelle des comas pédiatriques de Glasgow, elle l’évaluait à huit ou neuf points : « Ce n’est pas un cas de mort cérébrale. L’enfant réagit à la voix de son père et ouvre régulièrement les yeux ; il serre également régulièrement la bouche lorsqu’on lui donne une tétine, et ainsi, il fait preuve de réactions. »
Mais quoi qu’il en soit de la mort cérébrale ou non, l’affaire Alfie a souligné de manière douloureuse à quel point la médecine moderne a réduit la définition de la vie humaine à celle d’une vie supposée consciente : lorsque son cerveau est abîmé, l’homme ne vaut plus rien, et on pourrait en disposer à sa guise, sa vie n’étant plus qu’une apparence – encombrante qui plus est.
Pour ce qui est de l’âme, on n’en parle plus. La mort n’est plus le moment où l’âme quitte le corps, lorsque toutes les fonctions vitales étant arrêtées, le corps se transforme si manifestement en cadavre. On l’a définie autrement pour mieux pouvoir la provoquer si on le juge opportun.
Dans le cas d’Alfie, c’est manifeste, on considérait sa vie sans valeur et tout au plus tolérait-on l’agitation provoquée par ses parents en insistant lourdement sur l’idée que de toute façon, leur garçon n’avait aucune conscience de ce que Tom et Kate faisaient pour lui.
Enfant baptisé lorsque sa santé a commencé à se détériorer, Alfie a été confirmé quelque jours avant sa mort par les soins d’un prêtre venu au secours de cette petite famille en pleine tourmente : le prêtre a depuis été rappelé à Londres par la hiérarchie catholique anglaise (dont il faudra reparler aussi à l’occasion) et devrait être sanctionné en étant envoyé dans un pays de mission. Mais lui, justement, a pris soin de cette petite âme innocente et au-delà, des âmes de ses parents.
Et depuis la mort d’Alfie, sa page Facebook foisonne de rappels que son âme est immortelle, de références à Dieu, au Bon Pasteur. Mgr Luigi Negri lui a rendu « les honneurs de la guerre » dans une vidéo bouleversante. Dieu a fait son retour dans la société, au moins chez les gens simples, de manière spectaculaire grâce à Alfie. Alfie, petit saint au ciel, qui n’a pas eu le temps de faire le mal et qui a reçu la marque du baptême et celle du Saint-Esprit…
Face à un acharnement véritablement infernal pour obtenir sa mort et nier les droits de ceux qui lui ont donné la vie charnelle, il porte un message.
Un message dont nous reparlerons, tant est crucial ce point de basculement dans le Meilleur des mondes, et cette inversion de la morale et de l’éthique qui caractérise nos sociétés qui se sont dressées contre Dieu.