Un jeune garçon dont les parents avaient bataillé en vain devant la justice britannique afin qu’il puisse continuer de bénéficier de l’assistance respiratoire qui le maintenait en vie a survécu contre toute attente – en tout cas celle des juges et des médecins – après avoir été « débranché » et a pu retourner chez lui. Le magistrat qui avait ordonné l’arrêt des soins, le juge Poole de la Haute Cour de Londres, vient de rendre une nouvelle décision revenant sur celle qui autorisait le corps médical à s’abstenir de le réanimer et à lui refuser certains traitements. Le petit garçon, 4 ans, n’est certes pas guéri, mais il n’a plus besoin d’interventions lourdes et fait des progrès.
L’affaire est emblématique à plus d’un titre. Elle est significative de la prise de pouvoir collective sur la vie d’une personne humaine, envers et contre la volonté de ses proches, dans un cadre où c’est finalement l’Etat, à travers le pouvoir judiciaire, qui s’arroge un droit de vie et de mort sur un être vulnérable, au mépris de toute considération morale et religieuse, et sans respect pour le droit premier des parents vis-à-vis de leur progéniture.
Tout a commencé lorsque Mme R apprit qu’elle était enceinte d’un enfant porteur d’un important handicap congénital. Elle et son mari, profondément catholiques, refusèrent sans hésiter l’avortement « médical » qui leur était proposé à la suite de l’échographie qui révélait les anomalies dont étaient porteur leur enfant. « Ils m’ont dit que cela ne leur était jamais venu à l’esprit », devait noter le juge dans la première décision de refus de maintien de l’assistance respiratoire : « Ils pensaient alors, et pensent encore aujourd’hui, que NR est un don de Dieu. Il a embelli leur vie. Sa vie a un sens et a donné un sens à la vie des autres, y compris la leur. »
Une première fois, le petit « NR » échappait à la mort organisée par le système.
Handicapé de naissance, l’enfant qui devait mourir a survécu
C’est en 2023 que le jeune garçon, aveugle et sourd, subit une infection cérébrale qui aboutit à deux crises cardiaques, obligeant à le placer sous respirateur artificiel. Bientôt, les médecins du système de santé étatisé du Royaume-Uni, la NHS, décidèrent que les soins prodigués à l’enfant constituaient pour lui (mais aussi pour le système de santé) un « fardeau » démesuré. Nous sommes en janvier 2024.
Les parents, qui n’avaient jamais cessé d’entourer leur fils d’affection ni des meilleurs soins qu’ils pouvaient lui donner, firent tout leur possible pour défendre sa vie, mais comme dans des cas semblables en Grande-Bretagne, il leur fut même refusé de faire des démarches pour l’emmener en Italie où une clinique vaticane pouvait accepter de le soigner. Ils eurent beau protester contre une décision d’« euthanasie », répéter que leur fils était « un cadeau du bon Dieu » et qu’il est « totalement contraire à l’éthique de provoquer délibérément sa mort », le juge Poole ne voulut rien entendre.
« Quand des interventions médicales d’une telle ampleur sont nécessaires pour maintenir un enfant en vie, il peut arriver un moment où les inconvénients de ce traitement l’emportent sur les avantages qu’il apporte à l’enfant, à tel point qu’il convient de lui épargner ce traitement et ses inconvénients, même si sa vie cessera probablement plus vite que si l’on continuait à le lui prodiguer. Il n’est pas “forcé à mourir” mais il ne devrait pas être “forcé à vivre” et on peut le soulager du fardeau du traitement, et le “laisser mourir” », affirmait sa décision.
Un ventilateur débranché, est-ce une euthanasie ?
La question qui se pose est évidemment celle des soins extraordinaires que l’on peut interrompre et des soins ordinaires qui sont toujours dus (nourriture, hydratation, hygiène, vêtements…). Mais le raisonnement du juge, faisant écho à celui des médecins, ne s’est pas placé exactement sur ce terrain-là, affirmant plutôt qu’il était contraire à l’intérêt bien compris de l’enfant de recevoir un traitement lui permettant de vivre, y compris en Italie, et quoi qu’en pensaient ses parents.
En cas de désaccord entre les parents et le corps médical, le système britannique donne au juge un pouvoir déterminant, et tout le problème est là. En l’espèce, il a été jugé en avril dernier que les inconvénients des traitements permettant à l’enfant de vivre « dépassaient de loin, de très loin » les avantages. Le juge Poole reconnaissait ce faisant que son jugement, rendu « avec une grande tristesse », allait « à l’encontre des croyances et des désirs les plus profonds » de M. et Mme R.
L’enfant a donc été débranché de son assistance respiratoire en avril dernier. Mais contre toute attente, ce garçon « remarquable » comme le décrit désormais le juge Poole n’est pas mort, et depuis lors, a fait des progrès au fil des mois de telle sorte qu’il se passe de cathéter et de sonde urinaire, est nourri par intraveineuse et respire normalement.
L’enfant débranché a déjoué toutes les attentes médicales
« Il a déjoué toutes les attentes médicales et son cas souligne la maxime selon laquelle “la médecine est une science de l’incertitude et un art de la probabilité” », affirme désormais le juge, qui avoue avoir « réfléchi avec anxiété » au sujet de la décision qu’il avait prise en avril, sans toutefois la renier puisqu’il estime qu’elle était « justifiée » par les éléments dont il disposait.
La mère de l’enfant a réagi avec vigueur : « Notre argument principal est que les statistiques ne sont d’aucun secours. Il serait plus honnête de la part des médecins de reconnaître qu’il s’agit d’un individu que la science médicale ne comprend pas vraiment et que cela n’est pas une bonne base pour prédire ce dont ce petit garçon compliqué et capable. Il a survécu alors que les médecins et les infirmières qui l’ont soigné pendant des mois pensaient qu’il ne vivrait pas. Il a le droit de vivre. Il nous semble que sa volonté de vivre est forte et que sa vie est bonne. »
Dans sa décision, sollicitée par les parents, de lever les limitations au traitement qu’il avait imposées en avril, le juge Poole affirme qu’il existe désormais des éléments qu’il est capable de « trouver du plaisir à vivre à la maison avec ses parents » – être emmené au parc, « profiter de la sensation du soleil sur son visage et du vent dans ses cheveux », dit le juge – comme si ce plaisir était ce qui justifiait la vie… Mais il a également déclaré qu’il était difficile de comprendre comment l’enfant avait réussi à contredire les prévisions des professionnels de la santé qui l’ont soigné.
Peut-être s’agit-t-il d’un miracle obtenu par les prières de ses parents…