La Cancel Culture et le mouvement woke ne viennent pas de Black lives matter, ils ne sont pas nés dans les ghettos noirs des années 2010, mais sont issus d’un long processus de dénigrement de l’Occident blanc et chrétien qui touche à la fois l’histoire, l’art et la littérature : dès les années 1990, il s’est manifesté à la fois dans la repentance prêchée par Rome, dans la censure de chefs d’œuvres classiques, Shakespeare en tête, et dans le théâtre ou l’opéra « revisités » par les mises en scène ou accompagnés « d’avertissements » au public par les responsables des salles. Cette longue croisade visant à « l’inclusion » arc-en-ciel de toutes les « diversités » (raciale d’abord mais très vite aussi « genrique »), touche aujourd’hui Turandot, ce monument de Puccini que le Met, le grand opéra de Manhattan, programme cette année en l’assortissant d’une notice faisant toute réserve sur son contenu politique.
Shakespeare première cible de l’arc-en-ciel
On en a maintenant l’habitude. On ne peut plus rêver sur les falbalas et les malheurs de Scarlett O’Hara sans qu’un avertissement ne barre le DVD d’Autant en emporte le vent pour vous mettre en garde contre les « stéréotypes racistes » d’une œuvre à recontextualiser d’urgence. Et tout à l’avenant. La première censure de Shakespeare remonte à 1994 si ma mémoire est bonne, elle concernait Le marchand de Venise, mais depuis le grand Will s’est fait épingler je ne sais combien de fois, pour Othello, bien sûr, mais aussi Falstaff, terriblement incorrect, etc. Rien ne doit surprendre dans une société où l’on déboulonne Louis XIV, Voltaire et Victor Schoelcher de leur socle, et où les universités anglaises sont priées d’ôter les bustes de Blancs trop nombreux dans leurs niches aux yeux des nouveaux (et sensibles) étudiants qui les fréquentent.
Turandot au pilori du Met
Quant à l’opéra, on croyait avoir touché le pire voilà vingt ans devant certaines « relectures » de Mozart ou Wagner, mais ce n’était rien auprès d’aujourd’hui. Le pauvre Rameau et ses Indes galantes ont été d’abord montrées du doigt, puis ce fut au tour de Puccini. En 2022, à Londres, le Royal Opéra House avait retaillé à sa manière Mme Butterfly, où l’on voit beaucoup un Japon qui n’est plus aux normes du politiquement correct, afin qu’il soit « plus en phase avec le contexte historique de l’histoire ». Aujourd’hui, c’est au tour de Turandot, qui se passe en Chine, une Chine de fantaisie imaginée par le librettiste et Puccini. Christopher Browner, qui est là-bas une sorte d’immense sous-sommité, a écrit le plus sérieusement du monde que Turandot « regorge de contradictions, de distorsions et de stéréotypes raciaux ». En déplorant que « de nombreux spectateurs d’origine chinoise aient du mal à voir leur propre héritage être récupéré, fétichisé ou dépeint comme sauvage, assoiffé de sang ou arriéré ».
Opéra, préjugés politiques et diversité obligatoire
Dame oui, les spectacles, pièces, films, opéras, regorgent de contradictions, d’erreurs, de types et stéréotypes, et tout cela reflète l’époque et la société qui les produit ! Tendons nos rouges tabliers, il pleut des vérités premières ! En raisonnant comme le Met, c’est tout le spectacle du monde, toute la littérature, y compris contemporaine, qu’il faudrait assortir d’un avertissement. Surtout contemporaine, car ce ne sont pas les préjugés d’hier qui tuent, c’est ceux d’aujourd’hui. Mais au Met, on se soucie peu de cohérence ni de salubrité intellectuelle, on poursuit un objectif politique en phase avec la révolution arc-en-ciel. Voilà trois ans, le Metropolitan Opera a engagé une « directrice de la diversité » en la personne de Marcia Sells, qui s’est donné pour priorité de lancer « un plan de diversité, d’équité et d’inclusion ». Là-bas, il faut croire au covid, au réchauffement du climat par l’homme, et chasser le mâle blanc hétérosexuel.