Il paraît que l’Union européenne renonce au tout-électrique en 2035 : ainsi l’annonce la presse et ce n’est pas tout à fait faux. Retenez cependant vos soupirs de soulagement : ce n’est qu’un maigre aménagement de l’interdiction prévue de la vente de nouveaux véhicules thermiques ou hybrides en 2025 mise en place par l’UE au nom du « net zéro ». La Commission européenne a décidé, mardi, d’imposer à l’industrie automobile de réduire de 90 % les émissions de CO2 de leurs ventes par rapport aux niveaux de 2021, et de « compenser » les 10 % restantes, pour arriver quand même à « décarboner » à 100 %.
Dans la pratique, cela veut dire que les constructeurs pourront en effet continuer de vendre des voitures thermiques ou hybrides, mais en nombre limité et en utilisant de l’acier à moindre « empreinte carbone » d’origine européenne (qu’il faudra donc prouver) et en favorisant les e-carburants synthétiques ou les biocarburants (y compris l’huile de friture ?).
L’UE renonce au tout électrique mais alourdit les contraintes
Ce modeste assouplissement aura tout de même pour effet, selon Guillaume Arnauné, commissaire-priseur, de peser sur les prix dans le secteur du neuf mais aussi de l’occasion, où les prix des voitures thermiques est aujourd’hui déjà boosté par la perspective de l’invasion électrique – au demeurant largement au profit de la Chine, qui en septembre dernier atteignait 7,4 % de parts de marché avec des produits nettement moins chers que ceux des constructeurs européens. D’autant que la Chine peut les fabriquer sans contraintes en recourant aux « énergies fossiles », pour ensuite les promener d’un bout à l’autre du monde sur des cargos qui à leur tour crachent du CO2 à l’envi. Elle représente déjà 38 % du marché mondial, profitant de la « transition électrique » qui pèse si gravement sur les constructeurs traditionnels.
Quoi qu’on pense du CO2 (qui n’est pas un « polluant » mais nécessaire à la vie), on voit là que celui-ci n’est pas vraiment l’élément majeur de l’équation. Pour les constructeurs européens, un « assouplissement » qui impose autant de nouvelles règles et de complications est simplement une variante un tantinet moins lourde de la politique qui, de fait, les étrangle depuis longtemps et qu’on n’abandonne pas dans le principe.
Le petit desserrage européen en dit long sur les véritables attentes des acheteurs, cependant. « Beaucoup d’acheteurs ont été contraints d’abandonner le diesel faute d’offre. S’ils anticipent son retour, certains préféreront attendre plutôt que d’acheter un hybride ou un électrique aujourd’hui », selon Guillaume Arnauné.
L’industrie automobile de l’UE à la peine
Ce sont l’Allemagne et l’Italie qui ont le plus fortement réclamé un retour en arrière par rapport aux objectifs de 2035, au nom de la « neutralité technologique », alors que la France et l’Espagne appelaient l’UE à dévier le moins possible de la voie tracée du « pacte vert ». Le maintien de l’objectif de « décarbonation » à 100 % donne plutôt raison aux derniers.
L’interventionnisme européen demeurera fort : la Commission a annoncé mardi des mesures de soutien à l’électrification (qui paiera ?) et d’encouragement au prétendu « verdissement » des flottes d’entreprises avec des aménagement selon la taille des entreprises et les pays. Le commissaire Stéphane Séjourné, tout fier de son plan, en est même arrivé à annoncer la mise en place d’une « préférence européenne » dans l’automobiles… qui consistera tout simplement à obliger les industriels bénéficiant de financements publics de se fournir en composants fabriqués en Europe.
La Commission promet également l’octroi de supercrédits pour la construction de petits véhicules électriques, et Bruxelles s’engage même à « réduire au maximum » l’introduction de nouvelles obligations réglementaires (la pire des tortures pour les fonctionnaires de l’UE) pendant dix ans pour ces voitures de moins de 4,20 mètres. Il paraît que Renault et Peugeot en sont contents. Pour les voitures familiales, on repassera.
Laissons pour une fois le mot de la fin à un eurodéputé « centriste » de Renew, Pascal Canfin : « Ce n’est pas un changement de cap. » Pour lui, les voitures thermiques seront cantonnées après 2035 dans un segment « premium, voire de luxe ». Les petites gens devront se contenter du tout électrique tout en engraissant, toujours et encore, la Chine.











