Theresa May a de nouveau été mise en difficulté mardi sur le front intérieur pour les négociations avec Bruxelles sur les conditions du Brexit. Le parlement écossais, dominé par les indépendantistes du Scottish National Party (SNP), a en effet refusé à une large majorité (93 voix contre 30) d’approuver le projet de loi sur la sortie de l’UE. La dispute entre Edimbourg et Londres porte officiellement sur l’attribution des compétences qui seront rapatriées depuis Bruxelles après le Brexit. Si Westminster peut en théorie se passer de l’approbation du parlement d’Ecosse, il n’est pas inutile de rappeler que, en 2016, le secrétaire d’Etat SNP chargé du Brexit au sein du gouvernement écossais avait affirmé que l’Écosse, en plus de chercher à récupérer un maximum des compétences revenant de Bruxelles, resterait dans le marché unique même si ce n’est pas le cas pour l’ensemble du Royaume-Uni. Aujourd’hui, la ministre SNP chargée du tourisme et des affaires extérieures au sein du gouvernement écossais estime que les négociations portant sur le statut de l’Irlande du Nord après le Brexit montrent que Londres est prêt à accepter des différences régionales qui pourraient s’appliquer aussi à l’Ecosse. Le gouvernement écossais considère en effet que l’impact supposé négatif du Brexit sera moindre pour l’économie de la région si celle-ci reste dans une union douanière avec le reste de l’UE.
En Ecosse, les indépendantistes demandent une union douanière avec l’UE plutôt qu’avec le reste du Royaume-Uni après le Brexit
En outre, en raison de sa population vieillissante, l’Ecosse voudrait continuer d’accueillir les immigrants de l’UE qui souhaiteraient s’y installer, ce qui est justement une des exigences de l’UE pour un accès du Royaume-Uni au Marché unique européen. Mais c’était un des enjeux majeurs du référendum de 2016 sur la sortie de l’UE. Theresa May doit donc avoir en tête que ses concessions sur l’Irlande du Nord auront un impact direct sur les exigences écossaises. L’objectif poursuivi par Londres est d’éviter le rétablissement des contrôles à la frontière entre l’Ulster et la République d’Irlande afin de respecter l’Accord du Vendredi Saint.
L’UE, de son côté, se sert de cet impératif pour tenter d’imposer le maintien de tout le Royaume-Uni dans l’union douanière et donc empêcher Londres de recouvrer sa pleine souveraineté, en lui imposant un statut proche de celui de la Norvège ou de la Suisse. Mais au sein de son gouvernement et de sa majorité – qui dépend des voix des eurosceptiques dirigés par Jacob Rees-Mogg mais aussi des voix unionistes d’Irlande du Nord (DUP) –, toutes les propositions de Theresa May qui s’apparenteraient au maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE ou à une remise en cause de l’union entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord sont fortement contestées.
Les exigences écossaises ne peuvent que pousser Londres à plus d’intransigeance sur la question de l’Irlande du Nord instrumentalisée par Dublin et Bruxelles
Dans ce jeu dangereux qui pourrait se solder par l’absence de tout accord, ce qui serait une mauvaise solution aussi bien pour les Européens que pour les Britanniques, le gouvernement de la République d’Irlande joue un rôle de premier plan. Il met en effet à profit le soutien de l’UE pour tenter, à l’occasion du Brexit, de pousser le Royaume-Uni à dresser une barrière au milieu de la mer d’Irlande dans le but d’éviter le rétablissement des contrôles douaniers sur l’île, avec le risque que cela comporterait pour le processus de paix. Pour Jacob Rees-Mogg, partisan d’un vrai Brexit (sans union douanière avec l’UE), le chantage exercé par le gouvernement de Leo Varadkar ne respecte pas l’Accord du Vendredi Saint, en vertu duquel ce sont les Nord-Irlandais eux-mêmes qui doivent décider de leur avenir, et le gouvernement irlandais doit savoir que les Britanniques, s’ils sont acculés, choisiront le maintien de l’unité du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
De fait, le vote de mardi au parlement écossais ne peut que pousser Londres à encore plus d’intransigeance sur la question de l’Irlande du Nord. La Commission européenne et son négociateur Michel Barnier devraient en tenir compte pour éviter un fiasco des négociations, sauf si leur but n’est pas de défendre les intérêts des citoyens de l’UE mais plutôt de faire payer cher aux Britanniques leur décision de quitter l’UE, quelles que soient les conséquences de cette politique du pire.