Avide de pétrole, la Chine investit toujours plus en Angola communiste : les dissidents n’ont rien à dire

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Quand le pétrole représente 96 % de vos exportations nationales et que son prix réduit de moitié, le trou est grand dans vos finances. La troisième économie de l’Afrique subsaharienne fait les frais de cette conjoncture économique. Et l’Angola se tourne une fois de plus vers son « sauveur » coutumier, le pays qui a dit « oui » pour l’aider au sortir de la guerre civile en 1979, « oui » pour investir en échange de la précieuse manne pétrolière et « oui » parce que leurs semblables racines communistes les rassemblaient : la Chine.
 
Début juin, le président angolais José Eduardo dos Santos a effectué son premier déplacement officiel à Pékin depuis sept ans. Une « nouvelle impulsion » sera donnée aux relations bilatérales qui va se chiffrer, de nouveau, en milliards de dollars… Et les Angolais, aux abois et qui le disent – les dissidents – n’ont qu’à aller en prison.
 

Pétrole angolais contre infrastructures chinoises

 
En début d’année, l’Angola, qui produit 1,7 million de barils de pétrole par jour – en 2016, il pourrait devenir le premier producteur du continent – a vu son budget diminuer d’un quart en raison de l’effondrement du marché. Son activité économique est plombée, sa monnaie se dévalorise. Luanda aurait besoin à nouveau de 25 milliards de dollars… qu’elle va aller chercher du côté de la Chine.
 
Depuis 2004, les échanges entre les deux pays connaissent une croissance exponentielle. Dès le début, le marché a été le suivant : du pétrole angolais contre des infrastructures réalisées in situ par des entreprises chinoises. Près de la moitié de ce brut africain part en Chine, via des sociétés (China International Fund CIF et China Sonangol). En contrepartie, ces dernières s’engagent à financer et à faire réaliser des milliers de kilomètres de routes, des chemins de fer, un aéroport, deux ports maritimes, des hôpitaux et des centaines de milliers de logements – soit des lignes de crédit avoisinant aujourd’hui les 40 milliards de dollars (plus du quart des investissements chinois en Afrique).
 

Angola : son président communiste – qui se ressemble, s’assemble

 
Le gouvernement angolais n’en finit plus de chanter les louanges du puissant allié. D’autant que les bailleurs de fonds occidentaux habituels s’étaient, eux, au sortir de la guerre, retenus. « A l’époque, ni les Américains, ni les Européens n’ont voulu nous aider. Seule la Chine a répondu à notre appel et elle l’a fait avec force », rappelle le président d’une société de Chemin de fer.
 
Et pour cause : la violente guerre civile qui déchira le pays après le départ des Portugais en 1975, pendant vingt-sept années – un million de victimes – fut « remportée » in fine par le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), financé et équipé par l’Union soviétique et Cuba…
 
Son président était le vieux communiste José Eduardo Dos Santos : il l’est toujours, tenant ferme les rênes d’un pouvoir dictatorial depuis 36 ans… Le pays est classé 157e sur 176, selon le classement de Transparency International sur la perception de la corruption. Ce qui n’ a jamais vraiment gêné la Chine : ses intérêts concordaient avec les siens.
 

Dissidents : ce qu’en disent les Angolais, dans la misère

 
Seulement, l’affaire est autre, vue du point de vue des Angolais qui voient passer les dollars au-dessus de leurs têtes sans jamais parvenir à en toucher. Le nouveau prêt signé le mois dernier avec la Chine les a mis une énième fois en colère : politiciens et dirigeants chinois se partagent un butin qui ne rentre pas dans l’économie réelle, laissant des millions de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour. « Les accords avec la Chine sont avantageux pour eux et le président, mais pas pour nous » affirment-ils (la Banque mondiale classe le pays 169e sur 175 en termes d’égalité de revenus).
 
Mêmes les infrastructures construites ne sont pas toujours à leur profit : à trente kilomètres de la capitale, se dresse une immense ville fantôme dont les appartements n’ont pas trouvé acquéreur, trop chers pour cette population qui ne connaît pratiquement pas de classe moyenne… De plus, en l’espace d’une décennie, les nécessaires ouvriers et personnels chinois (plus de 300.000) ont déferlé sur le pays, ne cherchant pas particulièrement à engager des travailleurs locaux et apportant aussi la concurrence de leurs produits très bon marché.
 
Les deux populations ne se mélangent aucunement. Le ressentiment grandit – les enlèvements et les agressions se multiplient. D’après le Centre de coordination pour les droits de l’homme de Luanda, on assiste à l’émergence d’un « processus de discrimination durable ». Le 20 juin dernier, c’est plus d’une douzaine de personnes qui ont été arrêtées pour troubles à « l’ordre et la sécurité publique ». Quelques jours auparavant, un groupe indépendantiste régional appelait la Chine à rapatrier tous ses citoyens de la région, sous peine de « sévère punition »…
 

La Chine : du néo-colonialisme ?

 
Dans quelle mesure le gouvernement angolais écoutera-t-il cette dissidence qui prend de l’ampleur ? Beaucoup, y compris en Europe, fustigent le rôle de Pékin, le jugeant néo-colonial. Cinquante entreprises d’État chinoises ainsi que quatre cent entreprises privées opèrent en Angola, s’accaparant en théorie 30 % du marché du travail angolais, ce qui est déjà énorme – dans la pratique, davantage. « Les Chinois seront toujours les maîtres, les Angolais les petites mains », se plaint un chauffeur de taxi…
 
De plus, si « l’arrivée des Chinois a permis la reconstruction éclair du pays, reconnaît un professeur d’économie, elle pose aussi de nombreux problèmes, notamment sur la transparence des contrats. On n’en connaît pas les montants, ni les conditions. Il n’y a, par exemple, pas de véritable appel d’offres ce qui renchérit le coût des travaux. » On sourit quand on entend le Premier Ministre chinois parler d’« aide »… Nul doute que ses intérêts y sont – et pas petits.
 
Mais d’autres pays tournent autour de ce duo chinafricain – François Hollande a fait récemment un petit tour à Luanda – en particulier les États-Unis, aujourd’hui deuxième partenaire commercial de l’Angola. L’Afrique connaît décidément une autre colonisation, menée de concert par les forces post-communistes et progressistes.
 

Clémentine Jallais