En Chine, le contrôle des religions devient plus serré, selon le sociologue Richard Madsen

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Dans un entretien accordé à AsiaNews, le sociologue bien connu de l’université de San Diego, Richard Madsen, se penche sur l’attitude de la Chine communiste à l’égard des religions. Le parti communiste central n’a pas changé d’attitude depuis 30 ans, sinon pour mettre en place un contrôle plus serré, alors que les nouvelles directives de Xi Jinping reprennent largement celle de Deng Xiaoping tout en y ajoutant de nouveaux accents « nationalistes », affirme l’universitaire.
 
La pratique religieuse augmente en Chine depuis de longues années. Ce fait était au centre d’une conférence qui s’est tenue en juillet à San Diego et qui a abouti au constat d’une augmentation concomitante de la surveillance des pouvoirs publics sur les différentes confessions, frappant plus lourdement encore le christianisme. Deux lignes de force définissent la politique communiste actuelle : les religions en Chine doivent être « chinoises », et elles doivent s’intégrer dans la « société socialiste » sous la direction du parti communiste. Ce sont là les instructions précises données en 2015 par Xi Jinping.
 
L’an dernier, le président et chef du parti communiste chinois devait redire à quel point le contrôle des religions est important, à la fois pour assurer « la sécurité de l’État et l’unification de la nation ».
 

En Chine, le contrôle des religions frappe le plus les chrétiens

 
Dans son entretien avec AsiaNews, Richard Madsen commente cette réalité en se penchant en particulier sur les nouvelles réglementations de la vie religieuse publiées en septembre. Rappelant que dès l’institution du régime communiste en 1949, le pouvoir avait cherché à supprimer toute activité religieuse, et que cette persécution avait atteint des sommets de violence avec la Révolution culturelle, le Pr Madsen souligne que cette politique a été assouplie avec « l’ère des réformes » en 1979 au motif que la persécution était « contre-productive », poussant les croyants à pratiquer davantage.
 
« La dernière politique en date consiste à reconnaître que les religions existent encore mais qu’elles doivent être strictement contrôlées, et ce au nom de la croyance selon laquelle tôt ou tard, les groupes confessionnels finiront par s’éteindre à mesure que la modernisation de la Chine avancera », estime le professeur.
 

Le sociologue Richard Madsen explique les choix de la Chine communiste

 
La liberté toute relative laissée aux croyants ne vise donc pas du tout à respecter leur foi mais à la vider progressivement de son contenu. Mais il précise :
 
« Dans le même temps (les religions) doivent être maintenues sous contrôle et obliger à agir à l’intérieur de frontières étroites. C’est cette politique qui a donné lieu au document n°9 du comité central du parti communiste chinois en 1982, et qui délimitait ce cadre général. Aujourd’hui, il s’avère qu’il y a beaucoup plus de religions que celles qu’il pensait devoir contrôler. Pour faire court, ces 20 dernières années des millions de temples ont été reconstruits. Des communautés religieuses, qu’elles soient chrétiennes, bouddhistes ou même vouées au culte du dollar, ont énormément progressé. Ainsi, la politique est pleine de politique religieuse. La politique d’origine reposait sur l’idée que la religion allait mourir de sa belle mort tôt ou tard, selon la mentalité marxiste-léniniste, mais cela n’a pas fonctionné. Et donc il y a plusieurs religions qu’ils ont déjà essayé de mettre sous contrôle. C’est aussi la raison pour laquelle ils ont changé leur politique. Dans le même temps, au cours de ces derniers 5 ou 10 ans, quelque chose de nouveau marque l’idéologie du gouvernement chinois : l’accent mis sur le “nationalisme”. Jadis le gouvernement de Mao recevait sa légitimité du marxisme et du léninisme. Aujourd’hui, le langage marxiste-léniniste existe encore, est encore utilisé et reste officiellement en vigueur, mais cette reconnaissance ne suffit pas. Le parti a désormais de nouvelles fonctions : c’est un parti révolutionnaire, mais le président Xi Jinping le qualifie de “parti dirigeant”, qui a besoin d’un fondement qui le légitime. Le nouveau fondement de ce soutien est le nationalisme, la grande histoire glorieuse de la civilisation chinoise, de son peuple, ce qui comprend une partie de son héritage religieux. A cause de cela, certains aspects de cet héritage – les enseignements de Confucius, certains aspects de la religion populaire – sont aujourd’hui redéfinis en tant qu’“héritage culturel intangible”. Naguère, on les appelait les “superstitions féodales”. Aujourd’hui, s’agissant d’un héritage culturel, les voici devenues partie intégrante de la sagesse du peuple chinois. C’est ce qui explique la nouvelle tolérance à l’égard de ses aspects et le fait que le confucianisme est désormais invoqué comme base majeure et fondation morale de la Chine », explique Richard Madsen.
 

Contrôle serré des religions : elles doivent être nationales, et socialistes…

 
C’est le même point de vue qui justifie une méfiance accrue à l’égard des religions non traditionnellement chinoises, souligne-t-il :
 
« Dans le même temps, d’autres types de religions ne sont pas envisagés comme faisant parti du glorieux héritage historique de la culture chinoise : c’est le cas pour le christianisme et l’islam. Ces religions sont donc considérées avec suspicion et surveillées de près. En ce moment, il y a une espèce de politique mixte. (…) La direction générale prise par le gouvernement est sur la même ligne que celle touchant d’autres aspects de la société chinoise : resserrer le contrôle, tout soumettre au contrôle centralisé, surveiller, supprimer toute chose considérée comme représentant une menace potentielle pour l’Etat chinois. Cela aboutit à un contrôle accru de la sphère religieuse. »
 
Et c’est le moment que choisit le Vatican pour se rapprocher du gouvernement central communiste chinois dans ses négociations sur l’Eglise clandestine et sur l’Eglise nationale de Chine agréée par le pouvoir…
 

Anne Dolhein