Un éditorial signé Ramakrishna Velamuri dans le Global Times, source chinoises anglophone contrôlée par le pouvoir communiste central, appelle la Chine à s’intéresser au gisement de talent que constitue sa voisine méridionale, l’Inde – pays des bas coûts et des opportunités commerciales.
Alors que la Chine se lance de plus en plus dans l’innovation et remplit magnifiquement ses objectifs nationaux – assure l’éditorialiste – il s’agirait pour elle de se rapprocher de l’Inde. Certes, la Chine connaît déjà le potentiel du marché économique en Inde et l’exploite avec application, au point que 50 % des Smartphones vendus dans le pays sont de marque chinoise.
« Cependant, les sociétés chinoises n’ont pas encore exploité la ressource la plus précieuse de l’Inde – son offre abondante de capital humain qualifié et bon marché » : cela est dit de la manière la plus abrupte. S’il n’est de richesse que d’hommes, elle est d’autant plus valable quand on peut l’acquérir ou plutôt l’exploiter à vil prix !
L’Inde : bas coûts salariaux et avantage démographique
L’auteur note que la Chine « produit le plus grand nombre de diplômés en sciences et en ingénierie au monde » : qu’a-t-elle donc besoin d’aller chercher des bras et des cerveaux en Inde ?
La réponse tient en quelques raisons qu’évoque l’éditorialiste, la première étant que la Chine s’est davantage concentrée sur le matériel, tandis que l’Inde s’est spécialisée dans les logiciels, et que les deux choses vont de plus en plus ensemble avec l’« Internet des objets » (Internet of Things). L’éditorial signale le cas d’une multinationale occidentale qui a 3.500 employés en Inde, pour la plupart spécialisés dans la conception de logiciels, qui développe ses dispositifs médicaux, ceci étant ensuite produits en Chine avant d’être vendus à travers le monde entier. Inde et Chine devraient donc exploiter leur « complémentarité ».
Deuxième raison : « Le talent indien est significativement moins cher que le talent chinois pour nombre de raisons. » La logique est toute marchande, mais les raisons ne sont pas précisées.
Troisième raison : la jeunesse de la population indienne. L’éditorial souligne qu’actuellement, l’âge médian en Inde est approximativement de 10 ans inférieur à celui de la Chine, ce qui assure au subcontinent une jeunesse relative importante par rapport à son voisin du Nord pendant beaucoup d’années à venir : « C’est une situation idéale pour les industries axées sur le savoir, qui typiquement embauchent de grands nombres de jeunes diplômés, et les forment. »
Chine et Inde : s’entendre en vue de la mondialisation
Enfin, l’Inde a l’avantage de la pratique de l’anglais qui permet à ses jeunes ingénieurs de s’orienter plus facilement vers un marché global, contrairement aux ingénieurs chinois. Il s’agirait d’en profiter, et de mettre également dans la balance les talents des cadres indiens déjà bien implantés dans les marchés internationaux, puisqu’ils sont susceptibles d’aider les sociétés chinoises à s’internationaliser. (Comme quoi la colonisation a du bon…)
On apprend ainsi que plusieurs multinationales occidentales à la pointe de la recherche et du développement emploient déjà plus de salariés en Inde que dans leur pays d’origine, et 1.200 centres de recherche et développement de multinationales étaient implantés en Inde à la fin de 2015, employant plus de 320.000 personnes. Et la tendance est à la hausse. L’Inde compte déjà entre 2,5 et 3 millions de travailleurs dans le secteur « IT », celui des services informatiques.
C’est donc le moment, affirme Ramakrishna Velamuri, professeur à la China Europe International Business School, de regarder vers l’Inde. Les sociétés Chinoises, assure-t-il, n’ont pas encore les moyens de développer ses propres centres de R&D dans ce pays, mais auraient intérêt à former des partenariats avec les prestataires locaux en attendant d’améliorer leurs connaissances. « Quelle que soit la solution qu’elles choisiront, il n’y a pas de doute, le temps est venu pour que davantage de sociétés chinoises se tournent également vers l’homme en tant que précieuse base de ressources qui peut être mise à profit pour dynamiser la compétitivité globale de la Chine », conclut-il.
C’est cela aussi, la mondialisation.
Anne Dolhein