Un éditorial du Global Times très remarqué par la presse internationale se réjouit de cette nouvelle variante de la tristement célèbre Ostpolitik du Vatican, telle qu’elle se met en œuvre actuellement dans le cadre des négociations du Saint-Siège avec le gouvernement communiste de la Chine. Le journal anglophone contrôlé par le pouvoir chinois jubile face aux « concessions substantielles » accordées par le pape François à la Chine à propos de la nomination des évêques.
Il faut dire que la situation est véritablement ahurissante, puisque le Vatican entend remplacer plusieurs évêques légitimes de l’Eglise clandestine fidèle à Rome par des évêques de l’Eglise patriotique sous contrôle du PC. Toutes les protestations angoissées du cardinal Zen, archevêque émérite de Hong Kong, n’y font rien.
Le Global Times cite goulûment une récente dépêche Reuters annonçant qu’un « l’accord-cadre entre le Vatican et la Chine sur la nomination des évêques est prêt et pourrait être signée en l’espace de quelques mois, marquant une étape historique dans leurs relations ». Le journal chinois signale que Taiwan semble s’alarmer de la nouvelle et dénonce des médias occidentaux « et certains groupes religieux radicaux » opposés aux liens entre la Chine et le Vatican qui voudrait peser sur les négociations entre Pékin et Rome. Encore un signe que celles-ci avancent, selon l’éditorial.
Les négociations entre la Chine et le Saint-Siège progressent, se réjouit la presse chinoise
Celui-ci rappelle alors que le Vatican est à ce jour le seul « allié » de Taiwan – l’historique Formose – en Europe, et que la mise en place d’un accord avec le pouvoir central chinois constituerait un coup très dur pour le Parti démocratique progressiste au pouvoir dans ce dernier fragment de Chine qui a résisté au communisme. Taiwan sait désormais ne plus rien peser à Rome, se réjouit l’auteur.
« L’accord Pékin-Vatican, s’il devait aboutir, serait immensément bénéfique aux catholiques. Résultant des changements dans les schémas politiques laïques, les différends sont inévitables dans l’histoire de la religion, et peuvent dans de nombreuses circonstances avoir pour conséquence des divisions religieuses. Le Saint-Siège est arrivé un consensus au Vietnam sur la question de la nomination des évêques ; un accord avec la Chine sur cette question serait le signe de la capacité des catholiques à s’adapter aux changements. Les personnes qui sympathisent avec les catholiques n’ont aucune raison de ressentir de l’antipathie », observe l’éditorial avec l’incomparable style ampoulé des médias aux ordres d’un pouvoir totalitaire.
Le même éditorial nous apprend que Pékin est patiente, et que les Chinois non catholiques n’ont jamais été fortement opposés au Vatican – assurant au passage que la question taïwanaise est très loin d’être le premier souci du pouvoir, contrairement à ce qu’annoncent les médias de la Chine nationaliste.
Le Vatican prêt à lâcher l’Eglise clandestine pour se mettre d’accord avec Pékin
On peut certainement le croire : l’objectif est bien de normaliser l’Eglise catholique en Chine, c’est-à-dire de la rendre conforme aux normes régissant d’une main de fer toute activité religieuse dans le pays.
« Pékin et le Vatican vont établir des relations diplomatiques tôt ou tard. Nous croyons que les diplomates de Pékin peuvent mener les négociations pour le mieux, en tenant compte de l’intérêt national et des croyances religieuses des catholiques. Le pape François jouit d’une image positive auprès du public chinois. On s’attend à ce qu’il fasse avancer les liens entre la Chine et le Vatican et résolve les problèmes qui y sont liés avec sa sagesse », conclut le Global Times.
Dans un entretien publié lundi sur son blog, le cardinal Joseph Zen rappelle que depuis le 1er février, les catholiques de l’Eglise clandestine sont soumis à la « stricte application des règles religieuses » qui leur interdisent de participer à la messe de l’Eglise fidèle ; « Ceux qui désobéissent seront probablement arrêtés », avertit le cardinal. Il parle des profondes souffrances des fidèles chinois et accuse le cardinal Parolin de « se tromper beaucoup » dans sa récente interview à propos de la situation, l’accusant même de manipuler une ancienne lettre du pape Benoît – c’est à lire sur le blog de Sandro Magister.
Le cardinal Zen ajoute dans cet entretien qu’il y a trois ans, à l’occasion d’une longue conversation privée avec le Pape François, celui-ci avait acquiescé (« Certo ! ») lorsqu’il avait affirmé que l’Eglise patriotique chinoise est « schismatique » en tant qu’administration autonome indépendante du Saint-Siège et dépendant du gouvernement.