La fondation Thomas Reuters, association à but non lucratif, a publié une analyse de l’empreinte carbone du football, avec ses 3,5 milliards d’aficionados, ses méga-compétitions internationales et ses voyages au bout du monde. Elle est « gigantesque », et ce d’autant plus que les « émissions » dont le sport est coupable sont principalement réduites par le jeu de la « compensation » : planter des arbres, acheter des crédits ailleurs tout en crachant du CO2 à qui mieux mieux.

En cause ? Le coût énergétique du fonctionnement des stades, le « poids » des produits dérivés, la diffusion médiatique, les voyages des spectateurs surtout sont en première ligne. Et encore, on ne tient généralement pas compte de la construction des stades pour mesurer les émissions. Celles attribuées aux clubs sont pour leur part très difficiles à quantifier. Mais dans le monde de la transition énergétique, tous sont d’accord pour dire que la somme de CO2 dépensée pour voir des joueurs courir derrière un ballon rond est horrifiant.

L’empreinte carbone du football implique près de la moitié de la population mondiale

La FIFA est l’objet de tous les reproches, car les prochaines compétitions mondiales devraient être encore plus coûteuses en carbone en 2026 et 2030 du fait de leur organisation sur plusieurs continents à la fois, avec davantage d’équipes nationales. La Coupe du monde disputée au Qatar en 2022 avait déjà « coûté » 3,6 millions de tonnes de carbone au bas mot mais était présentée comme « neutre » par la FIFA du fait de la compensation des émissions.

Dans le même temps, il est des clubs et des fédérations qui se montrent « vertueux » du point de vue des émissions : le club Forest Green Rivers en Angleterre n’utilise plus que de l’énergie « renouvelable », nous assure-t-on, recycle l’eau de pluie (pratique en temps d’inondations) et a même mis son personnel et ses fans au régime vegan… (Rien n’est dit sur les joueurs dont on se doute qu’ils avalent quelques protéines animales de temps en temps.) Les produits dérivés des prestigieuses équipes AC Milan ou Liverpool contiennent désormais du plastique recyclé. Et c’est bien. Personne ne se demande à quoi servent ces tonnes de produits achetés aujourd’hui, oubliés demain, et qui ont probablement été acheminées depuis quelque usine du sud-est asiatique… L’Allemagne va plus loin, puisque la Bundesliga exige des clubs voulant participer à ses compétitions qu’ils répondent à ses critères de « durabilité ».

La compensation se fait par le formatage des masses

Mais est-ce assez ? Sûrement pas, à en croire la fondation Thomas Reuters, qui s’étonne de la tenue de la Coupe du monde 2034 chez ce « géant du pétrole » qu’est l’Arabie saoudite. Preuve que la FIFA n’a pas fait de l’environnement une « priorité ».

L’article s’achève cependant sur une note d’« espoir » : « Les experts affirment que l’énorme popularité du football offre une vraie occasion pour éduquer et mobiliser les gens autour des actions à entreprendre pour combattre le changement climatique. » Autrement dit : le football peut émettre du CO2 jusqu’à plus soif, puisqu’il contribue à conditionner le spectateur lambda. Faites ce que je dis, pas ce que je fais – c’est beau comme l’antique, et prouve bien que le problème n’est pas le CO2, mais la manipulation de la vie quotidienne des gueux que nous sommes.

Jeanne Smits