Après la consécration du Pérou au Sacré-Cœur, Mgr Eguren demande au président Kuczynki de faire preuve de cohérence

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Le 21 octobre dernier, le président du Pérou, Pedro Pablo Kuczynski, a consacré son pays au Sacré-Cœur, comme le rapporte ici Yves Daoudal. Prenant le nouveau chef de l’État péruvien au mot, l’archevêque de Piura, Mgr José Antonio Eguren vient de publier une nouvelle lettre pastorale pour faire part de ses « réflexions sur des événements récents affectant la vie et la famille au Pérou ». Il évoque son « heureuse surprise de voir que Monsieur le président de la République, le Dr Pedro Pablo Kuczynski, lors d’une prière solennelle, a consacré le Pérou au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie ». Aussitôt, l’évêque péruvien en tire une conséquence : il faut que le président et son gouvernement agissent en cohérence avec cette consécration. Indiquant qu’il travaillait sur ses « réflexions » lorsqu’il a appris la nouvelle, Mgr Eguren précise :
 
« Sincèrement, j’espère que cette prière produira un changement d’orientation de son gouvernement, et que ces réflexions serviront aussi bien à amender ce qui se fait actuellement dans le cadre de son mandat qu’à réparer les dommages occasionnés lors de mandats antérieurs. »
 

La consécration du Pérou au Sacré-Cœur ne suffit pas

 
Le président Kuczynski, rappelle le prélat, a choisi des termes qui l’engagent : « J’offre à Dieu tout-puissant mes pensées et mes décisions en tant que président afin que je les utilise pour le bien de notre pays et pour que j’ai toujours présents à la conscience les Dix commandements tant que je le gouvernerai. »
 
Alors que le président demande pardon pour toutes les « transgressions » commises par les gouvernements antérieurs, Mgr Eguren en donne le détail. « Malheureusement, cela fait déjà plusieurs années que l’on a vu se détériorer les valeurs (de la vie et de la famille) parce que divers gouvernements ont privilégié une politique favorable à l’avortement, sous prétexte qu’il s’agit d’un droit, et en même temps on a installé et développé dans l’appareil de l’Etat l’idéologie du genre. Ces deux choses sapent le bien commun et les fondements de la famille dans le pays. Malheureusement, le gouvernement actuel a insisté pour poursuivre avec une vision bien précise d’une “modernité” qui semble comporter ces deux choix politiques malgré sa promesse, au cours de la campagne électorale, de défendre la vie humaine et la famille », écrit-il.
 
Mgr Eguren dénonce ensuite le « divorce » entre ce que pensent réellement les Péruviens et la majorité des moyens de communication sociale, favorables à l’avortement et à l’idéologie du genre, et qui œuvrent à obtenir parmi le peuple « un changement de ses valeurs et de sa vision de la réalité ».
 

Mgr Eguren rappelle que le gouvernement du Pérou doit changer beaucoup de choses

 
Il se plaint aussi d’une « discrimination envers l’Eglise » dont chaque intervention dans le domaine public est accueillie par cette objection : « L’Etat est laïc. » « Cette position est intolérante, fausse et idéologique. Intolérante, parce que les pasteurs, comme n’importe quel citoyen, ont le droit de donner leur opinion et de contribuer au bien commun du pays. Fausse, puisque la constitution politique du Pérou elle-même reconnaît le rôle joué par l’Eglise dans la formation morale de la nation (art. 50) ; idéologique, parce qu’elle considère que les catholiques sont incapables de donner des arguments scientifiques et juridiques malgré les nombreuses universités qu’ils sont fondées au Pérou et dans le monde. »
 
Mgr Eguren donne ensuite quelques exemples de défaillance de l’Etat péruvien sous son gouvernement actuel. Il parle de la mauvaise réception faite au communiqué de la conférence épiscopale du 24 août dernier sur la pilule du lendemain : celle-ci a été approuvée, tout comme la « pilule des cinq jours » dont l’un des modes d’action est également abortif. « En même temps, le ministère de la justice fait avancer les mesures légales permettant d’encadrer juridiquement les techniques de fécondation assistée, alors même que celles-ci sont contraires à la constitution en ce qu’elles portent atteinte à la dignité et au droit à la vie de ceux qui sont conçus par de telles techniques (les fameux embryons “surnumérairesˮ ») », note l’évêque.
 

La cohérence exige que le président Kuczynki revienne sur l’idéologie du genre

 
Il se plaint de ce que dans les écoles, on enseigne aux mineurs à utiliser des contraceptifs – « et cela est critiquable en soi » – sans le consentement de leurs parents. Et ce alors que le ministre de la santé du gouvernement précédent venait de publier une résolution ministérielle affirmant que les moyens contraceptifs « ne constituent pas des traitements médicaux ». C’était tout ce qu’il fallait pour qu’ils puissent être distribués aux mineurs sans le consentement de leurs parents. C’est ainsi qu’aujourd’hui au Pérou, une mineure de 12 ans peut se voir donner un « contraceptif d’urgence » à l’insu de ses parents, comme l’affirmait la coordinatrice nationale de la stratégie de santé sexuelle et reproductive du ministère de la santé, pas plus tard que le 5 octobre dernier.
 
Ce n’est pas parce que le président péruvien a consacré son pays au Sacré-Cœur que l’idéologie du genre n’y est pas imposée dans les écoles : elle a été insérée dans le programme pour l’année 2017 par le ministère de l’éducation, toujours sans que les pères et mères de famille puissent protester et faire respecter leurs droits éducatifs.
 
Voilà le président Kuczynki placé devant ses responsabilités. Avec la grâce de Dieu, il peut apporter les réponses qui conviennent, ce qui suppose, après les paroles, une vraie volonté politique dont Mgr Eguren rappelle qu’elle est indispensable au pays : « Dans sa marche vers le bicentenaire de son indépendance, le Pérou en tant que nation n’a pas seulement un objectif de développement économique ou technologique, ou celui de résoudre le problème de la sécurité des citoyens, puisque sans richesse morale et humaine la richesse économique sert si peu, voire ne sert à rien. »
 
On imagine difficilement une telle interpellation du pouvoir par l’épiscopat français.
 

Anne Dolhein