La démission du gouvernement turc de Chypre Nord

Démission gouvernement turc Chypre Nord
Le président turc-chypriote Mustafa Akinci, le 6 mai 2015 à Ankara.

 
Le gouvernement de coalition au pouvoir en République turque de Chypre Nord a chuté lundi en raison de divisions sur la politique économique à conduire, et le premier ministre en présentait ce mardi la démission. De fait, le pouvoir turc du nord de l’île se trouve actuellement dans une situation d’intensification des pourparlers en vue de réunifier les deux moitiés de cette île divisée.
 
C’est le chef du Parti turc républicain (CTP, gauche), Mehmet Ali Talat, qui l’a annoncé lundi soir : la coalition gouvernementale nord-chypriote a vécu. Une coalition éphémère puisqu’elle avait vu le jour au mois de juillet dernier. C’est ce constat qui a poussé le premier ministre nord-chypriote, Omer Kalyoncu, à présenter officiellement mardi matin la démission de son équipe au président Mustafa Akinci.
 

La coalition de Chypre Nord vole en éclats

 
Le partenaire du CTP, le Parti de l’unité nationale (UBP, droite), s’en est retiré lundi en raison de divergences sur la politique économique. Parmi les problèmes évoqués, la question de la distribution de l’eau acheminée depuis la Turquie voisine, l’impossibilité où s’est trouvé le gouvernement, au mois de mars, de payer la totalité des salaires dans la fonction publique, etc.
 
« A partir du moment où nous n’avons plus l’opportunité et les moyens de servir notre peuple, former un gouvernement (…) n’est pas notre objectif et ne pourra jamais l’être », a déclaré, fort de ce constat, Huseyin Ozgürgün, le président de l’UBP.
 
Or le CTP a beau être la première force parlementaire de Chypre Nord, il ne dispose pas d’un nombre insuffisant de sièges pour avoir la majorité au Parlement. Sur cinquante élus, il n’en possède que vingt… Il lui faut donc, à la suite de la défection de l’UBP, s’entretenir avec tous les autres partis pour tenter de sortir de cette crise, et former un nouveau gouvernement.
 

Démission du gouvernement turc et recherche de nouvelles alliances

 
De son côté, l’UBP, qui compte dix-huit sièges, semble vouloir essayer de prendre son ancien partenaire de vitesse, afin de former lui-même une autre coalition, avec les indépendants et le Parti démocrate (PD, libéral) de Serdar Denktas, fils de l’ancien président Rauf Denktas, mort en 2012.
 
On peut sans doute s’étonner que cette République turque de Chypre Nord connaisse de telles difficultés, alors que, reconnue par la seule Turquie, elle paraîtrait au contraire devoir être unie pour s’affirmer face à la communauté internationale.
 
Mais c’est sans doute autour de cette question d’une reconnaissance que le bât blesse. En pleine tractation avec les Occidentaux, et notamment avec l’Union européenne, la Turquie a besoin de soigner son image de marque, quelque peu ébréchée par la question syrienne, et par ses relations houleuses avec la Russie. Qui plus est, la question chypriote est une épine profondément enfoncée dans les relations qu’Ankara entretient avec Bruxelles.
 
Aussi le président Mustafa Akinci a-t-il relancé, depuis près d’un an, les pourparlers avec son homologue du sud de l’île Nicos Anastasiades, avec le soutien empressé de l’ONU, de l’Union européenne et des Etats-Unis.
 

Réunification ?

 
De son côté, Ankara a récemment fait part de son espoir que l’île soit réunifiée cette année.
 
On ne sait exactement ce que cela peut signifier pour le président turc Erdogan. Ou plus exactement on peut supposer que les visées turques auront quelque mal à s’accorder avec la vision du gouvernement chypriote et l’ensemble de la communauté internationale.
 
Et, au-delà des problèmes économiques, qui sont réels et importants, on peut également supposer que cette volonté de rapprochement, ou du moins de dialogue, n’est pas pour rien dans l’explosion de la coalition qui gouvernait, jusqu’ici, le nord de l’île…
 

François le Luc