Non, le divorce n’est pas un choc juridique momentané, un changement de programme un peu brusque après lequel tout se réajuste et revient à sa place, à quelques nuances près. Les dommages, nombreux et quantifiables, se voient à court et à long terme, dans une chaîne de conséquences multiples et variées qui peuvent affecter le développement et le devenir des enfants. Ce sont les conclusions d’une grande étude qui vient d’être publiée par le National Bureau of Economic Research, le plus important organisme de recherche économique privé des Etats-Unis.
Aujourd’hui, la famille, « institution première et primordiale », cœur de la transmission de la foi pour les chrétiens, est ravagée par un taux de divorce avoisinant les 40 % pour les Etats-Unis (près de 45 % en France). Près d’un tiers des enfants américains connaissent le divorce de leurs parents avant l’âge adulte.
L’impact est considérable, d’autant plus que l’enfant est jeune. De la baisse des revenus au déménagement dans un moindre quartier, en passant par l’éloignement souvent paternel, l’arrivée d’un beau-parent, l’équilibre est violemment modifié, parfois brisé. Et l’effet perdure pendant des années, voire plus. Comme le disait, sur X, Josh Wood, qui milite pour les droits des enfants dans l’association Them Before Us : « C’est la vie après le divorce qui constitue le véritable préjudice. »
Le divorce est un tournant capital
L’étude, intitulée « Divorce, arrangements familiaux et conséquences sur les enfants à l’âge adulte », a utilisé les données fiscales couplées à celles du recensement de plus de 5 millions d’enfants, nés aux Etats-Unis entre 1988 et 1993.
Le bouleversement historique et social a été majeur : avant 1950, moins de 2 % des enfants vivaient avec un parent célibataire, divorcé ou séparé. Dans les années 2000, cette part a atteint près de 25 %. Et ce pourcentage varie suivant les statuts socio-économiques et les groupes ethniques : chez les parents n’ayant pas dépassé le baccalauréat, par exemple, le taux de monoparentalité a plus que triplé, et 45 % des enfants noirs vivent désormais dans des familles divorcées.
Pour le devenir de tous ces enfants de familles déchirées, le divorce est un tournant capital.
Impacts sur la structure familiale et l’environnement matériel et social
D’abord, il transforme la situation familiale. Le revenu du ménage diminue de moitié, les familles se divisant en foyers séparés ; et les ménages mettent environ dix ans à récupérer la moitié de leur perte de revenu initiale. Et puis, il y a des économies d’échelle qui ne se font plus, des pensions alimentaires à verser. Et pourtant, les deux parents travaillent davantage (8 % pour les femmes, 16 % pour les hommes).
Le déménagement est récurrent : sa probabilité triple presque, passant de 13 % avant le divorce à 35 % après. Et il reste supérieur au niveau de référence pendant les dix années suivantes. Ce qui génère une instabilité. Les nouveaux quartiers de destination sont évidemment moins bien lotis, en raison de la pression financière. Et la distance avec le parent non résident (le père, à 95 %) augmente, et de plus en plus avec les années.
Enfin, la restructuration familiale est un chemin souvent obligé. Dans les cinq ans qui suivent le divorce, la moitié des parents, environ, se remarient, introduisant ainsi des beaux-parents dans la vie de leurs enfants, voire d’autres enfants « qui créent de nouvelles responsabilités familiales susceptibles de disperser l’attention et les ressources parentales », écrit l’étude.
Il va sans dire que non seulement l’enfant perd une partie du capital humain qui devait lui être transmis, en raison de l’absence d’un des deux parents (éducation, instruction, valeurs, normes et bien sûr affection…), mais il doit s’acclimater à une plus grande complexité via des liens d’autorité familiaux diffus où les risques de maltraitance et négligence sont plus nombreux, le lien biologique faisant défaut. « Même les parents biologiques réduisent souvent leur investissement envers les enfants issus de relations antérieures lorsqu’ils en forment de nouvelles, potentiellement pour satisfaire les priorités de leurs nouveaux partenaires »…
Plus le divorce est précoce dans la vie de l’enfant, plus l’impact est grand
Quels sont les effets les plus observables de tout ce maelstrom ? Les naissances chez les adolescentes et la mortalité infantile.
Par rapport au taux de natalité de référence de 1,2 % chez les adolescentes, l’exposition au divorce précoce augmente les naissances d’environ 60 %. On discerne également une augmentation marquée et persistante de la mortalité, de 35 à 55 %, à partir de l’année suivant le divorce et pendant au moins dix ans. En cause : la surveillance parentale réduite pour les plus petits et les impacts psychologiques potentiels qui augmentent les comportements à risque et les problèmes de santé mentale. Pour eux, le taux d’incarcération est aussi trois fois plus élevé que celui des enfants de familles toujours mariées (mais trois fois moins élevé que celui des enfants de familles non mariées).
Parvenus à l’âge adulte, ils démontrent un écart de niveau de revenu, allant jusqu’à 15 % (le plus grand écart touchant ceux ayant subi un divorce à l’âge d’1 an). Leur fréquentation universitaire a été réduite de plus de 40 %, ce qui est comparable à l’ampleur relative de l’effet de la natalité chez les adolescentes. On estime ainsi l’effet du divorce comparable à la perte d’une année d’études.
Pour ce rapport américain, les trois mécanismes à l’origine de ces effets multiples sont la diminution des ressources (10 à 44 %), la qualité du nouveau quartier d’habitation (16 à 29 %) et la proximité parentale (15 à 22 %). A eux trois, ils expliquent entre 25 et 60 % des effets du divorce sur le devenir des enfants.
A noter qu’à chaque fois, plus le divorce est précoce dans la vie de l’enfant, plus l’impact est grand (l’étude a comparé pour cela les frères et sœurs d’une même famille ayant été exposés au même divorce pendant des durées différentes).
Les enfants ont des droits que piétinent les adultes
Comment ne pas voir, dans ces schémas, un cercle vicieux impossible à rattraper ? D’autant que, le divorce étant plus fréquent dans les familles à faibles revenus, l’instabilité conjugale perpétue très probablement les inégalités entre les générations. Même si le taux de divorce ajusté (calculé sur le nombre de femmes mariées) montre une tendance générale à la baisse, il ne faut pas oublier qu’il y a de moins en moins de mariages. Et que ces autres foyers « libres » subissent et souvent plus que les autres, des changements similaires dans leurs structures, avec des effets semblables sur les enfants. Autrement dit : on ne voit que le haut de l’iceberg.
Alors la société se plaît à mettre en scène d’heureuses familles recomposées, des conjoints libérés revoyant avec plaisir leurs ex, en compagnie de leur enfants et beaux-enfants chahutant… Elle cherche à prouver que le lien biologique n’est rien et surtout que la volonté de fonder et d’offrir une stabilité à ces enfants qui n’ont rien demandé à personne, n’a aucun sens. Pourtant il y a une justice, à laquelle ont droit ces enfants.
Il faut le redire : l’idéologie du divorce est l’un des piliers de la révolution sexuelle.