La pression du pouvoir turc, et du président Erdogan lui-même, lors de la campagne électorale pour les élections législatives n’aura pas eu le résultat escompté. Tout au contraire ! La Turquie s’est réveillée à l’heure de la diversité, avec un Parlement qui accueillera en son sein une proportions plus grande de ceux que les autorités turques entendaient mettre, plus encore que de coutume, sous le boisseau, afin de parvenir au régime présidentiel dont Erdogan rêve et pour lequel il a fait construire un palais présidentiel à sa démesure. A moins de trouver le moyen de contourner l’exercice démocratique, ce sera pour une autre fois…
Avocats, universitaires, anciens membres de la justice, intellectuels, journalistes, musiciens, 97 femmes, quatre Arméniens, etc., et même quatre chrétiens, vont ainsi faire leur entrée à l’Assemblée nationale, mettant à mal le régime de l’unique AKP, le parti présidentiel, qui, depuis treize ans, présidait seul aux décisions du pays. A lui seul, le parti kurde HDP, dont il a été beaucoup question ces derniers temps du fait des attentats qui ont perturbé sa campagne électorale, a dépassé la barre symbolique des 10 %.
Elections en Turquie : la diversité au nouveau Parlement
Mais le plus marquant dans le résultat de ces élections du 7 juin est, manifestement, l’entrée à l’Assemblée nationale de quatre Arméniens et de quatre chrétiens.
Pour les Arméniens, leurs électeurs y seront d’autant plus sensibles que cette entrée coïncide avec le centenaire d’un génocide qui n’est toujours pas reconnu comme telle par les autorités turques.
Quant aux chrétiens (qui pour trois d’entre eux sont des Arméniens), le symbolisme est sans doute plus fort encore. Premièrement, parce que, au sein d’une population turque de plus de 76 millions, les chrétiens, toutes pratiques confondues, représentent une infime minorité d’environ 188.000 âmes, confrontée de plus en plus nettement, ces dernières années, à la radicalisation de l’islam. Ce qui constitue le deuxième point, puisque la Turquie se situe au 41e rang de l’Index Mondial de Persécution, ce rapport annuel sur les persécutions supportées par les chrétiens dans le monde.
Arméniens et chrétiens
Ces quatre députés sont assez divers dans leur origine et leur positionnement politique. Ainsi Markar Esayan est-il turco-arménien. Il n’en est pas moins chroniqueur au quotidien pro-gouvernemental Yeni Sakak, et membre du parti présidentiel AKP.
Deux autres chrétiens sont issus du Parti Démocratique du Peuple, le pro-kurde HDP. Mais ils appartiennent à des communautés différentes. Garo Paylan est d’origine arménienne, tandis qu’Erol Dora appartient à la communauté syriaque orthodoxe.
Enfin Selina Dogan est membre du Parti Républicain du Peuple, le parti autrefois fondé par Atatürk, qui est arrivé en deuxième position lors du scrutin, et qui est membre de l’Internationale socialiste. Ce qui n’empêche apparemment pas cette femme – oui, c’est une femme ! – d’être chrétienne, d’origine arménienne, et avocate engagée dans la lutte pour le respect des Droits de l’homme auprès des minorités. Autrement dit, elle cumule tout ce qui peut l’opposer au président Erdogan…
Malgré leur diversité d’origine, de communauté et d’idées, ces quatre députés semblent s’être mis d’accord pour participer ensemble à la défense de la minorité chrétienne au sein de la politique turque.
Afin de lever, si Dieu veut, la chape de plomb d’un islam qui, se voulant de plus en plus conservateur, se retrouve de fait de plus en plus persécuteur.