La « démocrature » islamiste turque ne supporte pas la moindre contestation, surtout hors de ses frontières. Recep Tayyip Erdogan vient de critiquer frontalement l’Alliance atlantique, à laquelle la Turquie appartient, lui enjoignant « de prendre des mesures contre ceux qui attaquent les frontières d’un de ses partenaires ». Est directement visé un corps frontalier de 30.000 militaires que vont former les Etats-Unis dans le nord de la Syrie. Ce corps serait, écrit le Daily Sabah, composé de membres des Forces démocratiques syriennes (SDF) menées, d’après l’organe de propagande turc, « par une organisation affiliée aux terroristes du PKK, le Parti de l’union démocratique (PYD), l’organisation armée Unité de protection du peuple (YPG) et autres groupes ». Bref, par ces Kurdes qui sont le cauchemar de M. Erdogan puisqu’en Turquie même ils forment une communauté remuante de 15 millions sur 83 millions d’habitants. Le PKK (d’orientation communiste) est l’une de ses organisations turques. La Turquie fait partie de l’OTAN depuis 1952 et constituait un élément clé du confinement de l’influence soviétique.
Pour le Daily Sabah, la création d’une force frontalière kurde est « une attaque armée » contre un membre de l’OTAN, la Turquie
Le Daily Sabah invoque l’article 5 du Traité de l’OTAN, selon lequel « toute attaque armée contre un ou plusieurs d’entre ses membres en Europe ou en Amérique du Nord sera considéré comme une attaque contre tous ». La Turquie brandit cet article, relevant que la présence de l’YPG en Syrie du Nord, le long de la frontière turque, menace directement sa sécurité. Le Daily Sabah rapporte qu’à plusieurs reprises l’YPG a ouvert le feu contre des positions turques de contrôle frontalier, en se gardant bien d’évaluer le degré d’agressivité antikurde des opérations turques au sud de sa frontière avec la Syrie.
Les communautés kurdes, qui réunissent plus de 40 millions de personnes, étant dispersées dans quatre pays mitoyens (Turquie, Iran, Irak et Syrie, où l’on compte un peu moins de 3 millions de Kurdes), le comportement de l’une intéresse toujours le pays voisin. Pour autant, leurs positions politiques sont loin d’être homogènes, et l’indignation turque dans l’affaire est suspecte. Ankara s’applique donc à souligner que l’YPG entretient des relations organiques avec le PKK. Tous deux, en effet, furent des fers de lance contre l’Etat islamique depuis ses premières offensives en juillet 2014, alors que la Turquie était soupçonnée de soutenir les islamo-terroristes. Ceci explique cela.
Erdogan est furieux contre l’OTAN qu’il accuse de ne pas soutenir la Turquie contre le terrorisme
Jusqu’ici Washington qui, comme l’UE, classe le PKK (mais pas l’YPG) sur sa liste des organisations terroristes, se gardait d’appuyer le PKK et son allié syrien. Erdogan est hors de lui et annonce sa requête auprès de l’ONU « d’enclencher un mécanisme » visant à « protéger les frontières turques ». Erdogan accuse l’OTAN de ne pas soutenir la Turquie dans son combat contre « les groupes terroristes », notamment le PKK, l’Etat islamique et le « güleniste » FETÖ qui serait à l’origine de la tentative avortée de « coup d’Etat » en Turquie, divine surprise qui permit à Erdogan d’installer un régime quasi-totalitaire.
Le Daily Sabah cite Nursin Atesoglu Güney, doyenne d’une faculté d’économie turque opportunément située à Chypre, qui critique l’Alliance atlantique : « L’OTAN est traversée de problème internes en ce moment et n’a plus la capacité d’agir comme une puissance cohérente. De plus, elle paraît ambivalente dans son combat contre le terrorisme. » Güney estime que l’Alliance devrait refuser d’avaliser les « menaces » que subit son membre actif qu’est la Turquie. Dans la langue de bois diplomatique portée par le Daily Sabah, voici qui constitue une menace à peine voilée de retrait d’Ankara de l’OTAN.
Ryan Dillon (Operation Inherent Resolve) a confirmé la création de cette force frontalière avec le soutien des Etats-Unis
La coalition menée par les Etats-Unis confirme qu’elle entend former une force de 30.000 militaires destinés à protéger les frontières septentrionales de la Syrie. Dimanche Ryan Dillon, porte-parole de la coalition anti-Etat islamique –Operation Inherent Resolve – menée par les Etats-Unis, spécialement active depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, a assuré que cette force sera constituée. Or les autorités turques répètent depuis longtemps qu’elles ne toléreront pas la création d’un « corridor terroriste » (comprendre kurde) en Syrie septentrionale et qu’elles se réservent la possibilité d’une « opération extérieure » si le « groupe terroriste » poursuit ses opérations dans la région. Type d’intervention dont la Turquie est familière sous couvert d’attaques contre l’Etat islamique, comme l’ont illustré les ambiguïtés de l’opération « Bouclier de l’Euphrate » menée d’août 2016 à mars 2017.
Recep Tayyip Erdogan reçoit la monnaie de sa pièce. Il fait dire par Hakki Casin, professeur à l’Université Istinye, que « la formation d’une armée par l’appui à un groupe terroriste à l’intérieur d’un Etat souverain est contraire à la loi internationale ». Casin ajoute que le franchissement de cette « ligne rouge, rend désormais possible une confrontation entre l’armée turque et les troupes américaines ». Propos identiques à ceux tenus par le chef du commandement militaire turc, le général Hulusi Akar, au quartier général de l’OTAN à Bruxelles, qui vient d’affirmer que cette force « ne sera pas tolérée ». Devant les cadres de son parti, son maître Erdogan a été clair : « Sans attendre, nous détruirons tous les nids de terroristes, l’un après l’autre, en Syrie. » Et d’annoncer une opération dans le district syrien d’Afrin, près d’Alep via « l’opposition syrienne » : « Nous allons aider nos frères pour qu’ils puissent protéger leur territoire. ». Erdogan affirme que la diplomatie turque est en relations étroites avec les Russes mais qu’il n’envisage en aucune manière d’appeler le président Trump.