Les évêques syro-catholiques demandent l’application de la déclaration d’al-Azhar

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Que faire lorsqu’on a charge d’âmes, et que la persécution sévit et menace, aussi bien de la part des voisins de la rue que des pouvoirs en place ? C’est dans cette situation que les évêques syro-catholiques, réunis pour leur synode annuel à Rome, ont pris position sur la récente déclaration d’al-Azhar publiée à l’issue d’une conférence sur le terrorisme qui s’est tenue dans l’influente université sunnite du Caire. Rédigée sous la présidence d’Ignace Youssef III Younan, patriarche d’Antioche des Syriens, la synthèse du synode a dit la « grande satisfaction » de la communauté syro-catholique par rapport à cette déclaration au ton conciliant, et demande sa mise en œuvre concrète.
 
Réputée pour sa « modération », la vieille institution d’al-Azhar a choisi de prendre acte de la souffrance des chrétiens du Proche-Orient aux mains des militants islamistes dans les zones contrôlées par l’Etat islamique, notamment. Elle a souligné l’« exode » auquel les chrétiens sont contraints et les a encouragés « à demeurer enracinés sur leurs terres d’origine, et à résister à cette vague de terrorisme dont nous souffrons tous actuellement ».
 

La déclaration d’Al-Azhar et l’« islam authentique »

 
« Attaquer les chrétiens et les croyants d’autres religions par fausse piété représente une trahison des enseignements authentiques de l’islam », assure le document de synthèse des « sages » d’al-Azhar. Et de condamner vigoureusement les djihadistes.
 
Une telle déclaration a de quoi surprendre : faut-il donc réécrire l’histoire de l’islam, la vie du Prophète, le Coran et la charia ? Lorsque les évêques syro-catholiques réclament aux gouvernements de pays islamiques de revoir leur politique à l’égard des chrétiens au nom du « vivre-ensemble » prôné par la déclaration d’al-Azhar, c’est une forme de révolution qu’ils espèrent. En demandant aux institutions éducatives islamiques de « revoir leurs programmes pour les épurer de tout contenu discriminatoire vis-à-vis des communautés non-musulmanes », ainsi que le rapporte l’agence Fides, ils savent bien, ces évêques, quelles modifications radicales cela entraînerait. « Hâter la libération de Mossoul et de la plaine de Ninive », voilà ce qu’ils espèrent – mais il ne faut pas en déduire que ces responsables catholiques ont la mémoire courte ni même de la naïveté.
 
Il s’agit pour eux de prendre au mot les propositions d’al-Azhar de sauvegarder la « coexistence fraternelle entre chrétiens et musulmans dans les pays arabes et de préserver leur pleine égalité du point de vue social et civil », comme le rapporte encore Fides. Une « pleine égalité » que l’on cherche en vain et qui serait par conséquent difficile à « préserver » : où est la liberté de culte des chrétiens dans la très sunnite Arabie ; où est le droit de prêcher leur religion des chrétiens dans la Turquie qui frappe aux portes de l’Europe ; où est l’égalité de traitement dans tant de pays islamiques ?
 

Les évêques syro-catholiques veulent sauver les leurs

 
On ne saurait pour autant reprocher aux évêques de vouloir saisir l’occasion – presque une main tendue – à l’heure où la situation des chrétiens dans tant de pays islamiques dans le monde est si dramatique. Ils ne réclament pas des droits pour l’islam, mais se battent pour la survie des leurs.
 
Se pose évidemment la question du sens de la déclaration d’al-Azhar, qui tend à soutenir l’idée qu’il existe un « islam modéré » opposé à « l’islamisme fondamentaliste » et donc hétérodoxe et extrémiste défendu par l’Etat islamique, Al-Nosra, Al Qaeda et autres Boko Haram. Tout l’islam et toute son histoire clament le contraire. Même s’il y a des musulmans « modérés » qui prennent des distances avec le Coran et la charia.
 

Taqiya : al-Azhar s’essaie au relativisme

 
Les « sages » d’al-Azhar ont-ils fait de la taqiya, cette stratégie de la ruse qui ressemble à la praxis marxiste, qui excuse toute dissimulation, tout mensonge servant à favoriser l’avancée de l’islam, ou en l’occurrence son acceptation ? Au-delà, les musulmans peuvent-ils se laisser assimiler à un extrémisme aussi unanimement condamné en même temps qu’il est financé ou facilité par les Etats-Unis ? Une manière de se protéger, donc ? Au-delà encore, on devine une tendance à l’aggiornamento de l’islam, peu compatible avec sa lettre et son esprit et d’une tout autre nature que celle du catholicisme, par exemple, puisque la religion du Christ possède un corpus doctrinal sûr et un appel intrinsèque à la paix, à travers l’injonction d’aimer et de vouloir le bien (c’est-à-dire la conversion du cœur) des ennemis.
 
Dans un monde où le relativisme « humaniste » domine – en ce sens qu’il est imposé par ses maîtres – l’islam aurait ses chances au nom de l’égalité de toutes les religions et cherche peut-être à les sauvegarder par ces correctifs pour lui contre nature, mais sans aller trop loin. La Mecque, à cette aune-là, valant bien une messe…
 
Que les évêques syro-catholiques prennent cela au mot finirait par servir cette cause – mais peuvent-ils faire autrement ?