Vers l’exercice numérique de la démocratie

Exercice numérique démocratie
Marianne à l’heure du numérique.

 
La République du 21e siècle sera nécessairement numérique, explique, avec beaucoup de sérieux, le gouvernement, qui a porté devant le parlement un projet de loi éponyme. Pour une République numérique vise ainsi à anticiper les changements à l’œuvre, et à dessiner une société conforme à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité. C’est beau comme l’antique, mais cet exercice numérique de la démocratie ne manque pas de poser quelques questions…
 
Ainsi les députés socialistes défendent-ils un amendement pour alourdir les sanctions pénales contre la diffusion de fausses informations lorsqu’elles connaissent du succès sur internet, tout spécialement dans le domaine politique.
 

Numérique et démocratie

 
Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale cherche ainsi à étendre la loi sur la liberté de la presse de 1881, et notamment son article 27, qui condamne la diffusion de fausses informations, « lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». On cherche vainement dans ses souvenirs pour se rappeler à quand remonte la dernière application de cette loi…
 
Quoi qu’il en soit, l’amendement des députés socialistes vise à compléter cette disposition pour sanctionner les diffusions de fausses nouvelles « lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi aura pris une dimension virale telle qu’elle en aggrave l’ampleur ».
 
Mais de quoi s’agit-il au juste ? L’exposé sommaire de cet amendement nous l’apprend :
 
« Nombreux sont les internautes, y est-il écrit, qui sont victimes, qu’ils en soient conscients ou non, de canulars informatiques ou hoax, sous la forme de courriels ou de lettres-chaînes. Ces canulars informatiques revêtent un caractère de particulière gravité lorsqu’ils visent à diffuser, à grande échelle, une information erronée sur le contenu d’une politique publique. En effet, l’internaute qui ne prend pas conscience de leur caractère mensonger est trompé dans son jugement là où, en tant que citoyen, il devrait toujours disposer d’une information fiable sur l’action de ses représentants. De plus, il peut également contribuer à diffuser – à son insu – des informations erronées, ce qui à grande échelle constitue une véritable menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie. »
 

« Liberté, que de crimes… »

 
Ah ! Dans sa généralité, ce texte est extrêmement dangereux, puisqu’en définitive il pourrait, s’il était ainsi adopté, servir à museler toute opposition à une déclaration politique, en l’accusant de troubler les internautes, ou toute contestation du réchauffement global, qui fonde maintenant nombre de politiques internationales.
 
On peut se demander s’il en sera de même des promesses électorales n’engageant que ceux qui les écoutent, ou des propos lénifiants des autorités visant à apaiser les citoyens. Pourrait-on nous donner un exemple ? Que risque Bernard Cazeneuve, notre ministre de l’Intérieur, pour avoir déclaré dimanche dernier, selon Le canard enchaîné : « Il faut arrêter de dire qu’il y a eu des viols en Allemagne. On ne sait pas exactement ce qui s’est passé… » ? Comme canular ministériel, on fait difficilement mieux !
 
On ne sait pas trop ce que pense la droite d’une telle proposition de contrôle de la pensée. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’est pas en reste pour le dépôt d’amendements.
 
Ainsi le député Républicains du Loir-et-Cher, Patrice Martin-Lalande, a-t-il déposé avec quelques-uns de ses camarades, un amendement pour imposer « l’internet » dans le langage officiel.
 

Internet ou internet ?

 
« Il existe en effet une diversité de dénominations lorsqu’on évoque le “réseau des réseaux”, explique-t-il. On trouve, y compris dans les versions successives du présent projet de loi et de son étude d’impact, les variantes rédactionnelles suivantes : “Internet”, “l’Internet”, “internet” ou “l’internet”… »
 
Or, pour eux, il convient de conserver la dernière des quatre propositions, l’internet étant un nom commun, pas un nom propre.
 
On mesure ainsi l’importance des combats menés par nos parlementaires… Au point, d’ailleurs, que la Commission des lois de l’Assemblée a finalement rejeté cet amendement. Mais, conscient néanmoins de l’importance du débat, le gouvernement a admis la nécessité d’harmoniser la terminologie dans l’ensemble des textes législatifs.
 

Exercice virtuel

 
On ne sait, en définitive, et avec des zozos pareils, si la République sera un jour numérique, mais ce qui est sûr, c’est que notre démocratie est de plus en plus virtuelle.
 
Euh ! ne le répétez pas, ou on aura tôt fait de m’accuser de diffuser une fausse nouvelle politique…
 

François le Luc