La presse occidentale déplore de plus en plus fort une montée accélérée des extrêmes-droites en Europe, qu’elle accuse Vladimir Poutine de manipuler, en Géorgie comme en Roumanie, en Allemagne comme en France. La récente sortie du ploutocrate décomplexé Elon Musk, appelant à voter AfD pour sauver l’Allemagne, a semé une pagaille pas possible dans le Landerneau berlinois et européen. C’est le dernier épisode d’un long calvaire qui jette dans une indignation commune journalistes et politiciens occidentaux. La caste dirigeante tisse autour de l’insurrection des peuples en cours sur le continent un mensonge visant à leur faire passer la pilule, tandis que les intéressés eux-mêmes (les Européens excédés par leurs élites, qui votent « mal » et sont aussi appelés « populistes ») se toquent littéralement de Poutine, le prenant pour le chevalier blanc, alors qu’il pousse ses propres pions. Il profite à la fois de la politique des élites qui pousse vers lui des peuples excédés, et de la naïveté de ceux-ci. C’est cette dialectique du mensonge des uns et de l’illusion des autres qu’il faut décrire si l’on veut comprendre le processus révolutionnaire en cours, dont l’objectif, il faut le rappeler, est l’instauration d’une gouvernance globale pour la création d’un homme nouveau dans un monde nouveau.
Une dialectique révolutionnaire datant de la Détente
Avant d’analyser l’actualité, il faut rappeler un peu d’histoire. Après la seconde guerre mondiale et la conférence de San Francisco qui fondait en 1946 l’ONU, le condominium URSS USA sur le monde, qui avait pour objectif d’abaisser et d’asservir l’Europe tout en érodant sa civilisation, prit la forme dialectique de la guerre froide, affectant la partie occidentale de notre continent à la domination américaine, soumise au matérialisme pratique, et l’orientale à la russe, au matérialisme scientifique. Puis la Détente accoucha d’une fusion des idéologies dont découle le processus révolutionnaire actuel, souvent appelé abusivement wokiste et dont le nom correct est l’arc-en-ciel. Le but en est un monde sans frontière aucune, de nation, de race, de religions, de préférence sexuelle, de sexe, d’espèce. Il suppose la destruction de toutes les réalités qui construisent l’humanité. La plus radicalement opposée à cette folie dé(con)structrice et la plus solide étant l’Eglise catholique. Le moyen de ce processus révolutionnaire est la soumission des esprits à quelques vérités à cours forcé, réchauffement du climat par l’homme, féminisme, homosexualisme, transgenrisme, Covid, « antiracisme ». Une infinité de groupes plus ou moins militants ainsi suscités et financés sont mis en opposition dialectique et constituent le moteur de la Révolution.
« Extrême-droite, lié à Poutine » ? Des armes de discrédit massif
Quiconque met en doute les mythes de la société sans frontières est assimilé au mal, par une succession d’amalgames qui l’identifie à la fin à Hitler, raciste, fasciste, d’extrême-droite. Comme cette diabolisation est internationale, donc soumise à l’anglosphère, le contrevenant est assimilé à la Russie « illibérale » de Vladimir Poutine. Des Britanniques protestent à l’été 2024 contre le massacre de fillettes par un néo-anglais venu d’Afrique et converti à l’islam, et à travers cela contre l’invasion qui bouleverse leur pays ? On les accuse d’être « d’extrême-droite » et de fomenter des « émeutes ». Des Américains votent pour Donald Trump en 2016 ? On déplore qu’ils soient « d’extrême-droite » et on suggère que le nouveau président ne doit son élection qu’à une ingérence de son « ami » Vladimir Poutine. Une campagne démentielle est lancée par les médias démocrates et une longue enquête à charge est lancée par la justice américaine – sur un pur délire complotiste. Dans le vocabulaire des élites au pouvoir en Occident, jusqu’au retour de Trump à la Maison Blanche le 20 janvier, « extrême-droite » et « lié à Poutine » sont simplement des étiquettes propres à discréditer toute velléité manifestée par les peuples d’échapper à la révolution arc-en-ciel qu’elles poursuivent.
La montée du RN le révèle : il n’est pas d’extrême-droite
C’est manifeste en France. Maintenant qu’il est monté en puissance et que tout le monde peut l’étudier, on voit bien que rien dans le programme du RN (on ne saurait vraiment parler de doctrine) n’est « d’extrême-droite » : en économie, c’est une sorte de socialisme tempéré, quant à la société, c’est l’alignement moral sur la mode, et il n’a d’autre religion que le laïcisme. Même chose et même mensonge des médias pour Zemmour. Marion Maréchal semble un peu différente, mais quel est son poids ? En Roumanie, l’arrivée en tête du premier tour de la présidentielle, le 24 novembre 2024, d’un candidat très peu connu en Occident, Calin Georgescu, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Il a immédiatement été décrit comme « conspirationniste » et « d’extrême-droite ». Rien n’y prédisposait pourtant : agronome de formation, professeur d’université, il a fait carrière dans l’environnement, au Parlement, au ministère de l’Environnement puis aux Affaires étrangères, dans une ONG, au PNUED dont il a été en 2015 – 2016 directeur de l’indice mondial de durabilité. Il a refusé en 2011 d’être Premier ministre, puis son nom a été deux fois proposé en 2020 et 2021. La presse occidentale a donc commis un gros mensonge en parlant de « parfait inconnu ». Et seule une opinion portée par lui dans une interview sur deux personnalité roumaines jugées mauvaises (par reductio ad Hitlerum), Antonescu et Codreanu (« Ils ont fait de bonnes choses et de moins bonnes, (…) l’histoire a été transformée en mythe ».) permet de lui coller l’étiquette « d’extrême-droite » alors que son programme a séduit le peuple roumain par sa volonté de paix et de réduction des importations.
En Géorgie l’irrésistible montée d’un parti attrape-tout
En Géorgie, les législatives d’octobre 2024 remportées par le parti Rêve géorgien ont débouché par l’élection d’un nouveau président anti-occidental et réputé pro-Poutine, M. Kavelashvili. L’ancienne présidente pro-UE et pro-EU Salomé Zourabichvili hurlent à la fraude et enchaînent les manifestations. Mais Rêve géorgien n’est en rien d’extrême-droite, c’est un parti attrape-tout fondé par un ploutocrate, situé initialement au centre gauche et faisant partie d’une Alliance progressiste préconisant une économie libérale, avec un rapprochement avec l’OTAN et l’Union européenne. Ce sont d’abord les erreurs de celle-ci, son marasme économique, son dirigisme caporaliste et sa folie LGBTQ qui l’ont poussé vers le « populisme » et l’antiaméricanisme pro Poutine. Aussi est-ce en Allemagne seulement (encore que ses premiers patrons fussent des libéraux bon teint) que l’AfD peut à bon droit être étiquetée sinon d’extrême-droite (que signifie le terme, puisqu’il a servi surtout à désigner deux partis socialistes, les faisceaux de Mussolini et la NSDAP d’Hitler ?), du moins nationaliste autoritaire.
Ni mensonge ni langue de bois pour Elon Musk
C’est pourquoi l’appel d’Elon Musk, milliardaire ultra-libéral qui s’apprête à tronçonner les dépenses fédérales américaines, en faveur de l’AfD « seule capable de sauver l’Allemagne », a surpris le monde. Thierry Breton, ancien commissaire européen, a immédiatement parlé « d’ingérence ». Le thème a été repris par la presse allemande. D’autant plus choquée que Musk, en 2023, à propos de la « folle » politique allemande en matière de migrants clandestins avait écrit sur X : « Si un gouvernement démocratique agit contre la volonté du peuple, il devrait être révoqué. » Et, à propos de l’attentat du marché de Noël à Magdebourg, qui a causé en décembre 2024 cinq morts et des dizaines de blessés, il avait jugé le chancelier Olaf Scholz « incompétent » et « idiot », au point de lui demander de « démissionner immédiatement ». La bronca qu’il a suscitée en Allemagne l’a décidé à insister, puisqu’il a publié le 28 décembre une tribune dans le supplément dominical du grand quotidien Die Welt, Welt am Sonntag.
Musk sans illusion sur l’état catastrophique de l’Allemagne
En voici la substantifique moelle. Pour Musk, l’Allemagne est « au bord de l’effondrement économique et culturel (…) trop confortablement installée dans la médiocrité ». Il faut donc des « changements audacieux » dont l’AfD est la seule capable par sa « politique d’immigration contrôlée » et sa volonté de « réduire les impôts » et de « déréglementer le marché ». Pour Musk, la politique énergétique actuelle de l’Allemagne est « non seulement coûteuse sur le plan économique, mais aussi naïve sur le plan géopolitique ». Il considère que les partis traditionnels ont échoué et que « leur politique a conduit à la stagnation économique, aux troubles sociaux et à l’érosion de l’identité nationale ». Il ajoute que l’AfD « préconise des réformes de l’éducation qui favorisent la pensée critique plutôt que l’endoctrinement ». Jusqu’ici on ne voit ni en quoi ce jugement serait d’extrême-droite, ni en quoi surtout il est erroné. Et on pourrait étendre ce constat d’échec à l’ensemble des élites politiques qui, avec une constance remarquable et criminelle, refusent d’écouter les peuples dont elles ont la charge depuis cinquante ans qu’elles ont engagé la révolution arc-en-ciel.
Musk reprend hélas la rhétorique révolutionnaire
Mais c’est la suite qui est vraiment intéressante. Musk s’attaque au fait de classer l’AfD à l’extrême-droite. Il écrit : « L’AfD s’engage pour une politique d’immigration contrôlée qui donne la priorité à l’intégration et à la préservation de la culture et de la sécurité allemandes. Il ne s’agit pas de xénophobie, mais de faire en sorte que l’Allemagne ne perde pas son identité dans la quête de la mondialisation. » Là encore, c’est du pur bon sens, et pourtant, tout à coup, il dérape de façon significative. Pour lui, l’étiquette d’extrême-droite est « clairement fausse », pourquoi ? Parce que sa patronne, Alice Weidel « a une partenaire de même sexe originaire du Sri Lanka. Est-ce que cela ressemble à Hitler selon vous ? » Par cet argument, Musk retombe dans la sempiternelle reductio ad Hitlerum où se cantonne la réflexion à deux sous du système. Pour lui, la preuve que l’AfD n’est pas d’extrême-droite est qu’elle est un peu arc-en-ciel. Il reste dans une phraséologie et un moule de pensée qu’il prétend combattre. Il faut dire que rien dans la carrière de cet homme d’affaire exceptionnellement doué ne suggère une formation intellectuelle et politique sérieuse. Il n’en manifeste d’ailleurs pas la prétention, préférant l’action qui provoque l’adversaire-partenaire.
Le pieux mensonge démocratique de la classe politique allemande
La classe politique allemande dans son ensemble lui a donné la réplique. Friedrich Merz, figure des conservateurs de la CDU, « ne peut se souvenir, dans l’histoire des démocraties occidentales » de pareille interférence « dans la campagne électorale d’un pays ami ». Le chancelier Olaf Scholz a fulminé : « Ce ne sont pas les propriétaires des réseaux sociaux qui en décident… Ce n’est pas celui qui crie le plus fort qui détermine la suite des événements en Allemagne. » Le ministre de l’Economie allemande a lancé : « Musk renforce ceux qui affaiblissent l’Europe. Une Europe faible est dans l’intérêt de ceux pour qui la réglementation constitue une limite inappropriée à leur pouvoir. » Matthias Miersch, secrétaire général du SPD, a pesté contre les « milliardaires étrangers » qui soutiennent ceux qui « sapent nos valeurs démocratiques ». Et Andreas Audretsch, directeur de campagne des Verts, conclut : « Nous ne devons pas permettre aux Elon Musk de ce monde, à l’Etat chinois ou aux usines à trolls russes de saper nos démocraties en Europe. »
L’illusion d’une Amérique sans ambiguïté
Evitant cette phraséologie européiste et prétendument « démocratique », Jens Spahn, vice-président du groupe chrétien-démocrate au Parlement fédéral, a posé une question proprement politique, qui, derrière le spectacle politicien, nous ramène à la dialectique révolutionnaire : « L’AfD veut quitter l’Otan, réactiver le Nord Stream 2, et est anti-américain, pro-Poutine et pro-Russie. Est-ce que c’est ce que veulent les Etats-Unis ? » Cette question est mal posée, car les Etats-Unis sont eux-mêmes en voie d’explosion, à cause de la politique radicale menée depuis des décennies par les radicaux démocrates, dont Biden et Kamala Harris ne sont que les pantins les plus voyants. La casquette rouge de Donald Trump elle-même est double. Quand il lance MAGA, quand il veut Make America Great Again, rendre à l’Amérique sa grandeur, il pense à l’Amérique hégémonique dont il se rêve l’incarnation antirévolutionnaire et anti arc-en-ciel, contre les folies de genre, l’imposture climatiste, etc. Mais l’Amérique est aussi, l’histoire de la fin du vingtième siècle et du début du vingt-et-unième, la patrie de l’arc-en-ciel comme l’URSS l’était du communisme international.
A l’origine de la dialectique révolutionnaire : l’arc-en-ciel a deux patries, l’Est et l’Ouest
Telle est la réalité dialectique du processus révolutionnaire en cours. D’un côté la politique occidentale inspirée par les Etats-Unis, telle qu’elle est illustrée par l’Union européenne et l’OTAN, opprime les peuples d’Europe, vise à les détruire, les appauvrit, les soumet à l’invasion, et les jette, en désespoir de cause, par ses folies, ses mensonges, dans les bras de Poutine. De l’autre côté, dans leurs pleurnicheries prétendument progressistes, les médias et les politiciens d’Occident disent une vérité : s’il n’est pas l’ogre omnipotent incarnant le mal dont ils construisent l’image par leur patient mensonge, Vladimir Poutine se glisse, dès qu’il le peut, dans les entreprises qui peuvent contrecarrer les intérêts occidentaux pour défendre les siens : pendant la révolution, la bonne vieille géopolitique continue. Et en officier du FSB qu’on ne cesse jamais d’être, en machiavélien classique, il joue aussi des illusions que se font de lui les partis d’extrême-droite (notamment sur la question LGBTQ) qui recueillent la confiance des peuples d’Europe. C’est de cela qu’il sera question dans la seconde partie de cet article. Après le mensonge des médias occidentaux pour asservir les peuples d’Europe à la révolution menée par leurs élites, on examinera la réalité de l’aide fournie au processus par les manipulations de Poutine, avec l’aide à moitié conscientes « d’extrêmes-droites » qui, coincées par la gravité de la catastrophe en cours, n’ont plus les moyens de l’analyser dans toute sa profondeur : l’Est est en fait l’autre patrie de l’arc-en-ciel, en pendant des Etats-Unis.