Montée des extrêmes-droites pro Poutine (2) : Faux sauveurs : les pièges symétriques de l’arc-en-ciel

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Trahis par leurs élites, soumis à un asservissements tatillon par des bureaucrates et des juges-rois, sermonnés par des médias esclaves, ruinés par des socialistes sûrs d’eux-mêmes et dominateurs, envahis, niés, dégoûtés par les folies idéologiques de l’arc-en-ciel et la pourriture morale qu’elles engendrent, les peuples d’Europe se sont cherché des sauveurs et les ont trouvés dans les populistes qui ont les premiers dénoncé les horreurs de l’arc-en-ciel : telle est la cause de la montée des extrêmes-droites en Europe. Mais celles-ci ne sont que des vigies et cherchent elles-mêmes des sauveurs. Elles ont cru en trouver un en Poutine, elles croient en trouver en Musk et Trump. Cependant, quels que soient les qualités et les défauts de ces trois personnages, ce sont des manipulateurs et des démagogues qui jouent sur les attentes des peuples, pour satisfaire leurs propres visées et sont eux-mêmes utilisés par la révolution en cours. L’Est et l’Ouest étant à l’origine du processus, leurs chefs offrent aujourd’hui aux peuples désespérés en quête de sauveurs deux pièges symétriques que les extrêmes-droites, dépouillées depuis des années de leur réflexion doctrinale, ne sont plus capable d’éventer.

 

Des extrêmes-droites abandonnées et séduites par Poutine

Il est nécessaire, pour comprendre l’engouement que suscite Vladimir Poutine dans les meilleurs milieux, chez des gens intelligents, cultivés, patriotes, sensibles, brillants même, de faire l’histoire d’un abandon et d’une séduction. On va la faire à travers la transformation exemplaire du Front National en Rassemblement National, sans s’interdire des observations complémentaires. Ayant dénoncé depuis des décennies les tares et les visées de l’arc-en-ciel, le Front National fut naturellement calomnié par celui-ci et persécuté. La condition de paria n’est pas facile et pousse à des solidarités inattendues. Le FN en trouva chez Saddam et Milosevic. Sans doute Marine succédant à son père entreprit-elle de se normaliser par ce qu’on nomme la dédiabolisation et changea-t-elle symboliquement le nom de son mouvement sept ans plus tard : mais des populistes opprimés n’en gardent pas moins un penchant pour les « bad boys », et Poutine en présentait sans conteste le profil. En prime, le système arc-en-ciel mettait avec acharnement des bâtons dans les roues du FN-RN lors des élections, et cela se traduisait par des difficultés bancaires que le ou la président.e résolvait comme iel le pouvait, au Luxembourg, en Arabie saoudite, et finalement à Moscou.

 

Même Wilders et Meloni voyaient en Poutine leur sauveur

L’idylle de l’extrême-droite avec Vladimir Poutine fut dans ces conditions fulgurante et intense. Face aux bouillies infâmes de l’arc-en-ciel, à ses fonctionnaires gris et ses gay prides versicolores, les peuples voulaient du net, du fort, du direct. Poutine en offrit quelques images. Vladimir en karatéka, ou sur un char. Poutine devant des icônes et des religieux orthodoxes. Poutine butant les terroristes jusque dans les chiottes. Poutine levant les yeux au ciel devant les revendications tarabiscotées des LGBTQIA+. Poutine refaisant une armée et rétablissant le chauffage. Poutine mettant un frein à l’expansion indécente des prétentions yankees. Cela plut. Cela plut au RN, qu’avait rejoint le député Mariani. Cela plut aussi à Reconquête. Eric Zemmour ne jurait plus que par Poutine, contrepoids des USA, dans une vision très gaullienne de la chose. Et cela plaisait ailleurs en Europe, à l’AfD en Allemagne, mais aussi, notamment, à Geert Wilders aux Pays-Bas, et dans les extrêmes-droites italiennes, qu’il s’agisse de Silvio Berlusconi, de Matteo Salvini ou de Georgia Meloni.

 

Tombés dans le piège des sauveurs par dégoût de l’Occident

Contre les débordements d’un Occident à la fois envahissant, corrompu, corrupteur, la figure de Poutine plut aussi à Orban en Hongrie, qui finit par être classé à l’extrême-droite, et à bien d’autres. La Serbie bombardée par l’OTAN se tourna naturellement par tropisme slave vers Moscou. Aujourd’hui d’autres, que l’appétit russe a toujours inquiétés, et plus encore depuis le tsar rouge Staline, se tournent timidement vers Poutine par déception de l’Occident. Pendant 45 ans, terrorisée par l’URSS et gavée par les USA, l’Europe occidentale a laissé tomber ses cousins orientaux pour mieux s’en tirer, on peut parler d’Europe de lest. La chute du rideau de fer n’en fut pas moins pour ces cousins une fête et un espoir. Mais cette libération du communisme fut gâchée, comme l’avait craint Jean-Paul II. Déçus par le bling-bling, le bavardage, la chienlit, la morale à deux balles et l’immortalité galopante, l’injustice, le terrorisme intellectuel, le vide occidental, beaucoup se tournent vers le successeur des tyrans craints comme seule alternative. Ce n’est pas un hasard si l’Alternativ für Deutschland, AfD, trouve ses meilleurs résultats dans l’ancienne Allemagne de l’Est.

 

Des méthodes de dragueurs symétriques

Bien sûr, Poutine, en psychologue et spécialiste de l’agit prop élevé dans les services secrets, profite à plein de tout cela, joue de son image, de l’aversion que suscite l’arc-en-ciel, de ses services, de ses réseaux. Même si, par exemple, en Roumanie, si le FfB n’est pas forcément intervenu directement dans l’élection de Calin Georgescu (ce qu’une première enquête semblait pourtant établir), la construction de l’image de Poutine en opposant de l’Occident a joué son rôle. C’est un fait, comme est un fait l’action des services américains dans les révolutions de couleur et dans l’affaire de la place Maïdan à Kiev qui fut si déterminante pour l’évolution de l’Ukraine. La compétition entre les Etats-Unis et la Russie, qui n’a plus le prétexte de l’idéologie, relève d’un jeu géopolitique ordinaire et divise normalement les Européens. Le problème que pose la chose est que les peuples d’Europe, et les vigies borgnes auxquels ils font confiance, i.e. les extrêmes-droites, dans l’état de déréliction où ils sont tombés, ont tant besoin de sauveurs qu’ils prennent pour argent comptant l’image que Poutine leur envoie – de même, d’ailleurs, qu’ils s’apprêtent à avaler comme du pain blanc celle que Trump et Musk se donnent.

 

L’arc-en-ciel utilise l’aversion qu’il suscite pour guider les peuples vers ses pièges

Or il s’agit de deux pièges symétriques et complémentaires, ou du même piège en deux images opposées mais semblables, si l’on préfère. Pour fuir le choléra arc-en-ciel ostensible (Biden-Kamala Harris-Scholz-Macron), on choisit la peste Poutine, ou bien, pour éviter Poutine, on se jette au cou de Trump et Musk. Il est amusant de constater que les procédés des uns et des autres sont les mêmes. Comme Poutine, Trump veut en finir avec la folie transgenre, et la chose tient particulièrement à cœur à Musk, dont un fils, infecté par l’idéologie LGBT+, s’imagine fille. Ils ne trichent pas : ils mettent seulement en avant un point qui attire le vote populaire. Mais cela ne fait pas d’eux des défenseurs de « l’identité des peuples » ni de « la civilisation chrétienne ». Musk promeut l’immigration indienne pour l’informatique, Poutine l’empire russe multiculturel et multi-religieux intégrant l’islam et l’avortement. Tous deux le libre-échange, l’IA, les manipulations sur le corps humain.

 

Trump, Musk et Poutine mènent aussi à l’arc-en-ciel

En d’autres termes, ils n’ont pas de cohérence idéologique positive, ce ne sont pas des bouées de sauvetages pour les peuples : ils n’offrent aux malheureux abandonnés par leurs élites que des spots publicitaires attirants, tout en poursuivant des politiques qui entrent dans le processus de l’arc-en-ciel. Le monde multipolaire préconisé par Poutine, avec ses BRICS, son alliance des non-alignés et la Chine communiste de Xi Jinping en séduit certains parce qu’il s’oppose au dollar : mais c’est une autre voie vers la gouvernance globale. Et la monarchie à deux têtes Trump-Musk plaît, en ce qu’elle déplaît aux radicaux, aux socialistes, aux LGBTQ, aux dingues du climat, mais l’hégémonie américaine du protectionniste Trump ne protègera nullement les peuples d’Europe, et le futurisme déjanté de Musk encore moins, malgré ses aspects séduisants. (On préfère Trump, malgré ses hésitations sur l’avortement, car, en écoutant le peuple américain, il garde quelque chose de plus chrétien. La parole libérée de Musk est peut-être libérante dans un premier temps, mais il est à craindre qu’elle ne devienne vite, via X, qu’un exutoire.)

 

Extrêmes-droites divisées sur l’Ukraine : la géopolitique ne compte plus

Notons que la géopolitique n’a plus ici le moindre poids : hier fans de Poutine, Giorgia Meloni et Geert Wilders ont tourné casaque pour mieux percer dans l’Union européenne, ils soutiennent aujourd’hui les Etats-Unis, l’OTAN et la guerre en Ukraine. L’AfD n’ira peut-être pas jusque là, mais, si Musk lui donne de l’argent, elle dira sans doute moins haut son admiration pour le président russe. Marine Le Pen et Zemmour ont déjà fait marche arrière depuis longtemps, depuis la guerre en Ukraine. Cette guerre illustre le désarroi doctrinal dont souffre l’Europe. Du point de vue de l’histoire et du droit, toutes les parties y ont tort, sans exception. Développer serait facile mais demanderait un article à part. Seul François Fillon avait une position juste, l’affaire demandait une négociation diplomatique sérieuse, pas une guerre. Cette guerre désastreuse ne se comprend que dans la perspective de l’arc-en-ciel : elle a empêché une réanimation des nations d’Europe et redessiné la carte économique et politique du monde d’une manière qui les lèse, rendant la vie à deux organisations qui les asservissent, l’OTAN et l’Union européenne. Surtout, elle a réintégré la guerre dans le cercle des problèmes systémiques qui permettent de faire advenir la gouvernance mondiale.

 

Faute de doctrine, on tombe dans les pièges des sauveurs

Avec tout cela, les peuples d’Europe, et les extrêmes-droites, qui, se prévalant d’une relative lucidité quant aux méfaits de l’arc-en-ciel, prétendent les mener, sont pris de tournis et prêts à tomber dans tous les pièges. Un jour ils se coiffent de Poutine, le lendemain ils s’embéguinent de Trump et Musk. C’est qu’ils se sont privés de ce qui faisait leur vraie force, la réflexion contre-révolutionnaire. Ils ont perdu de vue le principal adversaire, dont le fondé de pouvoir est, pour faire court, la maçonnerie. Je reviens par-là à un exemple que je connais bien, l’exemple français, avec le Front national / Rassemblement national. Jean-Marie Le Pen était un réactif, plus intuitif que théoricien, et certains lui ont reproché un manque de stratégie définie à l’avance. Mais du moins était-il d’une doctrine très sûre. La plus fragile de ses improvisations s’appuyait sur un socle de convictions et de réflexes hérités d’une tradition gréco-romaine et catholique. Cela lui donnait une boussole sans erreur sur toutes les questions dites de société ainsi qu’un jugement sûr et vrai sur les grandes affaires politiques.

 

L’extrême-droite Heineken n’est plus d’extrême-droite

Avec Marine Le Pen, qui ne manque pas de qualités et que le temps bonifie, la formation profonde, la fibre, n’est pas la même. Elle est née en 1968 et en garde bizarrement quelque chose. Sa politique de dédiabolisation du RN est un pari hasardé puisqu’elle consiste à demander un blanc-seing pour exister à ceux qui l’ont diabolisé pour l’empêcher d’exister. Mais quoi qu’il en soit de son efficacité, c’est aussi une politique de désidentification. Le RN n’est plus ce qu’était le FN de Jean-Marie Le Pen. De même que le « rêve géorgien » ou Calin Georgescu ne sont pas d’extrême-droite, le RN, Wilders, Meloni ne sont plus d’extrême-droite. Les extrêmes-droites d’Europe ne sont plus d’extrême-droite, elles l’ont choisi pour réussir. Leur destin ressemble à la bière Heineken, dont la publicité disait naguère « la bière qui fait aimer la bière », car elle n’a aucune caractéristique nettement dessinée et peut se vendre à tout le monde car elle ne déplaît vraiment à personne.

 

S’opposer à la montée de l’arc-en-ciel, oui, mais comment ?

Le drame des extrêmes-droite heinekenisées, c’est qu’elles sont fragiles dans la mesure même où elles sont devenues passe-partout pour percer. Leur succès explique leur absence de doctrine, de boussole, d’épine dorsale actuelle. Il n’y a plus un point sur lequel toutes soient fermes. Même l’immigration, leur fonds de commerce commun. Marine Le Pen ne croit pas au grand remplacement, personne sauf l’AfD ne parle de remigration, et Giorgia Meloni organise l’immigration. Quant au reste, c’est tout flou, contradictions et navigation à vue, en mettant son chapeau sur les questions qui fâchent. Faute d’un socle doctrinal solide, d’un fond catholique authentique et d’une connaissance nette de l’adversaire, on s’accommode d’à peu près tout dans l’attente du premier sauveur venu, auquel on s’accroche avant de devoir le lâcher. Les extrêmes-droites deviennent de simples partis d’opposants à l’arc-en-ciel. En soit, ce n’est pas un mal, mais le drame est que, faute d’en avoir compris la logique, elles réagissent au coup par coup et en désordre à ses attaques, sans chercher de stratégie d’ensemble pour le vaincre.

 

Pauline Mille