Le pape François était jeudi l’invité de la Food and Agriculture Organization (FAO), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, où il a demandé que l’on prenne soin de la planète. « Si l’on croit au principe de l’unité de la famille humaine, fondée sur la paternité du Dieu Créateur, et dans la fraternité des êtres humains, aucune forme de pression politique ou économique qui se sert de la disponibilité des aliments ne peut être acceptable. Pression politique et économique, je pense ici à notre terre sœur et mère, à la planète : sommes-nous libres de pressions politiques et économiques pour en prendre soin, pour éviter son autodestruction. »
Notre sœur la planète-Terre ?
Notre « terre sœur et mère » ? Le langage est à sa manière franciscain, ce qui ne laisse pas de surprendre chez un jésuite, mais par les temps qui courent il entre parfaitement dans le cadre conceptuel de l’écologie profonde, pour qui la Terre, Gaïa, est davantage qu’une mère : une déesse.
Certes le propos du pape est de soutenir et d’approuver tout ce qui se fait pour assurer un minimum de nourriture et de « dignité » à chaque être humain qui vit aujourd’hui sur terre, ce qui n’est pas le propos des écologistes : les plus extrêmes et les plus cohérents d’entre eux répètent que l’homme est à l’origine de la rupture de l’équilibre environnemental, et ne cachent pas leur volonté de voir la planète largement dépeuplée.
La FAO : comment nourrir l’humanité pour éviter son autodestruction ?
De même le pape s’est-il exprimé au nom de l’Eglise, pour le « bien-être spirituel » des hommes, autant que pour leur bien-être matériel.
Mais : « Les destins de chaque nation sont plus que jamais liés entre eux, à la manière des membres d’une même famille, qui dépendent les uns des autres. Mais nous vivons en un temps où les relations entre les nations sont trop souvent abîmées par la suspicion réciproque, qui parfois se traduit en forme d’agression belliqueuse et économique, détruit l’harmonie entre frères et rejette ou met à l’écart celui qui est déjà exclu. Ils le savent bien, ceux qui manquent du pain quotidien et d’un travail décent. C’est là le cadre du monde, où il faut savoir reconnaître les limites des cadres basés sur la souveraineté de chacun des Etats, entendue comme absolue, et des intérêts nationaux, souvent conditionnés par des groupes de pouvoir restreints. C’est ce qu’explique bien votre programme à vous, qui est d’élaborer de nouvelles normes et de plus grands engagements pour nourrir le monde », a-t-il déclaré à l’assemblée plénière de la FAO.
Pour le pape, les hommes passent avant le changement climatique
On comprend que le pape dénonce l’esprit de lucre et la primauté du marché qui ne prêtent aucune attention à celui qui meurt de faim, tandis que les denrées alimentaires deviennent des objets de spéculation, « y compris financière », comme les autres. Mais quant à la « souveraineté absolue des nations », il y a bien longtemps qu’elle est diluée et soumise en droit et en fait aux organisations supranationales – sans que pour autant le problème de la faim soit réglé, bien au contraire. Faut-il donc réclamer davantage de supranationalité, comme il semble le faire ici ?
Au-delà des expressions ambiguës, on retiendra cependant ces paroles du pape : « L’intérêt pour la production, la disponibilité et l’accès aux aliments, le changement climatique, le commerce agricole, doivent certainement inspirer les règles et les mesures techniques, mais la première préoccupation doit être la personne elle-même : tous ceux qui manquent de la nourriture quotidienne et qui ont arrêté de penser à la vie, aux relations familiales et sociales, et qui luttent seulement pour survivre. »
En effet, les hommes passent avant le « changement climatique », réel ou supposé. Ne pas le reconnaître serait une cause majeure d’autodestruction de la planète et ferait d’eux les premières victimes de l’idolâtrie de Gaïa.