On connaît déjà la teneur d’une décision qui doit être rendue publique le 4 mars par le Conseil de l’Europe : à la demande d’une ONG britannique, et au nom de la Charte européenne des droits sociaux, la France va devoir inscrire dans ses lois l’interdiction de tous châtiments corporels, y compris la fessée et la gifle. L’ONG en question, Approach (Association for the protection of all children) se mobilise contre cette tolérance bien française du coup pédagogique classée parmi les « violences éducatives ».
L’interdiction souhaitée par le Conseil de l’Europe sera surtout symbolique, puisqu’elle ne sera assortie d’aucune sanction. Mais elle apportera de l’eau au moulin des éducateurs progressistes – psychologues et spécialistes de la petite enfance – qui se focalisent sur la « violence » adulte que ferait naître la moindre tape sur la main reçue pendant les tendres années. Et on peut prévoir un passage à l’acte des pouvoirs publics : « Ne tapez pas vos enfants, ou vous serez punis. »
Les Français favorable à la fessée
Tant pis pour l’opinion publique française, qui à plus de 80% – s’il faut en croire les sondages – n’est pas opposée à une fessée salutaire ou une gifle éducative de temps en temps, étant entendu qu’il s’agit là de gestes d’autorité distribués sans force excessive.
Alors même que les librairies anglo-saxonnes proposent des ouvrages qui vantent la bonne éducation des petits Français – ils disent bonjour à la dame, finissent leur assiette et se tiennent de telle manière au restaurant que les voisins de table sans enfants peuvent aussi profiter de leur soirée – est-ce donc une arme de bonne conduite qu’on prétend enlever aux parents français ?
Non, le problème est beaucoup plus profond, beaucoup plus significatif. C’est l’autorité parentale elle-même qui est en cause : le droit des parents d’élever leur progéniture selon ses propres codes et ses propres priorités.
L’Etat dispose à cet égard – comme dans d’autres domaines – un pouvoir subsidiaire. De suppléance en cas de problèmes insurmontables au niveau parental. Des familles où les enfants sont violemment frappés s’exposent aux poursuites, c’est normal : les autorités ont alors un rôle de protection face à l’injustice et au dommage. Mais c’est en tirant prétexte des excès que l’on prétend dicter leur conduite quotidienne aux pères et aux mères qui sont premiers responsables de l’éducation de leurs enfants. Et en l’occurrence, ce ne sont pas eux qui abusent de leur pouvoir, mais l’Etat qui abuse du sien.
L’Etat doit dicter leur conduite aux parents, selon le Conseil de l’Europe
Le débat sur la question est évidemment légitime. A chaque famille de chercher la meilleure manière de discipliner ses enfants – qui en ont tous besoin un jour ou l’autre, nous ne sommes pas des anges. Que les psychologues s’interrogent sur les moyens les plus efficaces, ceux qui assurent non seulement la meilleure expression de l’autorité, mais qui renforcent celle-ci – lorsqu’un mot ou un regard suffit à faire obéir un enfant, c’est plus impressionnant que la fessée ! – pourquoi pas ?
Mais comme l’observe Caroline Thompson, psychanalyste et thérapeute familiale, fessées et autres tapes ne laissent pas de traces délétères la plupart du temps, il est des violences bien plus grandes : « Dans ma pratique, ce n’est pas le problème principal évoqué par les enfants ou les adultes quand ils parlent de leur enfance. Les violences psychologiques, sur lesquelles il est impossible de légiférer, viennent loin devant. »
L’interdiction de la fessée jette une suspicion systématique sur les parents, persuade les enfants qu’ils peuvent se tourner vers les pouvoirs publics en cas d’éducation un peu rigoureuse (et les enfants sont facilement persuadés d’en être victimes !), et plus gravement, place la responsabilité de l’éducation au-dessus et au-delà de la famille.
L’Etat totalitaire se substitue au père, le Conseil de l’Europe est d’accord
En fait, elle assigne à l’Etat le rôle du véritable père, de la véritable mère de l’enfant : chose à laquelle concourent le système d’allocations qui se substituent au rôle nourricier du père et de la famille, les systèmes de garde collective, l’école qui met en œuvre « l’éducation nationale », et toutes les mesures qui écartent l’autorité paternelle. En France, s’y ajoute la volonté de faire de tous les enfants les « enfants de la République ».
C’est le signe de l’absolutisme de l’Etat, et une constante de tous les totalitarismes : confisquer les jeunes générations à leurs parents et nier les droits de ceux-ci qui sont antérieurs à ceux des pouvoirs publics.
La fessée interdite, le divorce encouragé ?
Qui éduque, dès, lors, en définitive ? L’école, les médias, les pairs (le constructivisme pédagogique passe aussi par là : l’enfant est censé se fondre dans le moule de la socialisation en se frottant aux camarades de son âge), les différentes associations éducatives dès lors qu’elles cessent de jouer leur rôle de soutien aux parents. Et en dernière analyse, le pouvoir qui dit le bien et le mal en la matière.
Mais la prétention de protéger les enfants contre leurs parents n’est pas seulement totalitaire. Elle est aussi profondément hypocrite, à l’heure où la violence de l’école est souvent terrifiante, où l’innocence et l’intelligence de l’enfant sont si souvent violentées par ceux qui prétendent vouloir son bien, et où le divorce, facilité par les pouvoirs publics qui ont abandonné leur rôle et leur devoir de soutien à la famille stable, frappe les enfants de manière infiniment plus profonde que