Le pape François invite au Vatican l’auteur du blasphématoire “Piss Christ”

François Piss Christ blasphématoire
 

Depuis la création de son « œuvre » en 1987, il défraie régulièrement la chronique, à chaque exposition médiatique de son tristement célèbre Piss Christ blasphématoire. Le photographe Andres Serrano vient pourtant d’être invité au Vatican, parmi de nombreux « artistes », et a été chaleureusement salué par le pape François qui a doublé sa poignée de main d’un pouce en l’air pour le moins stupéfiant.

Pour qui ? Pour quoi ? Il est parfois usant de se demander encore et encore les raisons de telles provocations de la part du Saint-Siège. Mais il faut toujours le faire : la réponse au scandale est un devoir.

 

Une image blasphématoire

Ce sont quelque 200 artistes qui ont été invités à Rome, vendredi 23 juin, à l’occasion du 50e anniversaire de l’inauguration de la collection d’art moderne et contemporain des Musées du Vatican. Une cohorte éclectique de « peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, poètes, musiciens, cinéastes et acteurs » du monde entier, dont certains ont pu afficher, récemment ou non, un anticatholicisme assumé, ont pris place dans la chapelle Sixtine, sous les plafonds de Michel-Ange.

Parmi eux, l’« artiste » de 72 ans, Andres Serrano, auteur d’Immersion (Piss Christ), une photographie représentant un crucifix baignant dans une atmosphère mordorée d’apparence fluide, qui n’est autre que de l’urine, la sienne, mélangée à du sang.

Et d’autres de ses œuvres sont largement du même métal. Blood Cross, de 1985, était une image d’une « croix en plexiglas remplie de sang de vache » qui s’écoulait à travers. Sa Pieta de 1985 mettait en scène sa femme tenant un « gros poisson mou » dans une déformation manifeste de la représentation classique de la Vierge Marie tenant le Christ mort au pied de la croix.

Un moment perdu de sa création artistique ? Nullement. Il suffit d’aller voir son site web qui fait étalage de ses expositions personnelles plus récentes : Désir érotique en 1991, Saint Vitus en extase en 1992, mais aussi Une histoire du sexe en 1997, La beauté du mal en 2001…

 

Un accueil du pape François pour le moins désarmant

C’est d’ailleurs le premier à avoir été déconcerté !

Il a déclaré à la presse qu’il « était surpris d’être invité et encore plus surpris qu’il [François] ait levé le pouce à mon encontre ». Comme le faisait remarquer justement Life Site News, on peut voir effectivement François saluer les participants avec une fatigue croissante. Mais lorsque Serrano apparaît, le pape saisit chaleureusement sa main et lui donne un « pouce en l’air » avec « un grand sourire espiègle »…

Pourtant l’œuvre a fait clairement scandale et depuis plusieurs décennies. Lorsque Piss Christ a été exposé en 1989, quelque 50 sénateurs américains se sont plaints que la National Endowment for the Arts (NEA) ait financé l’exposition avec l’argent des contribuables. En 1997, le cardinal George Pell, alors archevêque de Melbourne, a tenté en vain d’obtenir une injonction légale pour empêcher la National Gallery of Victoria d’exposer la photo : il aura fallu une attaque au marteau de deux adolescents pour que l’œuvre blasphématoire soit retirée. Enfin, en 2011, à Avignon, une campagne de protestation lancée par des mouvements catholiques, soutenus par l’archevêché d’Avignon, avait abouti à la dégradation de ce tirage dans l’exposition.

Malheur à celui par qui le scandale arrive, est-il écrit.

Cela n’empêche pas le secrétaire du Dicastère, Mgr Paul Tighe d’assumer le fait que des personnes controversées aient été délibérément associées à l’événement : « Je pense que nous devons tous travailler sur la présomption de bonne foi de l’artiste qui essaie de dire quelque chose, de contester quelque chose, et peut parfois avoir recours à des mesures fortes pour nous réveiller », a-t-il déclaré à l’AFP. Etre « prêt pour une conversation », c’est l’objectif déclaré du Vatican.

 

Piss Christ : une lumineuse transgression qui fait sens… ?

Alors Serrano n’est pas un haineux affiché, en tant que tel, de la religion – il fallait qu’il veuille bien venir ! Il se considère « comme appartenant à une tradition d’art religieux remontant au Caravage et à d’autres ». Et a toujours défendu son œuvre Piss Christ : « Je suis un artiste controversé par accident. (…) Je ne voulais dire ni blasphème ni offense. ». Il a revendiqué un titre littéralement descriptif et a défendu son travail comme une critique de l’« industrie milliardaire du Christ-des-bénéfices » et une « condamnation de ceux qui abusent de l’enseignement du Christ pour leurs propres fins ignobles ».

Peut-être même, son esprit tordu est-il sincère quand il soutient que son œuvre, en montrant, dénonce ! Les artistes arrivent à s’auto-persuader de cette déviance profonde de l’art contemporain où l’œuvre est censée révéler, in fine, le mal qui existe dans le cœur de celui qui regarde… (quelle facile transgression). Andres Serrano se dit d’ailleurs ravi « que l’Eglise comprenne que je suis un artiste chrétien »…

Mais ce n’est pas parce que l’intention était confuse qu’il n’y a pas matière à blasphème.

Là est bien le hic. Que des artistes, conscients ou mal-conscients, soient à l’origine de controverses, même violentes, est toujours possible et récurrent. Qu’ils soient cautionnés par les institutions qu’ils mettent en porte-à-faux ou insultent, double le scandale.

Il est loin l’archevêque de Buenos Aires qui fustigeait, en 2004, l’exposition « blasphématoire » de León Ferrari, artiste qui avait, entre autres, juxtaposé un Christ sur les ailes d’un bombardier américain au Vietnam… François voit désormais les choses différemment.

 

L’art doit déranger la foi

L’angle a changé. Et il sert cet art contemporain qui se veut un sacré sans Dieu. En recevant et en saluant Andres Serrano, le chef de l’Eglise catholique cautionne, dans une sorte de subvention morale et médiatique, le scandale et le blasphème. Alors que la foi est manifestement salie, publiquement abîmée, il acquiesce activement.

Rappelons que cette collection d’art moderne et contemporain des Musées du Vatican avait été inaugurée par le pape Paul VI, en 1973, pour aider à raviver la relation de l’Eglise avec l’art. Nous en avons là une belle démonstration. Le discours prononcé par François en est quelque peu disqualifié.

Mais il tourne de toute façon sur des thématiques approchantes : « comme les prophètes bibliques, vous affrontez des choses parfois inconfortables ; vous critiquez les faux mythes et les nouvelles idoles d’aujourd’hui, son discours creux, les stratagèmes du consumérisme, les stratagèmes du pouvoir » a-t-il dit à ces artistes triés sur le volet. « Souvent, en tant qu’artistes, vous essayez de sonder les profondeurs de la condition humaine, ses sombres abîmes. Nous ne sommes pas tous légers, et vous nous le rappelez. (…) L’une des choses qui rapprochent l’art de la foi est le fait qu’il dérange un peu. »

On a surtout l’impression que l’art doit à présent déranger la foi… et que cette dernière doit l’accepter. L’art, ou prétendu comme tel, peut ainsi déverser son idéologie et fausser, aux yeux des fidèles, le message de l’Eglise.

 

Clémentine Jallais