Giscard, vieux sage de l’Europe, contre le Brexit

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L’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing critique ses successeurs sauf François Mitterrand.

Valéry Giscard d’Estaing vient de s’exprimer contre l’idée d’un Brexit. A 90 ans, l’ancien président de la République, qui fut l’un des « pères » de l’Union monétaire, souhaite que le Royaume-Uni demeure au sein de l’Union européenne. En vieux sage, il estime néanmoins contraire à l’esprit de l’Europe, et sans doute à sa survie, d’accorder à Londres certaines de ses demandes, telles qu’elles ont été émises par le Premier ministre britannique David Cameron.
 
En réalité, pour Giscard, il y a deux points importants pour envisager une relance de la construction européenne. Le premier est l’accord qui pourrait être trouvé (dès cette semaine ?) avec les Britanniques sur certaines questions qui fâchent. Le second, c’est l’élection présidentielle française de 2017.
 

Giscard, vieux sage de l’Europe

 
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, le moins que l’on puisse dire est que le discours de Giscard est on ne peut plus convenu : « Je souhaite vivement que les Britanniques restent parce qu’un départ fera du tort à l’Europe et à la Grande-Bretagne. » Le propos est effectivement habituel, on le sait, à tous les sectateurs du Léviathan européen.
 
L’ancien président ajoute, dans la ligne du discours tenu par le président du Conseil européen Donald Tusk. « Dans un monde qui se caractérise à l’heure actuelle par la désorganisation et par la violence, affirme ainsi Giscard, ce n’est pas la peine d’ajouter la désorganisation en Europe. »
 
Ce qui est intéressant, dans le propos de Giscard, ce ne sont évidemment pas ces considérations générales. N’importe qui peut déclarer que la tranquillité et l’ordre – la tranquillité de l’ordre, dirait saint Augustin – sont préférables à la désorganisation et à la violence. Ce qui est intéressant donc, ce sont ses rappels sur l’existence de « deux projets européens », et sur la « confusion totale » qui existe aactuellement entre eux.
 

Opposition au Brexit

 
L’ancien président rappelle donc que, depuis le début de la construction européenne, « la Grande-Bretagne s’est tournée dans une position un peu latérale par rapport au système ». Evoquant ainsi la réalité de deux projets européens, il précise : « Il y a le projet de culture anglo-saxonne, qui est le projet à 28, basiquement [sic] commercial, et il y a un projet de l’Europe continentale d’une structure politique sur le continent européen. (…) Ces deux projets sont compatibles, mais ce ne sont pas les mêmes. Il y a un groupe de pays qui veulent s’intégrer davantage, ce sont les pays fondateurs de l’Union européenne, mais les autres veulent garder le système qui a besoin d’être réorganisé et simplifié. »
 
Contrairement à certains politiques qui veulent absolument une intégration renforcée, Giscard ne semble pas opposé à la continuation de deux systèmes parallèles, à condition qu’ils soient bien distincts. Ainsi, face aux exigences britanniques, affirme-t-il que « la Grande-Bretagne ne peut pas demander que les décisions internes à la zone euro soient soumises à son approbation ».
 
Pour autant, à terme, l’un de ces systèmes finira sans doute par l’emporter. S’il a été stoppé lors du refus d’une Constitution européenne (dont l’ancien président était le principal responsable), Giscard estime néanmoins qu’un nouvel élan « peut d’abord être conforté par la décision britannique de rester en Europe et ensuite relancé par la décision de pays de la zone euro, pas tous vraisemblablement, mais ceux qui souhaitent aller de l’avant, de préparer une fiscalité commune applicable dans un délai de cinq ans ».
 
D’où, de façon très nette, son opposition à la perspective d’un Brexit qui, à rebours, pourrait stopper définitivement cet élan.
 

Rappel constitutionnel

 
Mais d’où également, parce que pour lui la France est au cœur du projet européen, la nécessité d’une évolution à partir de l’élection présidentielle de l’année prochaine.
 
L’ancien président émet plusieurs remarques à ce sujet, dont la principale concerne un retour vers un régime constitutionnel, qui est « celui de la Ve République, avec une présidence forte et n’intervenant pas dans la vie courante du pays ».
 
« Notre constitution donne au président de la République un pouvoir d’arbitrage, ce n’est pas lui qui mène le gouvernement et la politique, c’est le Premier ministre, précise-t-il.
« Je suis partisan de la tradition française où il y a au sommet de l’Etat quelqu’un, détaché du débat politique à court terme, qui prévoit l’avenir et essaye d’orienter un peu le pays. »
 
On en est effectivement éloigné aujourd’hui. Du fait, sans doute, de la cohabitation. Si, lors des premières, François Mitterrand avait la stature suffisante pour tenir son rôle face aux deux cohabitations qu’il a eu à affronter, pour la troisième, Jacques Chirac a rapidement montré qu’il supportait mal un rôle effacé derrière son premier ministre Lionel Jospin. Petit à petit, il a prétendu gouverner lui-même. Et la situation ne s’est pas améliorée sous ses successeurs, alors même que ni Sarkozy, ni Hollande n’avaient à faire face, eux, à une cohabitation – du fait, notamment, d’une inversion de calendrier électoral.
 
On le voit aujourd’hui, dans la mesure où Bruxelles laisse une marge de manœuvre à nos dirigeants, si Manuel Valls paraît, pour la vitrine, gouverner, c’est bien François Hollande qui prend toutes les décisions. Le remaniement ministériel que nous venons de voir est le dernier exemple manifeste de ce déséquilibre des institutions de la Ve. Il est vrai que François Hollande ne paraît avoir aucunement la stature de prévoir l’avenir…
 

François le Luc