Le Billet : Aller à Lampedusa : deux blondes et un fiasco

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Dimanche, deux femmes blondes en pantalon sombre et haut sévère, le brushing strict, la mine have et préoccupée, ont parcouru sous un soleil de plomb le « hotspot » de Lampedusa où grouillaient des milliers d’hommes au poil noir et à la peau luisante : l’image était caricaturale, elles figuraient l’inquiétude de l’Europe face à l’Afrique qui s’y écoule. On ne pouvait s’empêcher de les plaindre en les regardant aller sous les micros et les caméras. Elles incarnaient tristement l’échec. Leur échec. Leur fiasco. Celui de leur politique. L’inénarrable Ursula von der Leyen, qui préside la Commission européenne, avait présenté en juillet à son de trompe, l’accord qu’elle avait passé avec la Tunisie en modèle à suivre avec tous les pays de transit, afin de leur confier le soin, rémunéré, de freiner le flux des migrants.

 

Deux blondes réunies par leur fiasco

L’épisode de submersion en cours, pour parler comme les météorologues, consacre son fiasco, et le plan d’urgence en 10 points qu’elle venait annoncer en prépare un suivant, puisqu’il ne s’agit, sous l’habillage d’un peu d’argent promis et de belles paroles, que de limiter le jeu des passeurs tout en simplifiant les voies d’accès légales, et en répartissant les migrants arrivés entre des pays de l’Union qui n’en veulent pas. A ses côtés, Giorgia Melloni, qui préside le gouvernement italien, et qui avait pleuré pendant deux jours sur l’abandon où Bruxelles la laissait, dissertait maintenant sur « l’avenir que l’Europe entend se donner ». Elle aurait mieux fait de se taire.

 

Aller à Lampedusa c’est aller à Canossa

Si elle était là en effet, c’est qu’elle avait donné l’espoir au peuple italien d’être ferme sur l’immigration (c’est pourquoi il l’avait élue) et qu’elle a été bien incapable de faire ce qu’elle avait promis (dans le langage politique, on ne dit pas reniement ni impuissance, mais pragmatisme). Sous sa jactance craintive, on sentait l’humiliation. Henri IV, empereur romain-germanique, se rendit à Canossa s’agenouiller devant le pape Grégoire VII pour que celui-ci lève l’excommunication qui le frappait : Meloni est allée à Lampedusa manger son chapeau, et l’expression « aller à Lampedusa » résumera peut-être bientôt l’incapacité de « l’extrême-droite » européenne à régler la question qui l’a rendue forte. Cela, faute de considérer la réalité. Aucune des deux blondes que l’on a vues défaites à Lampedusa ne l’a prise en compte. Une invasion de l’Europe est en cours, Valéry Giscard d’Estaing l’a reconnu voilà trente-deux ans. Soit on s’y oppose par tous les moyens, soit elle s’imposera. Les paroles d’une démagogue ni les potions d’une fonctionnaire irresponsable n’y feront rien.

 

Pauline Mille