Malgré la crise de l’agriculture succédant aux émeutes de banlieue, la baisse du pouvoir d’achat, la hausse des tarifs de l’énergie et des prélèvements obligatoires, la guerre en Ukraine, les Français ont beaucoup parlé ces derniers mois d’affaires de mœurs, Depardieu, Godrèche, Miller, qui rappellent Strauss-Kahn, Duhamel, Epstein, Weinstein. Derrière l’actualité se dessine une révolution morale qui est à la fois une inversion des valeurs et un changement de monde. De même que nous vivons la fin de l’abondance, nous vivons aussi la fin d’une licence sexuelle répandue au nom du progrès voilà cinquante ans et condamnée aujourd’hui au nom du bien. La société a été pourrie pour que sa pourriture puisse être dénoncée. Cette révolution moralisatrice s’étend à l’avortement, l’euthanasie, on vient de le voir, aux enfants, à l’écologie, au transhumanisme demain. L’ONU et ses agences la promeuvent, l’Etat la porte et y associe l’Eglise.

50 ans de révolution morale par la chienlit

Il y a cinquante ans, ce que l’on dénonçait sous le nom de puritanisme était le mal absolu. Il était interdit d’interdire et obligatoire de jouir sans entrave, de toutes les manières concevables. Les progressistes dénonçaient avec de grandes phrases ce qu’ils nommaient au choix la morale bourgeoise ou judéo-chrétienne. Un Serge July, alors directeur de Libération et directeur de conscience d’une génération de bobos parisiens, qui allait dénoncer beaucoup plus tard, au moment des accusations portées contre l’Eglise, les « lupanars pédophiles » catholiques, ouvrait grand les colonnes de son journal à toute sorte de propagande bestiale. Il s’agissait de libérer la sexualité occidentale de millénaires d’aliénation patriarcale, et tout y passait, orgies avec enfant, coprophilie, et bien sûr promotion massive de l’homosexualisme, car la première inversion des mœurs fut sexuelle.

Godrèche prise dans un mouvement pédophile

Les associations pédophiles et homosexuelles (FLIP, FAHR) marchaient en ces temps-là la main dans la main, et il n’est pas inutile de rappeler qu’à l’origine l’écologisme conjuguait ses efforts à ceux de l’homosexualisme : ce n’est pas seulement vrai chez nous où un Noël Mamère, maire écolo de Bègles, maria le premier couple homo, des années avant la loi qui allait légaliser la chose, c’était vrai par exemple aux Pays-Bas où un parti vert, les Groenen, préconisait l’abaissement de la majorité sexuelle à douze ans, puis sa suppression, afin que dames et messieurs rassis puissent jouir sans entrave avec des fillettes et de petits garçons « libérés ». On mettait tout cela en pratique. Chacun se souvient que le gratin des intellectuels parisiens, Aragon, Sartre, Kouchner, Lang, Barthes, Chéreau, Beauvoir, Sollers et Glucksmann compris, avait signé dans le Monde une pétition en faveurs d’homos fricotant avec des garçons de treize ans. Et Tony Duvert, patron des Editions de Minuit, poulain de Roland Barthes, s’affichait avec un gamin de huit.

Babylone s’est effondrée sur ses prêtres, Miller et les autres

C’était le bon temps de Babylone. Au début des années quatre-vingts, passant chez Pivot à Apostrophes, Daniel Cohn-Bendit encore joufflu faisait rire tout le studio en racontant ses aventures avec les enfants du Kindergarten qu’il souillait. Il y avait une complaisance générale de la part d’un milieu people, riche et « à la page » que le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet nommait « une certaine moisissure parisienne » pour cette licence sûre d’elle et dominatrice. Elle n’avait rien à voir avec le patriarcat, ni d’ailleurs avec le sexisme, elle visait explicitement à les détruire, c’était la révolution bobocrate par la grande bai… telle qu’en témoignent bien des films de l’époque. Et telle qu’elle se montrait encore récemment dans les pratiques d’un Olivier Duhamel, constitutionnaliste et maître à penser de Sciences-Po, parangon du bourgeois ouvert, pour qui « l’amour » et les ivresses permettent tout, inceste pédéraste compris, pratiques qu’a décrites Camille Kouchner, fille de Bernard Kouchner et belle-fille d’Olivier Duhamel.

Avec Depardieu, les Boomers pris dans la fin d’un monde

Aujourd’hui, Babylone s’est effondrée sur ses grands prêtres. Gabriel Matzneff, qui avait rédigé la pétition de 77, accusé de viols et d’agressions sexuelles, rase les murs, comme Olivier Duhamel, le grand sage de la République. Depardieu a été lynché après un reportage à la télévision, sans attendre le jugement des affaires lancées contre lui. Le psy Gérard Miller, coqueluche des bobos et des plateaux, croule sous les accusations, il semblerait qu’il ait utilisé l’hypnose pour mieux s’assurer de ses proies. Jeffrey Epstein, patron d’un réseau international de prostituées, beaucoup étant mineures, dont il se servait pour ses affaires et ses chantages avec les grands de ce monde, a été retrouvé pendu dans sa cellule où il attendait d’être jugé. Harvey Weinstein, le puissant producteur de gauche, ami et financier des Clinton, purge une peine de plusieurs dizaines d’années de prison pour ses actes de prédateur en série. C’est de lui, et du mouvement MeToo censé libérer la parole des femmes que tout est parti en 2017.

Godrèche, Metoo et la grosse hypocrisie du système

Que tout est parti dans l’ambiguïté et le mensonge. Car enfin, parmi les accusatrices d’Harvey Weinstein, combien étaient les adultes vaccinées, parfaitement au courant de ses pratiques, et choisissant d’aller à un rendez-vous dans sa chambre pour un job ou un bout d’essai ? Bref, combien de profiteuses d’un système de promotion canapé qui se posent ensuite en victimes et en juges ? Elles ne peuvent pas, malheureusement pour elles, effacer les photos d’époque où elles posent collées et admiratives au monstre. Et ceux qui maudissent Depardieu pour des paroles graveleuses oublient qu’ils l’ont applaudi dans Les Valseuses dans la mesure même où il s’y montrait ouvertement pornographique. Quant à Judith Godrèche, elle n’a peut-être pas tort de dire que les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon étaient de jolis saligauds d’avoir profité de son extrême jeunesse sous couleur de provocation et de révolution, mais elle, ses amis, ses parents, ont participé à la chose, et la presse progressiste qui joue aujourd’hui les éplorées l’en louaient, et elle s’en est longtemps félicitée.

La révolution cause ce dont elle accuse le patriarcat

La parole des femmes n’a pas été libérée, et la parole publique souffre d’une hypocrisie supplémentaire, fréquente chez les vieilles respectueuses qui veulent paraître respectables : on crie très fort sur le baudet pour éviter de rappeler qu’on a poussé au crime. Il y a plus grave, il y a une erreur d’analyse qui dessert les femmes et promeut la révolution morale dont elles ont été victimes. Il y a un mensonge féministe grave. En effet, les « prédateurs » montrés du doigt, de droite ou plus souvent de gauche, se voulaient tous provocateurs et progressistes. Quoi qu’en aient dit Sophie Marceau ou Isabelle Carré, actrices célèbres mais vraies cruches, les affaires de mœurs dont on parle n’ont pas mis en scène patriarcat ou sexisme, mais pouvoir, argent, péché, avidité des uns et des autres, et cette révolution morale commencée dans les années soixante qui était dirigée précisément contre le patriarcat et sa morale censément dépassée.

Solve et coagula : la nouvelle morale est impérative

Le moralisme révolutionnaire ment donc. Il se sert aujourd’hui d’un puritanisme où féminisme et islam se conjuguent, comme il se servait hier de la licence. Et il s’en sert, comme il s’en servait hier, pour imposer sa manière de voir, sa morale, son pouvoir. Des années 1960 aux années 1980, c’était la phase solve, on dissolvait les anciens cadres moraux et religieux. Aujourd’hui, c’est la phase coagula, on solidifie les nouveaux cadres moraux. C’est quelque chose de très fort. On l’a vu dans l’affaire Depardieu : ceux qui avaient risqué leur signature sur une mauvaise tribune ont été priés de se rétracter. De même dans l’affaire Godrèche, Annie Duperey qui trouvait l’actrice un peu abusive a vite fait demi-tour. Le système édicte ses nouvelles lois, il entend qu’on les respecte, et l’Etat lui prête son concours.

Badinter et Goldnadel contre la révolution du droit

A commencer par le système judiciaire. Deux avocats, l’un de droite, l’autre de gauche, l’un vivant, l’autre mort, ont récemment vu le danger. Le premier est maître Badinter. Dans cette justice souvent sans témoin et souvent sans preuve, ce qui déconcerte tout juriste, il déplorait que « la parole des victimes soit sacralisée ». En effet, avant que le jugement n’ait lieu, il n’y a pas à proprement parler de victime, mais une accusatrice, et sacraliser sa parole interdit toute défense. Le second est maître Goldnadel. Il s’inquiète que, dans la louable intention de tenir compte des avancées de la psychologie et du « temps des victimes », on repousse de plus en plus loin la prescription, qui est pourtant la garantie d’une justice humaine sage. Pour ruiner la vie de n’importe quel homme, il suffit de l’accuser de vous avoir mis la main aux fesses il y a quarante ans, que ce soit vrai ou non.

Macron grand pontife de la révolution morale

Cela surprend dans une société où le porno est en accès libre et gratuit, où le divorce est devenu la norme, où des « Prides » emplissent les rues de comportements surprenants. C’est la preuve spectaculaire qu’une révolution morale est en marche et que l’Etat lui prête son concours. L’inscription de l’avortement dans la Constitution confirme que l’Exécutif et le Législatif ne sont pas en reste sur le judiciaire. La quasi-unanimité des partis, la soumission des oppositions, montrent l’importance de cette révolution morale aux yeux des maîtres. Et le rituel suivi par le président de la République lors de la petite fête qui a suivi ne laisse pas de doute sur le caractère religieux de la chose. Comme César à Rome, Emmanuel Macron a agi en tant que grand pontife, avec en guise de chant liturgique une Marseillaise modifiée à l’image de la Constitution.

L’Eglise embringuée par l’Etat dans la révolution morale

Ce qui touche au sexe et à la procréation a été moteur dans la révolution morale en cours. On sait que les conférences de consensus de l’ONU, en amont des Etats, ont violemment promu, sous couleur de « santé reproductive » l’avortement, et, sous couleur d’équité, la fin des distinctions homme femme et la célébration de l’homosexualité. C’est maintenant entré dans les mœurs et les lois de l’Europe, et l’Eglise catholique s’est mise au diapason avec le chemin synodal suivi par les évêques d’Allemagne et Fiducia supplicans. Mais la révolution morale englobe un objet beaucoup plus vaste. C’est toute la morale chrétienne et européenne qu’il s’agit d’inverser. Chacun peut au gré de l’actualité en relever cent traces. Pour rester dans la politique familiale, par exemple, il est devenu bon, souhaitable et louable de ne pas faire d’enfant afin de réduire l’empreinte carbone et sauver la planète.

Après l’avortement, l’euthanasie : mais Qui est à la manœuvre ?

On touche ici à ce qui détermine l’axe du nouveau Bien : l’écologie. Ne pas polluer est bien. Ne pas manger de viande. Ne pas tuer d’animal. Ne pas en faire souffrir. Le considérer comme l’égal d’un homme. Respecter le droit du vivant, ce qui, bizarrement, n’a rien à voir avec respecter le droit à la vie. Celui-ci supposait un Créateur. On l’a éliminé au profit, dans un premier temps, de la liberté de l’homme. Puis, au nom de la Terre Mère, on « remet l’homme à sa place », une place subalterne dans la chaîne du vivant. On le soumet à un panthéisme qui de facto l’élimine. Une fois admis qu’il n’est qu’un chaînon dans le règne animal, on peut l’euthanasier si c’est utile à la société et que l’animal qui est en lui ne souffre pas. Puis viendra le transhumanisme, qui réglera tout à fait la question. Il n’y a déjà plus de Dieu, il n’y aura plus d’homme. L’esprit qui n’aime ni Dieu ni les hommes sera satisfait.

Pauline Mille