Etat de la guerre contre l’Etat islamique

Guerre Etat islamique
 
Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur la déclaration de guerre faite par François Hollande au lendemain des attentats de Paris. Pour l’heure, il y a une réalité, physique et matérielle : l’Etat islamique est venu semer chez nous la peur, le sang, les larmes, la mort. Et les autorités françaises entendent y répondre. Et c’est sans doute dans les termes de cette réponse qu’est à chercher la nature exacte de ce conflit.
 
Pour l’heure, les éléments de cette réponse se situent sur le plan diplomatique, par la recherche de convergences politiques ; et sur le terrain, par la traque, chez nous et chez nos voisins, des terroristes djihadistes, et en Syrie, par les bombardements qui visent à détruire les foyers de l’ennemi.
 

Etat de guerre…

 
La partie militaire de ce conflit, qui se fait sur le terrain (ou plutôt au-dessus du terrain) en Syrie sera longue. C’est précisément ce que vient d’affirmer dans les colonnes du Journal du Dimanche notre plus haute autorité militaire, le chef d’Etat-Major des armées françaises Pierre de Villiers, qui estime que, même si « nous leur avons fait sérieusement mal », la guerre contre l’Etat islamique ne sera pas gagnée « à court terme » sur le plan militaire. A propos duquel il précise tout de même, pour justifier ce délai, qu’« on ne détruit pas un ennemi par des bombardements aériens, mais au sol avec l’appui des actions aériennes ».
 
Trois considérations marquent la réflexion du général de Villiers. La première est une nécessaire coordination des pays qui luttent contre l’Etat islamique. Cela passe, comme François Hollande semble en avoir esquissé l’amorce, par un rapprochement avec la Russie. Mais, précise le général, « nous n’avons pas, à ce stade, de coordination de frappes ou d’identification de cibles en concertation avec les Russes, même si nous avons tous le même ennemi, Daech ».
 

Contre l’Etat islamique

 
Cette considération, explique-t-il, est première. Première notamment sur les considérations politiques concernant l’avenir du président syrien Assad. « Nous sommes en guerre contre un terrorisme abject d’une violence inouïe. Tout le reste passe après », assène-t-il.
 
La deuxième considération est d’ordre politique : il s’agit d’une nécessité diplomatique. C’est la semaine qui attend François Hollande. Après avoir reçu le Premier ministre britannique David Cameron ce lundi, il sera demain auprès du président américain Barack Obama. Puis, après avoir dîné avec le chancelier allemand Angela Merkel mercredi, il se rendra jeudi auprès du président russe Vladimir Poutine.
 
Reste à savoir jusqu’à quel point l’entente entre les grands pourra se faire. Car, ainsi que le souligne le général de Villiers, « tout le monde sait au final que ce conflit sera réglé par la voie diplomatique et politique ».
 
Et, de fait, sur le terrain, des armées classiques auront toujours une difficulté pour saisir l’ennemi que constitue le terrorisme – et surtout le terrorisme djihadiste, qui cumule les fanatismes.
 

Le temps long

 
La dernière considération est donc celle du temps. « Nous, les militaires, nous sommes habitués au temps long. Mais nos sociétés vivent dans le temps court et veulent des résultats tout de suite. En Syrie et en Irak, nous sommes au cœur de ce paradoxe », explique le chef d’Etat-Major. Son frère Philippe pourrait sans doute développer quelques réflexions intéressantes sur ce paradoxe…
 
Quoi qu’il en soit, le temps long est, nécessairement, dans une situation semblable une faiblesse pour les sociétés occidentales (ou autres d’ailleurs) attaquées par l’Etat islamique. C’est sans doute pour cette raison, pour compenser cette attente, qu’elles affirment aussi nettement leur détermination.
 

L’obsession américaine

 
Depuis Kuala Lumpur, où il participait au sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), Barack Obama a ainsi affirmé dimanche que les Etats-Unis et leurs alliés poursuivraient sans relâche leur lutte contre l’Etat islamique. « Détruire [l’Etat islamique] n’est pas seulement un objectif réaliste, c’est une tâche que nous allons mener au bout, a déclaré le président américain. Nous les éliminerons. Nous reprendrons les terres où ils sont, nous supprimerons leurs financements, nous traquerons leurs dirigeants, nous démantèlerons leurs réseaux, leurs lignes de ravitaillement, et nous les éliminerons. »
 
Une détermination dont il n’a pu sceller, cependant, la faille principale, la faille politique, la faille diplomatique, en revenant, en une sorte de leitmotiv monotone, sur une transition politique en Syrie incluant le départ du président Bachar el-Assad.
 
Comment peut-on appeler la Russie à une nécessaire coordination des forces en continuant à gratter là où cela fait mal ? Décidément, les Américains semblent avoir quelque mal à envisager qu’il puisse y avoir, de par le monde, d’autres points de vue que les siens. Mais on les comprend : cela les contraindrait à admettre qu’ils ne sont pas – ou pas tout à fait – les maîtres de ce monde.
 

Le coup de sifflet de l’ONU

 
L’ONU les invite pourtant à composer. Lors du même sommet de Kuala Lumpur, Ban Ki-moon, son secrétaire général, a appelé la Russie et les Etats-Unis à unir leurs efforts pour lutter contre le terrorisme. « Au nom de l’humanité »…
 
« Nous devons montrer une solidarité globale pour faire face à l’ennemi commun : l’Etat islamique, Daesh, d’autres groupes extrémistes et terroristes », a-t-il précisé, en adressant ses félicitations aux deux grands en commun leur leadership qui permet de « faire face aux causes fondamentales du terrorisme ». Ce qui permettra à l’ONU de présenter l’année prochaine « un plan complet d’actions pour combattre la violence et l’extrémisme ».
 
On notera que la crispation américaine fait passer Vladimir Poutine pour le bon élève.
 
On notera surtout le glissement sémantique opéré par Ban Ki-moon. De la lutte contre le terrorisme, il est passé à l’action contre l’extrémisme. Une évolution qui pourrait permettre de régler bien des comptes…
 

François le Luc